L’épidémie d’Ebola qui touche l’est de la République démocratique du Congo (RDC) notamment les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri est depuis la semaine dernière dans l’agenda international. Le mercredi 17 juillet2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par la voix de son directeur général, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus a déclaré que l’épidémie doit être dorénavant considérée comme urgence sanitaire mondiale. C’est la quatrième fois depuis 1948, que l’OMS décrète une telle mesure. La France dont la mobilisation dans la lutte contre cette épidémie avait fait l’objet de nombreuses critiques avait nommé la veille le professeur Yves Lévy envoyé spécial en RDC, chargé de conseiller le gouvernement dans la riposte à apporter à l’épidémie. Le professeur Lévy spécialiste d’immunologie et ancien PDG du prestigieux Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) était avant cette nomination dans la situation que vivent beaucoup de femmes quand leurs compagnons exercent des responsabilités publiques. Le professeur Lévy, époux d’Agnès Buzin la ministre de la Santé française depuis mai 2017, n’a pas été reconduit à la tête de l’INSERM pour cause conflits d’intérêts. Il était depuis la fin de son mandat sans un emploi à la hauteur de ses aspirations. Preuves supplémentaires de l’internationalisation des enjeux autour de cette épidémie, Le monde et le Guardian y ont consacré chacun un éditorial tandis que The New York Times publiait un papier d’angle .
Selon l’OMS, l’épidémie de maladie à virus Ebola qui sévit actuellement dans l’est de la RDC est la plus grave jamais enregistrée dans le monde, après celle de 2014 en Afrique de l’Ouest qui avait fait 11 000 morts. Depuis qu’elle a été déclarée le 1er août 2018, l’épidémie a causé à la date du 18 juillet 2019, 1698 décès, dont 1604 parmi les cas confirmés. Le taux de létalité global, c’est-à-dire la proportion de cas fatals, est de 67 %. Parmi les 2522 cas confirmés ou probables pour lesquels on connaissait l’âge et le sexe, 56 % (1423) étaient des femmes et 29 % (720) des enfants de moins de 18 ans. Le nombre de cas parmi les agents de santé continue à augmenter et il s’établit désormais à 135 (5 % du nombre total de cas). Sur le terrain, la lutte contre l’épidémie s’opère dans un climat sécuritaire délétère avec les nombreux groupes armés qui écument une région livrée à des guerres de prédation, dans le cadre du pillage de matières premières, depuis plus de deux décennies. Plus graves, les équipes sanitaires doivent aussi combattre les soupçons des populations. Il y a une forte déficience de certaines communautés envers les équipes soignantes et les centres de traitements. Il y a des appels au meurtre des médecins, des attaques contre des centres de santé, des campagnes de vaccinations perturbées ou carrément empêchées. Les mesures de prévention comme les enterrements sécurisés, destinés à éviter la contamination se heurtent au refus des populations. L’épidémie d’Ebola en cours montre à l’envi le caractère subversif de toute épidémie à forte létalité. Le gouvernement congolais n’y échappe pas. Le 22 juillet 2019, le ministre de la Santé a démissionné pour marquer son désaccord avec la décision du président, Félix Tshisekedi, de reprendre le contrôle de la gestion de la crise liée à l’épidémie d’Ebola et d’introduire un nouveau vaccin en République démocratique du Congo. La critique de la décision présidentielle que fait le docteur Oly Ilunga désormais ex-ministre de la Santé, montre l’étendue des enjeux autour de l’épidémie, mais également les différences d’approches face à une épidémie, sujet éminemment politique.
L’épidémie d’Ebola de l’est de la RDC a touché la grande ville Goma. Un cas mortel y a été détecté et c’est ce qui a motivé la décision du directeur général de l’OMS de déclarer l’urgence sanitaire mondiale. Le Sénégal doit se préparer à gérer l’éventualité de l’importation de cas. Au-delà de la préparation des équipes sanitaires à la détection et la prise en charge des cas éventuels, il y a la préparation politique et dans le cas d’espèce la communication ne doit pas souffrir d’impairs de communication. Le contrôle des images à diffuser sur les médias nationaux doit être une exigence. Les images de l’évacuation du médecin américain Dr Rick Sacra contaminé par le virus d’Ebola lors de l’épidémie d’Afrique de l’Ouest de 2014-2016 étaient rassurantes pour l’opinion publique américaine. Par contre, elles ne pouvaient qu’être inquiétantes pour les Africains, car on y voyait un déploiement de moyens hors de portée de leurs systèmes de santé. Informer juste et vrai, mais en toute responsabilité, car les temps d’épidémies à forte létalité sont des temps troubles où les instincts les plus grégaires des hommes trouvent des exutoires. Mais cela ne doit pas être le prétexte à la prise de mesures inconsidérées telles que la restriction à la libre circulation des personnes et au commerce comme cela a été fait par notre gouvernement pendant l’épidémie d’Ebola d’Afrique de l’Ouest de 2014-2016 avec la fermeture de la frontière avec la Guinée.