Au travail !

Le Président Bassirou Diomaye Faye a prêté serment, il est dorénavant le Président de la République du Sénégal c’est-à-dire le chef de l’État, le garant de l’unité nationale et le chef suprême des armées. Il a nommé Oumane Sonko Premier ministre quelques heures après la sobre cérémonie de prestation de serment. Une première promesse électorale de tenue. « Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko » est le slogan qui a mobilisé les militants puis les électeurs. Le tandem doit maintenant rouler pour satisfaire les engagements vis-à-vis du peuple souverain sénégalais. Au sens propre, selon le Larousse, un tandem est une bicyclette conçue pour être actionnée par deux personnes placées l’une derrière l’autre. Au Président, l’avant, avec pour mission la définition des grandes orientations et au Premier ministre, le rôle de les décliner en politiques publiques, programmes et projets. Au sens figuré, un tandem désigne « l’association de deux personnes, qui collaborent étroitement à une même œuvre ou qui sont obligatoirement liées dans une action ou une entreprise. » Les Sénégalais ont voté en majorité au sens propre et figuré pour cela.

La mise au travail passe la formation d’un gouvernement et une majorité à l’Assemblée nationale. Il n’y a pas de doute qu’une équipe gouvernementale va être rapidement formée. Dans l’immédiat, elle consistera en un subtil dosage de cadres militants compétents, de technocrates, d’alliés, etc. Il ne fait pas de doute que les considérations géopolitiques et sociologiques seront prises en compte dans sa formation. Elle sera une équipe de défis qui a vocation à ne que durer 6 à 7 mois. Certains diront que c’est peu. Il nous semble que c’est suffisant pour donner l’impulsion à un quinquennat réussi. Les objectifs de ce gouvernement seront de prendre les mesures les plus urgentes. Celles-ci sont relatives à la satisfaction de la demande sociale. Celles des couches les plus vulnérables de la population. C’est-à-dire les jeunes, le monde rural et les foyers pauvres. Il faut améliorer le pouvoir d’achat de ces populations. Il est attendu que l’argent injecté dans la consommation de ces couches sociales bénéficiera aux industries et services nationaux. Les bourses familiales doivent être augmentées. Cette mesure peut ne pas avoir un coût exorbitant si on prend la peine d’enlever du Registre national unique (RNU) tous ceux qui ne doivent pas y figurer. Les prix aux producteurs des spéculations agricoles transformées au Sénégal doivent être augmentés. Pour éviter les effets d’aubaine, il faudra instaurer des autorisations d’exportations pour les industriels de ces secteurs. Cette mesure aura pour finalité de les empêcher de prendre les subventions et d’exporter des produits non transformés. En attendant l’augmentation des bourses des étudiants, il faudra corriger une inégalité. Tous les étudiants qui ne sont pas logés dans une résidence universitaire et qui apportent la preuve qu’ils sont locataires chez des privés doivent bénéficier d’une aide au logement. Les conducteurs de taxi-moto doivent bénéficier de subventions pour payer les primes d’assurances, des casques, etc. Avec les syndicats de fonctionnaires, il faudra négocier une trêve sociale sur la base d’une augmentation substantielle du point indiciaire. En contrepartie, il y aura une cristallisation des diverses indemnités. Toutes ces mesures nécessiteront un collectif budgétaire. Il est certain qu’il en existe un dans les tuyaux de l’administration des finances. Au cours des douze ans passés à la tête du pays, le président Macky Sall nous a habitués à des Lois des finances rectificatives.   

La mise en application de toutes ces mesures nécessitera une majorité à l’Assemblée nationale. Il est possible d’en avoir une sans recourir aux méthodes du Président Abdoulaye Wade après l’alternance de 2000. Débaucher des députés de l’ancien régime, qui sans honte, proclame « adhérer à la vision » du nouveau Président n’est pas recommandable. La victoire à l’élection présidentielle du 24 mars 2024 a été préparée par les succès aux territoriales et aux législatives de 2022. Les députés Taxaw Sénégal vont voter les textes du Gouvernement si on ne cherche pas à les humilier ou leur faire payer ce qu’il s’est passé dans l’année qui a précédé le scrutin présidentiel. Le groupe parlementaire constitué autour du PDS également. Donc on revient à la configuration 80 (YAW et WALU) -82 (BBY) — 3 (non-inscrits) de septembre 2022. Dans les semaines qui viennent, le recours d’Aminata Touré va être examiné par les tribunaux. Elle va donc réintégrer l’Assemblée nationale parce qu’elle en a été exclue illégalement. La majorité présidentielle a besoin de son talent même si formellement elle ne peut pas se réclamer de YAW. Sa présence au parlement est nécessaire en attendant qu’elle soit la candidate du Sénégal à la présidence de la Commission de l’Union africaine poste qui sera bientôt vacant. En utilisant les bonnes cartes avec ceux qui en réalité désignent le premier responsable de cette institution, cette candidature triomphera. Il est bon pour un pays d’avoir ses filles et fils dans les rouages des institutions internationales. La nouvelle majorité à l’Assemblée nationale pourra bénéficier du vote de l’aile « gauche » de BBY. Je vois mal, les députés de la LD, du PS et de l’AFP voter contre des mesures en faveur des travailleurs et du monde rural. Ces divers chantiers vont occuper le Président, le Premier ministre, le Gouvernement et tous ceux qui veulent un changement rapide.

Editorial publié dans le quotidien YOOR-YOOR BI du 5 avril 2024

Auteur : Félix Atchadé

Je suis médecin, spécialiste de Santé Publique et d’Éthique Médicale. Je travaille sur les questions d’équité et de justice sociale dans les systèmes de santé. Militant politique, je participe à l'oeuvre de refondation de la gauche sénégalaise.

Laisser un commentaire