
Wure wa dem na këŋŋ, waxi mag dem na ndañtaali[1] ! Le Président de République a dissous comme la Constitution lui en donne les prérogatives, l’Assemblée nationale mise en place au forceps le 12 septembre 2022 par le pouvoir autocratique de MackY Sall. À quelques semaines des élections législatives du 17 novembre, le Sénégal est à la croisée des chemins. Ce rendez-vous électoral offre l’opportunité d’un tournant décisif dans l’histoire du pays. Le peuple souverain sénégalais attend de ce scrutin plus qu’un simple renouvellement de ses représentants à l’Assemblée : c’est l’avenir de la souveraineté nationale, de la justice sociale et de la démocratie qui est en jeu. Il s’agit d’une élection qui pourrait marquer la fin d’une longue ère de gouvernance inféodée aux logiques néocoloniales, incarnées par la Françafrique et ses relais locaux.
Une élection cruciale pour la souveraineté nationale
Depuis trop longtemps, les choix politiques sénégalais sont guidés par des intérêts étrangers, souvent au détriment des aspirations populaires. La jeunesse sénégalaise, qui représente l’écrasante majorité de la population, en a assez de cette domination indirecte. Cette génération, éduquée, informée et consciente des injustices qu’elle subit, attend des actions concrètes pour s’émanciper du joug économique, politique et culturel qui pèse sur elle. Cette élection est leur chance de faire entendre leur voix et de réclamer un avenir qui leur appartient véritablement.
Le Président de la République doit saisir cette opportunité pour rompre avec les politiques de complaisance envers les multinationales et les grandes puissances économiques. Comme le montrent les débats autour du franc CFA, symbole d’une domination monétaire qui freine le développement, il est impératif de repenser les fondements mêmes de l’économie sénégalaise. La création d’une monnaie nationale est plus qu’une nécessité : c’est un acte de souveraineté. Cette indépendance économique est le socle sur lequel peuvent être bâtis des projets nationaux ambitieux dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la technologie. Comme le disait si bien Amilcar Cabral : « L’émancipation des peuples colonisés doit être avant tout une conquête économique, sociale et culturelle. Le développement ne se réduit pas à l’augmentation du produit national brut, mais à la libération des énergies créatrices des peuples. »[2]
Mais la souveraineté ne s’arrête pas à la seule question monétaire. Elle doit être totale, à la fois politique, économique et culturelle. Pour cela, il est urgent de revoir la place des investissements étrangers dans l’exploitation des ressources naturelles, notamment dans les secteurs du pétrole, du gaz et de la pêche. Ces richesses doivent avant tout profiter aux Sénégalais, et non être accaparées par des multinationales avides, sous couvert de contrats opaques négociés dans l’ombre des chancelleries.
La jeunesse sénégalaise au cœur du changement
Le Sénégal a la chance d’être un pays stable dans une région secouée par des conflits et des coups d’État militaires. Cette stabilité ne doit pas être utilisée comme un argument pour maintenir un statu quo politique. Au contraire, elle doit être le point de départ d’une transformation radicale du paysage politique sénégalais, afin que le peuple retrouve toute sa souveraineté. La paix sociale, tant vantée par les gouvernants, ne peut être réelle que si elle repose sur une justice sociale véritable, sur l’accès à des emplois décents, à une éducation de qualité et à des services publics efficaces.
Il est temps de repenser la politique dans un sens plus inclusif et participatif. La prochaine majorité présidentielle et le prochain gouvernement doivent s’engager à renforcer les institutions démocratiques et à redonner au Parlement son rôle central. Trop souvent, ces dernières années, l’Assemblée nationale a été réduite à une chambre d’enregistrement, incapable de jouer pleinement son rôle de contrôle de l’exécutif. Cette élection doit être celle de la rupture avec cette habitude désastreuse.
Rompre avec l’héritage néocolonial : une nouvelle ère pour le Sénégal
Pour que cette rupture soit réelle, PASTEF et les nouvelles forces politiques, issues des mouvements citoyens, doivent s’affirmer. Elles doivent proposer des réformes courageuses, capables de transformer en profondeur le tissu social sénégalais. Les jeunes, les femmes et les travailleurs informels doivent être placés au centre de ces réformes. L’heure n’est plus à de simples promesses électorales, mais à une transformation profonde et durable de la société.
L’élection législative du 17 novembre représente donc un moment historique pour le Sénégal. Il s’approprier ce que disait Mamadou Dia : « L’Afrique ne peut être vraiment libre et indépendante tant qu’elle n’aura pas compris que l’autosuffisance économique est la clé de la souveraineté politique. » [3]C’est l’opportunité de rompre avec les vieilles recettes néolibérales qui ont maintenu le pays dans une situation de dépendance et d’inégalités. Le pouvoir qui émergera et nous sommes certains qu’il sera l’incarnation du patriotisme et du panafricanisme bien pensé, de ce scrutin aura la lourde responsabilité de répondre aux aspirations d’un peuple en quête de dignité et de souveraineté. C’est en cela que réside la grandeur d’une nation : dans sa capacité à se réinventer pour répondre aux besoins de ses citoyens, tout en affirmant son indépendance face aux pressions extérieures.
Le 17 novembre, les Sénégalais auront l’occasion d’écrire une nouvelle page de leur histoire. Que cette page soit celle d’une véritable rupture avec le passé, celle d’un avenir fait de justice, de liberté, de renouveau démocratique et de prospérité pour tous.
[1] Wure wa dem na këŋŋ, waxi mag dem na ndañtaali est une locution wolof signifiant « le sort en est jeté ».
[2] Discours de Cabral, conférence de presse à Alger, 1969
[3] Mamadou Dia Mémoires d’un militant du Tiers-monde « , 1985
