Les leurres de l’ajustement structurel qui vient

L

Mis à part le droit de vie ou de mort sur les citoyens, il n’y a aucun pouvoir qu’une réforme constitutionnelle puisse donner de plus à Macky Sall. Il est, en tant que président de république, la clef de voûte des institutions sénégalaises. L’Assemblée nationale est une chambre d’enregistrement des desiderata présidentielles. Il nomme à tous les emplois militaires et civiles. Son exercice du pouvoir a fait du premier ministre un collaborateur. Aucun Sénégalais mis à part Ousmane Tanor Dieng, ne sait à quoi sert le Haut conseil des collectivités territoriales. La justice ? Il en est le marionnettiste et le ventriloque. Il faut donc prendre la prochaine réforme constitutionnelle qui vise à la suppression du poste de premier pour ce qu’elle est : une entreprise d’enfumage. D’ailleurs qui peut croire à l’utilité de cette réforme quand son résultat est anticipé dans le cadre constitutionnel actuel. Mahammat Boune Abdallah Dione est bien cumulativement premier ministre et Secrétaire général de la présidence !!  Cette réforme constitutionnelle est un épais écran de fumées qui vise à brouiller les cartes, empêcher de percevoir les véritables enjeux à venir :  le retour de l’ajustement structurel sous le vocable diminution du train de vie de l’État.

Quand la réduction du train de vie de l’État est évoquée, il est toujours opportun de chercher la source de ce discours. Quand il s’agit de l’opposition, il n’y a pas lieu de s’en émouvoir car il s’agit toujours d’un exercice de rhétorique qui vise à montrer qu’elle est potentiellement meilleure gestionnaire. De la part du pouvoir c’est une autre affaire !! Il ne faut surtout pas croire que Macky Sall va réduire de quelques unités son impressionnant cortège de dizaines de grosses cylindrées américaines lorsqu’il se déplace. Ce qui est annoncé est une mauvaise nouvelle pour les travailleurs, classes moyennes et populaires. Les quelques données utilisées pour illustrer la gabegie au niveau de l’État ne doivent pas faire illusion. Ceux qui s’intéressent à l’histoire économique du Sénégal ont sans doute noté les similitudes entre les éléments de langage utilisés pour annoncer « les réformes » de Macky Sall et ceux qui ont justifié le Plan de redressement économique et financier (1980/85) mis au point par le FMI et la Banque mondiale pour le pays. Les dégâts sociaux et économiques de ce plan et ceux qui lui ont succédé jusqu’à la fin du siècle dernier ont été énormes. Fin de l’encadrement rural, coupures des subventions aux intrants agricoles etc.

L’ajustement structurel qui pointe, nous le devons à une politique inconsidérée de recours à la dette pour financer des projets qui n’ont aucun impact en termes de levier de transformation de notre économie. Le gouvernement se défend de tout problème d’endettement excessif mais la réalité est tout autre comme l’a démontré la loi des finances rectificative 2018. Cette loi a été votée le 6 juillet 2018 pour pallier à la baisse de 8% des recettes fiscales en 2018 en comparaison de la même période en 2017. Le budget 2018 avait prévu une croissance des recettes fiscales de… 11% pour l’exercice. Le ministre des Finances de l’époque, Amadou Bâ, avait avancé des explications fantaisistes en rapport avec la facture pétrolière. Ces explications n’avaient convaincu qu’un seul Sénégalais : mon camarade Ibrahima Sène !! Pour financer ce déficit, le Pays a émis des eurobonds destinés au « rachat des dettes » comme le stipule la loi des Finances rectificatives du 6 juillet 2018. Cette loi annonçait les couleurs : « Le Gouvernement a donc pris, en toute responsabilité, la décision de décaler sa cible de déficit budgétaire, en accord avec ses partenaires techniques et financiers. »

 Dans les prochaines semaines nous aurons une loi des finances rectificative 2019 avec son lot de mauvaises nouvelles pour les travailleurs et les couches populaires. Les syndicats et les forces de gauches doivent commencer à se mettre en ordre de bataille pour faire barrage aux offensives que subiront les couches populaires. Ils devront éviter de se faire distraire par des promesses de dialogue qui n’empêchent pas Macky Sall de lancer des chantiers de réforme constitutionnelle.

Ku beuré Dan !!!

Sénégal : mémorandum sur l’élection présidentielle de 2019

Résumé

Au Sénégal l’élection présidentielle s’est déroulée le 24 février 2019. Le président Macky Sall, en place depuis 2012 a vu son bail à la tête de l’État renouvelé pour un quinquennat. Il a remporté le scrutin dès le premier tour avec 58,27% des suffrages exprimés devant Idrissa Seck (20,50%) Ousmane Sonko (15,67%), Issa Sall (4,07%) et Madické Niang (1,48%). Ces résultats ont été contestés par ses adversaires qui les ont rejetés « fermement » mais n’ont pas, pour autant, introduit de recours devant le Conseil constitutionnel.

Fait notable de ce scrutin, pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal contemporain l’élection présidentielle s’est déroulée sans un candidat de la gauche. De même, alors qu’elles étaient trois à faire acte de candidature, aucune femme n’a pu se présenter. Des cinq candidats en liste, trois sont des libéraux issus du giron du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Maître Abdoulaye Wade qui a dirigé le pays de 2000 à 2012.  Cette entorse à la tradition pluraliste de l’offre politique est à imputer à la loi sur le parrainage et aux déboires judiciaires de certaines figures de la politique sénégalaise.

Si le scrutin s’est déroulé sans incident notable et à vu une mobilisation importante de l’électorat avec un taux de participation de 66,23%, cela n’a pas été le cas de la campagne électorale qui a connu des évènements tragiques avec mort d’hommes à Tambacounda dans le centre-est du pays.

Le Sénégal sort de cette longue période électorale avec une démocratie mise à mal et marquée par une forte défiance d’une partie des acteurs politiques et de l’opinion publique vis-à-vis des institutions notamment de la justice. La confiance en la possibilité d’une compétition électorale ouverte et non biaisée a été grandement entamée. Il semble que le président réélu en ait pris la mesure puis qu’il a lancé un appel à un dialogue politique « ouvert et constructif » tout en invitant les anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade à y participer.

Suite sur :

Sénégal : mémorandum sur l’élection présidentielle de 2019