Dans un mois, les 24,25 et 26 août 2019 se tiendra à Biarritz dans le sud-ouest de la France le sommet du G 7. Le G7 est un groupe de discussion et de partenariat économique de sept pays : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni. Le sommet du G7 réunit chaque année les chefs d’État ou de gouvernement de ces pays, ainsi que les présidents de la Commission et du Conseil européens. Le FMI, l’ONU et l’OCDE sont également représenté. La France qui préside aux destinées du groupement cette année 2019 a décidé « d’un G 7 au format renouvelé » pour « mener le combat contre les inégalités ». Ces derniers mois se sont multipliées les réunions ministérielles, de « sherpas » et « sous-sherpas » pour préparer le sommet du mois prochain. Avec les inégalités comme fil conducteur, les questions de santé, éducation, environnement de genre ont été abordées.
Un monde plus riche et plus inégalitaire
Il y a de multiples raisons de se préoccuper des inégalités. Dans un monde où la richesse a considérablement augmenté au cours des dernières décennies atteignant une moyenne de 63.100 dollars par adulte, il y a des centaines de millions de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté. Dans son rapport 2018 sur la pauvreté et la prospérité partagée, la Banque mondiale a estimé à 736 millions le nombre de personnes vivant avec moins de 1,90 dollar par jour. Plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à de l’eau salubre. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les femmes afghanes ont un risque de mortalité maternelle de 1 sur 11 alors que pour une Irlandaise, ce risque est plus de mille fois moindre (1 sur 17 800). Près de 95% des décès par tuberculose surviennent dans les pays en développement. Il s’agit principalement de jeunes adultes dans leurs années les plus productives. Les adultes qui contractent la maladie ont d’autant plus de mal à améliorer leur condition économique et celle de leur famille. L’espérance de vie varie de 36 ans entre les pays, un enfant né au Malawi peut espérer vivre 47 ans alors qu’un enfant qui naît au Japon peut espérer vivre 83 ans. Dans les pays à faible revenu, l’espérance de vie moyenne à la naissance est de 57 ans alors qu’elle est de 80 ans dans les pays à revenu élevé. Ces inégalités ne sont pas seulement entre pays mais à l’intérieur des pays et dans les villes. À Londres, l’espérance de vie des hommes va de 71 ans dans le quartier de Tottenham Green (Haringey) à 88 ans à Queen’s Gate (Kensington et Chelsea) – soit un écart de 17 ans. D’après les conclusions du London Health Observatory, en allant vers l’est à partir de Westminster, on peut considérer qu’à chaque station de métro, l’espérance de vie à la naissance diminue de pratiquement un an. Selon le rapport sur les inégalités mondiales 2018, ces dernières décennies les inégalités de revenus ont augmenté dans presque toutes les régions du monde. Les 1% d’individus les plus riches dans le monde ont capté deux fois plus de croissance que les 50 % les plus pauvres. Pour l’ensemble des classes moyennes et populaires nord-américaines et européennes, la croissance du revenu a été faible. Un fait important que met en évidence le rapport est la disparité du degré d’inégalité observée d’un pays à l’autre, même lorsque ces pays sont à des niveaux de développement comparables. Cela met en lumière le rôle déterminant des institutions et des politiques publiques nationales dans l’évolution des inégalités.
L‘Afrique au sommet de Biarritz
L’Afrique aura des représentants au sommet de Biarritz conformément à la volonté d’Emmanuel Macron « d’un G 7 au format renouvelé ». Les chefs d’État d’Afrique du Sud, du Burkina Faso, d’Égypte, du Rwanda et du Sénégal et le président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki y participeront. Ils parleront sans doute de l’avancée de la lutte contre la pauvreté et les inégalités au sortir de deux décennies où ces thèmes ont été dans l’agenda international à travers les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). L’économie africaine a connu un tournant à partir du milieu des années 1990. Après deux décennies de baisse des revenus réels des populations, à partir de 1995 l’Afrique a affiché une croissance robuste de 4,5 % par année, un rythme plus rapide que dans le reste du monde en développement, Chine exclue. La Banque mondiale impute à cette embellie de la croissance à la diminution des conflits à grande échelle, une amélioration des fondamentaux macroéconomiques et de la gouvernance, au cycle haussier du cours des produits de base et à la découverte de nouvelles ressources naturelles. Cependant, malgré cette croissance, une grande proportion des Africains continue de vivre sous le seuil international de la pauvreté de 1,90 dollar par jour. Le taux de pauvreté est passé de 57 % en 1990 à 43 % en 2012, selon les plus récentes estimations de la base de données PovcalNet de la Banque mondiale, mais sous l’effet de la croissance démographique, le nombre des personnes pauvres faisant l’objet de ces estimations est passé de 288 millions en 1990 à 389 millions en 2012. La réduction de la pauvreté en Afrique est sans commune mesure avec celle observée dans d’autres régions en développement. L’Asie de l’Est et l’Asie du Sud, où les taux de pauvreté étaient à peu près aussi élevés qu’en Afrique au cours des années 1990, affichent aujourd’hui des taux beaucoup plus faibles. L’Afrique a été la seule région en développement où le premier OMD, qui était de réduire l’extrême pauvreté de moitié avant 2015, n’a pas été atteint.
L’économie politique de l’échec de la lutte contre la pauvreté et les inégalités en Afrique a été bien documentée. L’idée que la croissance économique est favorable à la création d’emploi et au développement humain compris comme réducteur de la pauvreté n’a que très rarement été vérifiée en Afrique. L’Asie qui a mieux réussi en termes de réduction de la pauvreté a prouvé que hors du consensus de Washington ou du nouveau consensus de Washington, il existe des stratégies de développement originales basées sur le rôle de stratège et d’encadreur de l’État. Que le sommet du G 7 fasse le constat que la lutte contre les inégalités s’inscrit dans un contexte socioéconomique et politique serait une formidable avancée. Le maintien du statu quo fait de politiques néolibérales, de Traités de libre-échange ne fera que servir les intérêts des 1% les plus riches.