La transparence n’effraie que ceux qui craignent la vérité

Depuis plusieurs jours, certains commentateurs tentent d’imputer au Premier ministre Ousmane Sonko la responsabilité d’une prétendue « catastrophe » économique. Selon eux, la révélation des dettes cachées du Sénégal et le refus de « restructurer » selon les conditions du FMI auraient provoqué la défiance des marchés. L’argument est commode : il exonère ceux qui ont dissimulé l’ampleur du désastre budgétaire et transforme la transparence en crime politique.

Or la réalité est simple : le Premier ministre n’a pas créé la crise, il l’a révélée. Les audits de la Cour des comptes, du ministère des Finances, de Mazars et du FMI lui-même ont confirmé l’existence de plus de 4 300 milliards FCFA de dettes non déclarées entre 2019 et 2023. En d’autres termes, le pays vivait dans le mensonge statistique. Fallait-il taire cela ? Continuer à gouverner sur des chiffres falsifiés pour ménager la susceptibilité des marchés ? Un État souverain ne se fonde pas sur la dissimulation, mais sur la vérité.

Dialogue ou tutelle? La question du FMI

Les tenants de la doxa ultralibérale présentent le FMI comme un arbitre neutre, voire comme un partenaire généreux offrant « les taux les plus bas du monde ». Cette image d’Épinal ne résiste pas à l’histoire. Partout où ses plans d’ajustement ont été appliqués, ils ont provoqué l’appauvrissement des populations, la contraction des services publics et la perte de souveraineté budgétaire.

Au Sri Lanka, la dette, la crise et la restructuration ont laissé des traces profondes : après une contraction sévère, l’économie rebondit, mais reste amputée, et près d’un quart de la population vit en pauvreté multidimensionnelle[1]. Au Ghana[2] comme en Zambie[3], la restructuration de la dette s’est faite sous fortes contraintes extérieures ; les deux pays ont dû accepter l’agenda global des créanciers, ce qui a réduit leur marge de manœuvre souveraine.

La restructuration selon le FMI n’est pas un allègement, c’est une prolongation de la dépendance. Elle consiste à repousser les échéances, à réduire quelques intérêts pour mieux imposer les contreparties : privatisations, gel des salaires, restrictions des dépenses sociales. L’État, étranglé hier, se retrouve demain sous tutelle.

Le temps long de la souveraineté

La panique boursière du lendemain d’un meeting ne saurait être le critère de la politique économique d’une nation. Les variations observées ne traduisent rien d’autre que des mouvements spéculatifs : une réaction nerveuse de courtiers et d’algorithmes, sans rapport avec les fondamentaux de l’économie réelle.

Les marchés ne raisonnent qu’à court terme ; les peuples, eux, vivent au long cours. En rétablissant la vérité sur la dette, le gouvernement sénégalais affirme la volonté de reconstruire la confiance nationale sur la base de la transparence et du courage. Car la crédibilité d’un État ne se mesure pas à son indice de risque, mais à la cohérence de son projet national.

Cette orientation s’inscrit dans un nouveau paradigme : le Plan de redressement économique et social (PRES). Il ne s’agit plus de subir la norme financière mondiale, mais de la repenser depuis nos réalités. Le budget national doit redevenir un instrument de production et non de rente. La coopération internationale doit se déployer dans une logique de complémentarité et non de dépendance. Et la planification du développement doit à nouveau s’enraciner dans les besoins concrets du peuples, plutôt que dans les indicateurs des institutions financières. Ce mouvement n’est pas un caprice idéologique : c’est la condition d’une renaissance économique durable.

Le Plan de redressement économique et social contre la soumission

Refuser une restructuration imposée, ce n’est pas défier le monde : c’est choisir sa dignité — et sa rationalité économique.

Car aucune économie ne se redresse en cédant à la panique. La discipline budgétaire ne consiste pas à obéir aux injonctions des créanciers, mais à assainir ses finances par une fiscalité plus juste, une réduction des gaspillages et une mobilisation des ressources internes.

Face aux prophètes de la résignation, le gouvernement a choisi la voie la plus difficile : celle de la vérité, du courage et de la cohérence économique. Car, au-delà des humeurs des marchés, la rationalité commande de consolider la base productive nationale, de soutenir l’agriculture, l’énergie et l’industrie locale, afin de restaurer la soutenabilité réelle de la dette par la création de valeur. Ce choix n’est pas populiste ; il est économique. Et il est juste.


[1] Kristina Rehbein (Jubilee Germany) et Ahilan Kadirgamar (Université de Jaffna), Sri Lanka’s Debt Restructuring and Lessons towards the Overhaul of a Broken International Financial Architecture, Position Paper, Jubilee Deutschland & Law and Society Trust, Colombo, 2024.

[2] David A. Grigorian et Lili Vessereau, Ghana: A Case Study of Sovereign Debt Restructuring under the G20 Common Framework, Center for Global Development Working Paper n°710, Washington DC, 2024.

[3] David A. Grigorian et Aditya Bhayana, Zambia: A Case Study of Sovereign Debt Restructuring under the G20 Common Framework, Center for Global Development, Working Paper n° 707, Washington DC, 2024.

Clarifier pour tenir la promesse du 24 mars 2024

Le 24 mars 2024 restera dans l’histoire comme le jour où le peuple sénégalais a repris la parole. Ce n’était pas une alternance de plus, mais une rupture majeure : la victoire d’un peuple lassé du mensonge, de la confiscation et de la peur. Ce jour-là, la souveraineté populaire a fait irruption dans la politique. Deux hommes, un seul projet : un État au service du peuple, un pouvoir rendu à la nation.

Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko portaient cette promesse. Le premier, par l’incarnation institutionnelle et la continuité de l’État ; le second, par la vision et le courage de l’action. Ensemble, ils représentaient la rencontre entre la légitimité des urnes et celle du combat. Mais dix-huit mois après l’élection, la flamme vacille. Les réformes tardent, les décisions se font rares, la prudence s’installe là où l’audace était attendue. Ce qui passait pour de la méthode ressemble désormais à une forme de conservatisme. Et face à cette lenteur, le peuple s’interroge : la promesse du 24 mars 2024 sera-t-elle tenue ?

Une épreuve de vérité, non une querelle d’hommes

Il serait trop facile de lire cette situation à travers le prisme d’une rivalité personnelle. Ce qui se joue n’est pas une querelle d’ego, mais une épreuve de vérité politique. Le pouvoir actuel doit choisir entre deux chemins : celui de la fidélité à la rupture ou celui de la gestion prudente de l’existant.

Les blocages institutionnels ne sont plus seulement techniques ; ils deviennent symboliques. La réforme constitutionnelle destinée à redonner toute sa force à la fonction de Premier ministre, promise depuis des mois, n’a toujours pas vu le jour. La transparence financière, la réforme de la justice, la réorientation de la politique économique : tout avance, mais tout avance trop lentement.

Or la politique, comme l’histoire, ne supporte pas l’immobilisme : lorsqu’on s’arrête, c’est le passé qui revient.

Le jeu de la confiance

La théorie des jeux nous enseigne que dans toute coopération, la confiance ne se décrète pas ; elle se construit et s’entretient. Deux partenaires peuvent gagner ensemble à condition de jouer la loyauté. Mais s’ils se défient ou se trompent, chacun finit perdant.

C’est précisément la situation du tandem exécutif : s’ils agissent de concert, le projet souverainiste triomphe ; s’ils s’éloignent, la technostructure reprend la main, les réformateurs s’épuisent et le peuple se détourne.

La loyauté, pour exister, doit s’appuyer sur la clarté. On ne gouverne pas avec des intentions, mais avec des engagements publics. La confiance ne se nourrit pas de gestes discrets ; elle a besoin de signes visibles, de décisions assumées, de jalons datés.

Clarifier pour avancer

La phase de clarification qui s’ouvre ne doit pas être redoutée : elle est nécessaire. Clarifier, c’est dire où l’on va, quand on y va et avec qui.

Clarifier, c’est accepter que la révolution du 24 mars 2024 ne soit pas un simple souvenir de campagne, mais une méthode de gouvernement.

Clarifier, c’est reconnaître que l’on ne peut pas se réclamer du peuple souverain tout en différant les réformes qu’il a exigées.

Il ne s’agit pas de se dresser contre le Président de la République, mais de rappeler la cohérence d’un mandat. Le pouvoir qui se tait devant les lenteurs finit toujours par leur ressembler. Le Sénégal ne demande pas des miracles : il demande de la cohérence, du courage et des résultats tangibles.

Les institutions doivent redevenir des instruments de souveraineté, non des refuges pour l’attentisme. La transparence ne doit plus être une promesse, mais une pratique. L’économie ne doit plus être un terrain de rente, mais de création.

Agir pour ne pas décevoir

Les symboles ne suffisent plus. L’heure n’est plus aux promesses générales, mais aux faits vérifiables : des décisions qui améliorent le quotidien, des réformes qui redonnent confiance, des résultats qui prouvent que la rupture est réelle. C’est dans la maîtrise des prix, la qualité des services publics, la justice sociale et la transformation productive que se mesurera la fidélité au peuple.

Car la souveraineté n’est pas un mot abstrait : elle se voit dans le prix du riz, dans la transparence des contrats, dans la dignité du fonctionnaire et du paysan.

Elle se traduit dans la rapidité de la prise en charge d’une urgence dans un hôpital, la solidité d’une école, la confiance d’un citoyen envers son État.

Tenir la ligne, sans se renier

La loyauté n’est pas la soumission. Être loyal, c’est refuser le double langage ; c’est rester fidèle à l’esprit du 24 mars 2024 tout en exigeant l’action. Nous ne défendons pas un homme contre un autre ; nous défendons une promesse contre l’oubli. Nous savons que la division affaiblit, mais nous savons aussi qu’un silence prolongé finit par ressembler à une abdication.

Le camp souverainiste doit garder le cap : parler vrai, proposer, mobiliser, construire. Car l’adversaire n’est pas à la présidence, il est dans la routine, dans la tentation de gouverner sans âme, dans la peur de déplaire aux forces qui ont toujours voulu confisquer notre avenir.

Aminata Touré et la coalition fantôme

Aminata Touré tente de ranimer une coalition sans existence réelle. Une manœuvre d’appareil sans portée politique, face à un PASTEF solidement ancré dans le réel.

La lettre publiée le 11 novembre 2025 au nom du « président » (?) de la « Coalition Diomaye Président » — sans sceau officiel, et surtout sans mention de la qualité de son signataire — a suffi à provoquer une agitation médiatique. Elle annonçait le remplacement de Aïda Mbodj par Aminata Touré à la tête d’une structure dont plus personne n’entendait parler. Une tempête dans un verre d’eau, rien de plus.

Créée à la veille de la présidentielle pour rallier des soutiens extérieurs au projet souverainiste de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko, la coalition a depuis perdu toute raison d’être. Le 17 novembre 2024, PASTEF, victorieux de la présidentielle du 24 mars, s’est présenté sous sa propre bannière aux législatives et a raflé 130 sièges sur 165. Dès lors, la logique des alliances d’appoint est devenue caduque : la « Coalition Diomaye Président » n’a connu aucune activité notable et ne subsiste plus que sur papier — et dans les ambitions de quelques-uns.

C’est dans ce vide qu’Aminata Touré tente de revenir dans le jeu. L’ancienne Première ministre, rompue aux intrigues d’appareil, se fait désigner à la tête d’une coalition sans vie, sans ancrage, et dont la principale composante — PASTEF — ne veut pas, en l’état, reconnaître la légitimité.

Ce mélange de confusion et de calcul illustre une vieille pathologie de la classe politique sénégalaise : celle de croire que les rapports de force se fabriquent à coups de signatures et de communiqués. On crée des coalitions sans militants, on se distribue des titres sans base sociale, on s’autoproclame président d’un vide. La manœuvre amuse, mais elle n’entraîne aucune conséquence.

Car la réalité politique du Sénégal d’aujourd’hui se joue ailleurs : dans le redressement économique après le choc de la dette cachée, dans la reconstruction morale de l’État, dans la souveraineté retrouvée sur les choix budgétaires et stratégiques. C’est là que le peuple observe et juge. Pas dans les couloirs d’une coalition virtuelle.

Le geste d’Aminata Touré relève davantage de la visibilité médiatique que de l’action politique. Mais l’histoire est passée à une autre époque : celle où les forces vives du pays se réapproprient la parole publique, où les sigles creux ne trompent plus personne.

Le frisson des marchés, la force tranquille des réformes

Les marchés tremblent, mais le Sénégal avance. En choisissant la vérité plutôt que la facilité, le gouvernement affirme une souveraineté qui dérange. Ce n’est pas une crise, c’est une épreuve : celle d’un peuple décidé à reprendre en main son destin économique.

Ce lundi, les obligations sénégalaises ont reculé sur les marchés internationaux, signe d’une méfiance passagère des investisseurs. Cette réaction s’explique moins par une fragilité économique que par la fermeté du gouvernement à défendre la souveraineté financière du pays. En refusant de restructurer la dette selon les conditions du FMI, le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé le droit du Sénégal à choisir ses priorités. Des investisseurs, déroutés par cette indépendance, ont vendu les titres, provoquant une baisse. Mais derrière ce mouvement, il faut surtout voir la réaction d’un système financier circonspect par une nouvelle approche africaine de la souveraineté : celle d’un pays qui entend assumer pleinement la responsabilité de ses choix budgétaires, sans renoncer au dialogue ni à la transparence.

Quand les marchés testent la détermination du Sénégal

Ce recul traduit avant tout une mise à l’épreuve : les marchés testent la détermination du Sénégal à maintenir sa ligne souveraine. Après la révélation des dettes cachées laissées par Macky Sall, le gouvernement a choisi la transparence plutôt que la dissimulation — un choix courageux mais coûteux à court terme. Les investisseurs, eux, se méfient de la vérité quand elle bouscule leurs habitudes ; pourtant, pour un pays qui veut bâtir son avenir, mieux vaut une vérité exigeante qu’une illusion commode.

Cette baisse traduit donc moins une crise qu’un moment de méfiance. Les investisseurs attendent de voir si le gouvernement maintiendra le cap ; le Premier ministre y a déjà répondu lors du TERA meeting du 8 novembre, devant plus de 100 00 Sénégalais venus de tout le pays : la transformation demandera « deux à trois ans d’efforts » partagés. Cet effort, celui de la sobriété et du patriotisme économique, engage tout un peuple derrière un État décidé à assainir plutôt qu’à dissimuler. Les marchés jugent à court terme ; l’histoire, elle, jugera à long terme.

Tenir le cap de la souveraineté

Cette crise rappelle d’abord qu’affirmer son indépendance économique a un prix. Rompre avec des décennies de tutelle financière provoque des secousses, mais c’est le passage obligé de toute émancipation.

Chaque pays qui a retrouvé sa souveraineté économique – de la Malaisie à la Bolivie – a d’abord affronté la défiance des marchés. Le Sénégal n’échappera pas à cette étape, mais il peut la transformer en tremplin. L’essentiel est de rester unis.   

L’enjeu n’est pas de rassurer la finance, mais de bâtir la confiance à partir de ses propres forces : justice fiscale, production locale, parole de vérité, mobilisation des travailleurs, des forces populaires et la diaspora. La confiance ne se quémande pas ; elle se conquiert.

Le TERA Meeting : un peuple en marche, une révolution en cours

Ce 8 novembre 2025, le Sénégal a vécu un moment d’histoire. Plus de 100 000 citoyens venus des quatre coins du pays ont convergé vers Dakar pour le TERA Meeting, dans une atmosphère d’unité rare. De la Casamance au Fouta, du Baol à la diaspora, toutes les voix du pays se sont retrouvées autour d’un même souffle : celui de la révolution citoyenne initiée par le PASTEF.

Une mobilisation impressionnante : une marée humaine, joyeuse et disciplinée, symbole d’un Sénégal multiple et uni. Ce n’était pas une simple démonstration de force politique, mais l’expression d’un engagement collectif. Dans la diversité des chants et des visages, on lisait une certitude partagée : le pays a changé de cap.

Au centre de cette journée, le discours d’Ousmane Sonko a été à la hauteur de l’attente. Sobre, clair, et d’une intensité rare, il a rappelé « une certaine vérité » : nous sommes en révolution. Pas une révolution de slogans, mais une révolution morale, politique, sociale et économique. PASTEF en est le fer de lance, mais c’est le peuple qui en est le moteur. En répondant aux impatiences, en réaffirmant la ligne de rupture et de souveraineté, le Premier ministre Ousmane Sonko a recentré le projet national autour de l’essentiel : rendre au Sénégal son autonomie, sa dignité et sa promesse.

Ce moment de ferveur populaire a aussi rappelé l’unité du tandem dirigeant : l’alliance fraternelle et stratégique entre Ousmane Sonko et le président Bassirou Diomaye Faye, symbole d’une continuité dans la révolution en cours et d’une confiance partagée dans la mission de refonder l’État.

L’union œcuménique observée aujourd’hui — musulmans, chrétiens, femmes du bois sacré, confréries, laïcs, jeunes, anciens, ruraux, urbains — illustre la maturité d’une société qui a décidé de reprendre la parole politique. Le rassemblement a aussi prouvé que la révolution sénégalaise n’est pas une aventure partisane, mais un processus collectif : une marche lente, exigeante, vers la justice et la souveraineté.

L’enjeu, désormais, est de transformer cette énergie populaire en force de construction. La révolution ne s’arrêtera pas dans les stades : elle doit irriguer l’État, l’économie, la culture et la conscience. Le 8 novembre aura été le point d’équilibre entre l’espérance et la responsabilité. PASTEF a montré qu’il sait rassembler ; il lui revient maintenant de continuer à gouverner avec la même foi.

Le peuple sénégalais a parlé, non par les urnes cette fois, mais par sa présence. Et sa présence dit tout : la révolution est en marche.

8 novembre : le Sénégal à la croisée des ruptures

À la veille du rassemblement de PASTEF où Ousmane Sonko doit s’adresser au pays, le Sénégal entre dans un moment de vérité. Entre les attentes du peuple, les hésitations du pouvoir et la profondeur des défis à venir, se joue plus qu’un tournant politique : la fidélité ou le reniement d’une révolution.

À la veille du TERA meeting de PASTEF prévu ce 8 novembre, où Ousmane Sonko doit faire une déclaration que d’aucuns annoncent décisive, le Sénégal retient son souffle. Depuis l’élection du 24 mars 2024, le pays vit dans une étrange tension entre espoir et attente. Le peuple, victorieux des urnes, observe désormais un pouvoir hésitant à se définir.

Les atermoiements du Président Bassirou Diomaye Faye, jusque-là perçus comme une prudence tactique, prennent aujourd’hui la forme d’un malaise politique plus profond : celui d’un État en transition qui peine à choisir sa ligne de front. Et dans ce silence, les impatiences montent. Ce 8 novembre pourrait bien être le moment de vérité — celui où se mesurera la cohérence entre les promesses de la rupture et les lenteurs du pouvoir.

Le contexte ne saurait être minimisé. Comme je le soulignais dans un récent billet, le débat sur la « haine » et la « vengeance » orchestré par les ralliés de la vingt-cinquième heure n’est qu’une diversion : le vrai problème n’est pas moral, il est politique. Il tient à la direction que doit désormais prendre le pays, et à la capacité du pouvoir de rester fidèle à son mandat populaire — celui de reconstruire le Sénégal sur des bases souveraines, sociales et panafricaines.

Un État prisonnier de ses formes

Le premier défi du Sénégal est d’ordre structurel. L’État sénégalais demeure colonial dans son architecture : centralisé, bureaucratique, régi par un droit et une langue qui le rattachent encore à la matrice française.

La continuité du franc CFA, les accords de défense et les réflexes technocratiques de la haute administration illustrent cette dépendance. L’audit des finances publiques et la révélation de la dette cachée de 4 300 milliards FCFA ont mis à nu un système politique où l’État servait d’abord les créanciers avant de servir les citoyens.

La rupture institutionnelle annoncée par le Président Bassirou Diomaye Faye suppose donc plus qu’une bonne gouvernance : elle exige une refondation historique. Ce n’est pas seulement la manière de gérer qu’il faut changer, mais la manière de concevoir le pouvoir. Tant que les institutions resteront extraverties, la souveraineté demeurera un mot d’ordre et non une réalité.

Économie : produire pour vivre ou importer pour survivre

Sur le terrain économique, le choix est tout aussi tranché. Depuis plus d’un demi-siècle, le Sénégal vit selon le schéma de l’économie extravertie décrit par Samir Amin : exportation de matières brutes, dépendance aux importations alimentaires, endettement chronique, domination des bailleurs.

Le Plan Sénégal émergent (PSE) de Macky Sall, censé moderniser le pays, a surtout accru la dépendance financière et élargi le fossé social.

Le nouveau pouvoir a amorcé une inflexion : souveraineté alimentaire, industrialisation nationale, contrôle du contenu local dans les hydrocarbures. Mais cette orientation se heurte à la rigidité du cadre monétaire, à la pression des institutions de Bretton Woods et à la résistance des élites administratives.

Le choix est existentiel : produire pour vivre ou importer pour survivre. Et cette décision ne se prendra pas dans les bureaux, mais dans les champs, les ateliers, les écoles et les ports — là où se fabrique la richesse réelle.

Diplomatie et géopolitique : entre prudence et audace

Sur la scène régionale, le Sénégal joue une partition délicate. Au moment où la CEDEAO se fissure, où l’AES s’affirme comme un pôle alternatif, Dakar tente de concilier médiation et fermeté.

La diplomatie sénégalaise revendique une neutralité active : dialoguer avec tous, mais ne se soumettre à personne. La France, l’Allemagne, la Chine, la Turquie, la Russie, l’Arabie Saoudite, etc. ; — tous veulent leur part du « nouveau Sénégal ». Le pays cherche, dans cette mêlée, à bâtir une politique étrangère fondée sur la réciprocité et la dignité.

Mais l’équilibre est précaire. Une erreur d’orientation, et le pays pourrait retomber dans la vassalisation ou l’isolement. Le 8 novembre devra donc aussi être un moment de clarification géopolitique : dire clairement avec qui et pourquoi nous voulons coopérer.

Les forces sociales de la souveraineté

Le sort du projet dépend désormais de la société sénégalaise elle-même. Trois forces peuvent ou non faire basculer l’histoire.

La première est la jeunesse, immense et impatiente, qui a fait tomber le régime de Macky Sall. Elle a soif de participation, non de clientélisme ; de dignité, non d’assistanat. Le risque est qu’elle se sente trahie si le pouvoir ne lui ouvre ni l’économie ni la parole.

La deuxième est la classe laborieuse — ouvriers, paysans, fonctionnaires modestes, pêcheurs, transporteurs — qui porte silencieusement le pays. Sans leur mobilisation, la politique de production et de redistribution restera un vœu pieux.

La troisième enfin, c’est l’intelligentsia critique, celle qui relie la pensée à l’action : universitaires, artistes, journalistes, militants. Leur rôle est de redéfinir le récit national, de donner un sens à la rupture et de défendre la cohérence du projet face aux tentations bureaucratiques ou opportunistes.

Le dilemme du pouvoir

Le Sénégal doit choisir entre deux voies. Celle du réformisme prudent, qui rassure les partenaires extérieurs, mais déçoit le peuple ; ou celle du réalisme révolutionnaire, qui assume les tensions pour reconstruire sur le long terme.

Le président de la République, jusqu’ici, oscille entre les deux : il mesure ses mots, ménage les uns, temporise avec les autres. Mais à force d’équilibre, on risque l’immobilisme. Comme l’écrivait Chroniques sénégalaises : « Rompre le silence, c’est retrouver le sens. » Le pays attend un cap.

Le 8 novembre ne sera pas un simple rassemblement partisan. Il peut devenir un moment de bascule : soit le pouvoir assume la profondeur de la rupture, soit il se laisse engloutir par la routine d’État. Les choix à venir — économiques, diplomatiques, institutionnels — détermineront si le Sénégal reste prisonnier de la dépendance ou s’engage dans la souveraineté réelle. Mais l’histoire, elle, n’attend jamais : elle passe ou elle se venge.

Nous faisons confiance à Ousmane Sonko, président de PASTEF, pour trouver les mots justes et prendre la pleine mesure des enjeux. Il connaît le souffle du peuple, parce qu’il en est le fruit et la voix. Il est le souffle même de cette révolution, celle qui ne se mesure pas à la durée d’un mandat, mais à la profondeur d’une espérance collective : celle d’un Sénégal debout, lucide et souverain.

Justice ou vengeance ? Le faux débat des ralliés de la vingt-cinquième heure

Le peuple sénégalais ne réclame pas la vengeance : il réclame la justice que redoutent les ralliés de la dernière heure.

Ils étaient absents pendant la tourmente, muets dans la répression, prudents quand il fallait du courage. Et les voilà, ralliés de la vingt-cinquième heure, déserteurs du camp patriotique au plus fort de la tempête, aujourd’hui regroupés en alliance hétéroclite pour dire au gouvernement comment il faut gouverner le Sénégal. Ce sont les nouveaux « situationnistes » : ceux qui s’invitent à la victoire sans avoir livré bataille. On y retrouve un ministre à la tête d’un microparti, quelques transfuges du régime déchu, et d’anciens opposants recyclés en donneurs de leçons. Leur refrain est connu : « On ne gouverne pas dans la haine et la vengeance ».

Mais qui donc a parlé de haine ? Qui donc prêche la vengeance ? Certainement pas ceux qui ont porté le combat démocratique jusqu’à la prison et jusqu’à la mort.

Justice n’est pas vengeance

Le peuple sénégalais, lui, n’a jamais été un peuple de haine. Il a toujours su faire la part des choses entre justice et vengeance, entre pardon et oubli. Ce que le peuple demande, c’est la vérité ; ce qu’il exige, c’est la justice. Car il y a eu un président, Macky Sall, qui tenta une échappée solitaire de dictateur, jalonnée de milliers d’arrestations, de dizaines de morts, et d’une terreur d’État étalée de 2021 à 2024. Rendre justice aux inconsolés de cette terreur n’est pas céder à la haine : c’est refuser l’amnésie nationale. C’est affirmer que la République n’a pas de mémoire courte et que le pardon, pour être sincère, suppose d’abord la reconnaissance du crime.

Le Sénégal est une République, avec une Constitution qui consacre la séparation des pouvoirs. Le président de la République est, sans doute, le chef de l’exécutif. Mais il y a dans la situation actuelle une réalité politique inédite : le Premier ministre, Ousmane Sonko, est à la tête du plus grand parti du pays, le PASTEF, fort d’une large majorité parlementaire. Dans une démocratie vivante, la réalité institutionnelle ne peut ignorer les rapports de forces politiques. Le gouvernement n’est pas une cour de dévotion ; c’est l’expression d’une volonté populaire, celle d’un peuple qui a voté massivement pour Bassirou Diomaye Faye sur la base d’un contrat clair : « Sonko moy Diomaye, Diomaye moy Sonko. »

Cette formule n’est pas un slogan sentimental : elle exprime la continuité d’un projet, l’unité d’une espérance. L’un gouverne, l’autre impulse, mais le dessein reste un : reconstruire un État souverain, juste et transparent.

Les opportunistes de la réconciliation

Ce qui est demandé au gouvernement, ce n’est pas d’écouter les pleurnicheries des opportunistes, mais de réaliser l’espérance du peuple sénégalais. De redresser l’économie, de rendre des comptes, de rétablir la justice, d’assainir la fonction publique, de restaurer la dignité nationale. Ceux qui parlent de « réconciliation » voudraient, en réalité, réhabiliter l’ancien ordre. Ils confondent la paix civile avec la continuité du système. Ils voudraient que l’on tourne la page avant même de l’avoir lue. Mais on ne réconcilie pas un peuple avec ses bourreaux : on le réconcilie avec sa propre souveraineté.

Il faut le dire sans détour : l’appel à « oublier » est la dernière ruse de ceux qui craignent que la vérité ne remonte à la surface. Gouverner, ce n’est pas apaiser les consciences des coupables ; c’est apaiser les blessures des victimes.

Et dans cette tâche, le Premier ministre Ousmane Sonko incarne ce que la politique sénégalaise n’avait plus connu depuis longtemps : la fidélité à un combat. Il n’a pas changé de camp, ni de discours, ni d’alliés. Il agit avec cohérence, parfois avec rudesse, mais toujours avec la conviction que l’histoire ne s’écrit pas dans les salons des ralliés tardifs.

La paix low cost — Marcel Bassène, médiateur en Casamance sous Abdou Diouf

En juillet 1991, le Sénégal se prépare à éblouir le monde : Sommet de la Conférence islamique, visite du pape Jean-Paul II, Coupe d’Afrique des Nations. Derrière les préparatifs, la Casamance, meurtrie depuis près d’une décennie, reste une plaie ouverte. Pris dans ce contraste, Abdou Diouf confie à Marcel Bassène une mission de paix sans moyens — un pont tendu entre faste et fracture.

Cet article est une adaptation d’un extrait du manuscrit « Marcel Bassène, pionnier de la recherche de la paix en Casamance ».

Quand Abdou Diouf signe, le 26 juillet 1991, le décret nommant Marcel Bassène « chargé de la coordination de la mission de paix en Casamance », le Sénégal est un pays sous tension. Derrière ce geste d’ouverture inédite — confier à un député de l’opposition, issu du Parti démocratique sénégalais, la mission de rapprocher l’État du maquis — se cache un moment d’extrême fragilité politique. Le pays traverse une décennie d’épreuves économiques, sociales et diplomatiques qui ébranlent jusqu’aux fondations du régime socialiste.

Une décennie d’austérité et de colère

Depuis le début des années 1980, le Sénégal vit sous le joug des programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale. L’État, contraint de réduire ses dépenses, cède ses entreprises publiques, gèle les salaires, réduit les subventions agricoles et diminue les recrutements dans la fonction publique. Les populations rurales, déjà marginalisées, s’enfoncent dans la pauvreté. Dans les villes, les frustrations augmentent : syndicats en grève, étudiants révoltés, jeunes au chômage. La promesse d’un État-providence s’effrite, et avec elle le lien de confiance qui liait les citoyens au pouvoir.

Sur le plan politique, la crise des élections de 1988 a laissé des cicatrices profondes. La victoire contestée d’Abdou Diouf sur Abdoulaye Wade a plongé le pays dans une atmosphère de suspicion et de répression. Les manifestations sont violemment dispersées, des opposants emprisonnés, et l’image internationale d’un Sénégal stable et démocratique se ternit. L’année suivante, en 1989, c’est le drame du conflit sénégalo-mauritanien : affrontements meurtriers, exodes forcés, rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. L’armée sénégalaise, mobilisée sur le front nord, peine à contenir les foyers de tension interne.

Le départ de Jean Collin et la recomposition du pouvoir

À ces secousses s’ajoute un changement majeur au cœur du pouvoir : en mars 1990, Abdou Diouf accepte la démission de Jean Collin, son puissant ministre d’État et secrétaire général de la présidence, véritable pivot du système depuis 1981. Jean Collin incarnait la verticalité de l’État, l’autorité technocratique, la discipline d’un régime centralisé. Son départ ouvre une brèche : les équilibres internes se déplacent, les barons du Parti socialiste cherchent à élargir leur influence, et les tensions régionales s’exacerbent.

C’est dans ce contexte qu’émerge, au sud du pays, une Casamance meurtrie par une décennie de violences. Depuis 1982, la région vit au rythme des affrontements entre l’armée et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Les morts s’accumulent, les villages se vident, les réfugiés franchissent les frontières de Gambie et de Guinée-Bissau. Le sentiment d’abandon se transforme en ressentiment. Le président Abdou Diouf comprend que la voie militaire, coûteuse et sans issue, ne peut suffire. En nommant Marcel Bassène, originaire du département de Ziguinchor et connu pour sa rigueur intellectuelle et sa pondération, il tente un pari : celui d’une paix négociée, portée par la parole plutôt que par les armes.

Un geste politique dans un moment diplomatique clé

La mission de Marcel Bassène naît dans un climat politique saturé, mais diplomatiquement important. Le régime se prépare à accueillir une série d’événements internationaux censés redorer son image : le Sommet de l’Organisation de la conférence islamique prévu à Dakar en décembre 1991, la Coupe d’Afrique des Nations organisée à Dakar et Ziguinchor en janvier-février et la visite du pape Jean-Paul II en février 1992.

La paix en Casamance devient un impératif diplomatique. Le président Diouf veut montrer au monde un Sénégal en paix, capable d’accueillir les dirigeants musulmans et le souverain pontife dans un même élan d’unité nationale. Mais derrière cette ambition d’ouverture, la machine étatique demeure figée dans ses réflexes jacobins. Le décret créant la mission de paix est signé, mais aucun budget ne lui est alloué. Marcel Bassène se retrouve chargé d’une tâche nationale sans les moyens de l’accomplir.

Une mission sans budget et sans appui

Ni ligne budgétaire, équipe réduite, peu de dotations logistiques. Dans ses correspondances, Marcel Bassène multiplie les relances au gouvernement pour obtenir un minimum de crédits de fonctionnement. Les réponses ne viennent pas. Le silence de l’administration contraste avec l’urgence du terrain. Les préfets coopèrent par courtoisie, les gouverneurs par prudence, mais personne n’a d’ordre clair.

Marcel Bassène tente de poursuivre malgré tout. Il sillonne les villages, rencontre des chefs religieux, des notables, des représentants du MFDC. Il s’appuie sur la confiance personnelle qu’il inspire et sur son enracinement dans la région. Mais l’État, à Dakar, demeure distant. Les militaires, jaloux de leurs prérogatives, refusent qu’un civil — et pire, un opposant — puisse dialoguer avec le maquis. Le commandement s’oppose même à un geste symbolique prévu dans le premier accord : le retrait temporaire des troupes dans certaines zones. « On ne peut pas demander à une armée de se retirer de son propre pays », tranche l’état-major, mettant fin à la tentative de cessez-le-feu.

Rivalités politiques et isolement institutionnel

Sur le terrain politique, Robert Sagna, ministre d’État et maire de Ziguinchor, vit cette nomination comme une provocation. Il se considère comme la seule personne légitime à traiter le dossier casamançais pour le compte du régime socialiste. Entre lui et Marcel Bassène, les tensions se multiplient : rapports concurrents, réunions parallèles, querelles d’influence. Cette rivalité empoisonne le climat et complique encore la tâche du coordonnateur.

À l’inverse, Assane Seck, ancien ministre de Senghor puis de Diouf et patriarche respecté, tente d’apaiser les tensions. Il encourage la médiation, plaide pour une approche concertée, convaincu que la paix exige d’abord de rétablir la confiance entre les Casamançais et l’État. Mais la figure d’Assane Seck est elle-même traversée de paradoxes. Avant d’intégrer le parti de Senghor dans les années 1960, il fut l’un des pères politiques de la radicalité du particularisme casamançais. En tant qu’animateur du Parti du rassemblement africain (PRA), il s’était distingué comme l’un des plus virulents défenseurs de la spécificité régionale de la Casamance, dénonçant déjà la centralisation du pouvoir et les déséquilibres territoriaux.

Des décennies plus tard, certains cadres du MFDC notamment Mamadou Nkrumah Sanè ironisaient sur son revirement : « C’est lui qui a commencé notre combat, il n’a qu’à venir le terminer avec nous. »

Mais à Dakar, l’administration reste inerte. Malgré les promesses répétées, aucun crédit n’est voté pour la mission. Le ministère des Finances, soumis à la tutelle du FMI, invoque l’austérité. Le Parti socialiste, inquiet des retombées politiques d’un succès attribué à un opposant, temporise. Le résultat est cruel : une mission vidée de ses moyens avant même d’avoir commencé. Marcel Bassène continue d’adresser des rapports précis, réclamant au moins un financement pour ses déplacements et une petite équipe technique. Ce qu’il réussit à avoir.

Un symbole de lucidité et de persévérance

Dans ses derniers entretiens, Marcel Bassène laissa transparaître une amertume profonde :

« On m’avait confié une mission nationale sans même un budget de communauté rurale. La paix était une idée que tout le monde applaudissait, mais que personne ne voulait financer. »

Cette phrase traduit la dure réalité administrative de sa mission, mais elle ne saurait résumer son impact. Car si le dispositif officiel resta sans moyens, le dialogue que Marcel Bassène commença sur le terrain se poursuivit bien au-delà de son mandat. Il réussit ce que les institutions n’avaient pas su faire : instaurer un climat de confiance entre certains représentants du MFDC, des notables et des relais de l’État. Ce fil ténu de discussion, maintenu à bas bruit dans les années suivantes, permit au Sénégal de conserver un canal de médiation directe, même dans les phases les plus violentes du conflit.

Ainsi, la mission de Marcel Bassène ne fut pas un échec, mais un point de bascule : la première tentative sérieuse de pacification non militaire, menée avec courage, intelligence et abnégation.

Les fruits de ce dialogue n’apparurent que plus tard, à travers les rounds de négociation successifs des années 1990 et du début des années 2000, lorsque l’État, changeant d’approche, reprit les chemins qu’il avait ouverts.

L’expérience de 1991 révèle ainsi moins une impasse qu’une fondation. Dans un pays soumis aux contraintes de l’austérité, paralysé par ses rivalités politiques et prisonnier d’un modèle centralisé, Marcel Bassène a démontré qu’il existait d’autres chemins vers la paix : ceux de la proximité, de la patience et de la parole donnée.

S’expliquer ou assumer : le silence du pouvoir est inacceptable

La descente des forces de l’ordre dans les studios de 7 TV et de TFM, suivie de la coupure de leurs signaux, a plongé le pays dans un silence officiel incompréhensible. Aucun ministère, aucune autorité n’a revendiqué ni même expliqué cette décision. Dans une République qui se veut de rupture, le mutisme n’est pas une option tolérable.

Il y a des silences qui font plus de dégâts que des fautes. Ce qui s’est passé à 7 TV et à TFM ne peut rester sans explication. Des gendarmes pénétrant dans des rédactions, des journalistes interpellés, des signaux coupés sur la TNT, et depuis… rien. Pas une ligne officielle, pas une voix pour assumer.

Pourtant, selon Jeune Afrique, ni le CNRA, ni la Télédiffusion du Sénégal, ni le ministère de la Communication, ni le Bureau d’information du gouvernement n’ont reconnu avoir ordonné l’intervention. Aucun document, aucune notification, aucune trace. Deux médias nationaux réduits au silence sans que personne ne dise pourquoi, ni au nom de qui ? Ce flou n’est pas seulement une anomalie administrative : c’est une faute politique.

On ne peut pas faire la transparence budgétaire et tolérer l’opacité institutionnelle. On ne peut pas mettre fin aux fonds politiques et laisser s’installer un brouillard de responsabilités. Gouverner, c’est rendre des comptes — toujours, surtout quand l’acte en cause touche à la liberté d’informer.

Si la mesure a été légale, qu’on en montre la base. Si elle a été improvisée, qu’on le reconnaisse et qu’on en tire les conséquences. Mais il faut parler, car le silence de l’État est la première forme de censure. Ceux dont la responsabilité est engagée doivent sortir de leur cachette. La République n’est pas une maison d’ombres.

Le peuple sénégalais a voulu un gouvernement de vérité, pas un pouvoir qui se dérobe. Ce qui s’est passé est un test : celui de la cohérence entre les paroles et les actes, entre la promesse de rupture et la pratique du pouvoir.

Expliquer ou assumer — c’est la seule voie de responsabilité. Car un pouvoir qui se tait sur un acte incompris finit par en porter le soupçon.