La démographie de l’Afrique subsaharienne entre fantasme et réalité (1)

La démographie africaine notamment la croissance de sa population est devenue depuis quelques années, un sujet éminemment politique en France. Sans insister sur les outrances qu’elle inspire aux Le Pen père[1] et fille[2], ils sont nombreux les responsables politiques à avoir un point de vue trancher sur ce qu’elle représente et les périls qu’elle est censée faire courir à la France et à l’Europe.  A l’entame de l’année 2017, le favori des sondages et candidat de la droite républicaine à l’élection présidentielle d’avril 2017, François Fillon, déclarait dans un discours prononcé[3] à Nice le mercredi 11 janvier : « En 30 ans, la population de l’Afrique va plus que doubler. Avec solennité, je dis que l’immigration en France n’est pas l’avenir de l’Afrique !». En juillet de la même année, le président nouvellement élu, Emmanuel Macron répondant à une question sur un éventuel plan Marshall pour l’Afrique embrayait… après avoir parlé de « crise civilisationnelle » sur la démographie africaine : « qu’il ne sert à rien de dépenser des milliards d’euros » dans « des pays qui ont encore sept à huit enfants par femme »[4]. Quelques mois plus tard, il réitérait, certes avec moins de brutalités, les mêmes propos à Ouagadougou : « Le nombre d’enfants par femme, ça ne se décrète pas, c’est un choix intime. […] Mais quand une femme a 7, 8, 9 enfants, êtes-vous bien sûr que c’est véritablement son choix ?»[5] ! En août 2013 lors du séminaire de rentrée de l’Élysée, Manuel Valls alors, ministre de l’Intérieur, avait « jeté un froid » en évoquant les évolutions de la politique migratoire en France face à la future poussée démographique africaine[6].

Les piliers de la technocratie du développement et les intellectuels ne sont pas en reste. Ainsi Serge Michailof, ancien haut fonctionnaire de la Banque mondiale (BM) et de l’Agence française de développement (AFD)dans un ouvrage au titre évocateur[1], fait un parallèle entre l’Afghanistan et certains pays de l’Afrique de l’ouest. Dans cet ouvrage où il prend à revers certaines thèses optimistes sur le développement de l’Afrique, il met l’accent sur la forte croissance démographique. D’où l’arrivée sur le marché du travail d’une foule de jeunes qui compte tenu du type de croissance que connaît le continent ne trouveront pas un emploi à même de leur permettre de s’insérer économie et socialement. Il en conclue que cela entraînera une forte augmentation des flux migratoires depuis les pays du Sahel et plus graves des conséquences dommageables pour l’Europe et, particulièrement, pour la France. Le 15 mai 2015, l’Institut de géopolitique des populations organisait un colloque sur le thème « Afrique : le cauchemar démographique ». Ce colloque à l’intitulé original pour une rencontre entre universitaires a vu ses actes publiés aux éditions L’Æncre avec pour titre : « Les 4,2 milliards d’Africains pourront-ils submerger l’Europe ? »

Ces positions ne sont pas nouvelles et renvoient au vingtième siècle et aux débats   sur la « bombe démographique » mais aussi à Malthus et au … dix-neuvième siècle. Alors que dans le passé on parlait de bombe démographique en qui concerne la population mondiale maintenant à propos de l’Afrique on parle d’ « explosion ». Ce discours néomalthusien accuse la croissance démographique africaine des plus grands périls à craindre pour la France et L’Europe.  La réalité migratoire est assimilée à un flux du Sud vers le Nord. Dans cette perspective, l’Afrique est vue comme un réservoir massif et problématique de migrants, à l’égard duquel les Européens devraient avoir des politiques de contrôle des frontières.

Ces discours participent à une campagne idéologique visant à accréditer le fait que l’Afrique ne s’en sort pas à cause de sa démographie et de manière sous-jacente qu’elle est un danger pour le reste du monde ou, à tout le moins, pour la France et l’Europe.  Sans vouloir faire contrepoids à cette tendance à prophétiser des désastres imminents en emboîtant le pas le pas ceux qui considèrent que la croissance démographique rapide que connaît l’Afrique ne doit susciter aucun questionnement, il s’agit ici de s’interroger sur l’état des lieux et les perspectives qui en découlent. Quelle est la situation démographique en Afrique ? Dans quel contexte socio-économique se fait la croissance démographique ? Quelles sont les conséquences de cette croissance démographique ? Qu’en est-il des migrations en Afrique ? La France et l’Europe doivent-elles craindre un afflux massif d’immigrés en provenance d’Afrique ? Quelles solutions pour cette croissance démographique rapide pour la fécondité collaboration et contrôle ?


À suivre



[1] http://lelab.europe1.fr/la-prophetie-de-jean-marie-le-pen-sur-la-deferlante-demographique-africaine-1348190

[2] https://www.facebook.com/MarineLePen/videos/2080236945325952/

[3]https://www.republicains.fr/actualites_meeting_francois_fillon_nice_20170111

[4] http://www.france24.com/fr/20170711-macron-croissance-afrique-probleme-nombre-enfants-africaines-developpement

[5] http://www.liberation.fr/planete/2017/11/28/macron-a-ouagadougou-il-n-y-a-plus-de-politique-africaine-de-la-france_1613111

[6] https://www.nouvelobs.com/infographies/20130820.OBS3751/infographie-afrique-vers-une-explosion-demographique.html

[7] Serge Michailof, Africanistan : l’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? Fayard, 2015.

Auteur : Félix Atchadé

Je suis médecin, spécialiste de Santé Publique et d’Éthique Médicale. Je travaille sur les questions d’équité et de justice sociale dans les systèmes de santé. Militant politique, je participe à l'oeuvre de refondation de la gauche sénégalaise.

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