Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS) : où est votre courage ?

Ah, la Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS), toujours prompte à se draper dans l’indignation vertueuse et à jeter la pierre sur les autres ! Le texte liminaire à votre conférence de presse du 3 septembre 2024 est un chef-d’œuvre de réécriture de l’histoire. Pour vous lire, on croirait que vous aviez toujours été là, en première ligne, à défendre le peuple. Mais la mémoire est sélective, n’est-ce pas ? « Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît », a dit Birago Diop. Si quelqu’un doit être tenu responsable du marasme actuel, c’est bien vous, chers « camarades » de la CDS. Vous étiez là, à chaque étape, applaudissant des mains, bien confortablement installés dans les coulisses du pouvoir.

Complice de Macky Sall jusqu’au bout

Votre indignation soudaine contre la « gestion autoritaire » — qui n’existe que dans votre fertile imaginaire » — et le manque de « clarté politique » du gouvernement est touchante, vraiment. Mais où était cette indignation lorsque vous étiez aux côtés de Macky Sall, fermant les yeux sur la répression qui s’abattait sur les opposants, les militants associatifs et les citoyens ? Où étaient vos grandes leçons de morale lorsque l’appareil judiciaire du pays était utilisé comme un marteau pour éliminer les rivaux politiques de votre mentor Macky Sall ? Rappelez-vous, chers amis de la CDS, vous étiez aux premières loges lorsque Khalifa Ababacar Sall, le candidat socialiste, a été écarté de la course présidentielle par un procès express digne des meilleures caricatures judiciaires. Vous auriez pu dénoncer cette mascarade, vous désolidariser de Macky Sall à ce moment précis. Au contraire, vous avez vociféré plus fort que Farba Ngom et les faucons de l’APR pour le clouer au pilori. Pourquoi donc ? L’opportunisme, un plat de lentilles au banquet du pouvoir valant bien quelques principes sacrifiés. Vous avez tenu des conférences de presse, diffusé des déclarations pour justifier les morts, blessés, mutilés, les milliers de prisonniers politiques et autres victimes de la barbarie du défunt régime. Vous aviez trainé dans la boue le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko qui sont les dignes héritiers du Manifeste de 1957 du PAI et de Mamadou Dia.

Et maintenant, vous nous parlez de liberté de la presse étouffée et de répression de la population. Curieux. Si l’on suit votre raisonnement, il semble que vous venez de découvrir le passé. Pourtant, la répression des voix dissidentes a pris fin depuis le 2 avril 2024. Où étiez-vous lorsque les lois scélérates de juin 2021 ont été adoptées, criminalisant toute forme d’opposition politique et donnant des pouvoirs quasi illimités à l’appareil sécuritaire ? Vous ne vous êtes pas levés pour dénoncer ces dérives. Non, vous étiez silencieux, vous vous en accommodiez, vous aviez théorisé cela tant que vous pouviez encore jouir des privilèges du pouvoir. Votre silence assourdissant à l’époque trahit aujourd’hui votre manque de sincérité. Vous avez été les chevilles ouvrières de la mise en place dans ce pays de l’état d’exception. Des organes de presse fermés, des entraves à la liberté de circuler, des détentions arbitraires, des gardes à vue interminables sous prétexte de « retours de parquet ». La région de Ziguinchor a été sous blocus pendant huit mois sans que cela vous émeuve.  Pendant 55 jours, Ousmane Sonko a été séquestré par des forces de l’ordre agissant comme des miliciens au service des satrapes Ismaïla Madior Fall et Félix Antoine Abdoulaye Diome exécuteurs des basses œuvres du dictateur Macky Sall. Pendant tout ce temps la CDS n’a pas dit un seul un mot. Ni, lorsque le Président Bassirou Diomaye Faye a été embastillé pour un post Facebook. Encore moins quand François Mancabou a été torturé à mort à la Sureté urbaine du Commissariat central de Dakar. Devons-nous parler de Didier Badji et Fulbert Sambou ? 

La gauche plurielle : une mauvaise blague

Ah, et parlons-en, de votre grand projet de relance de la « Gauche plurielle ». N’est-ce pas ironique, pour ne pas dire cynique ? Vous qui avez passé ces dernières années à trahir vos propres idéaux en soutenant des politiques néolibérales sous le couvert du Plan Sénégal émergent, vous voilà en train d’appeler à l’unité des forces de gauche. Mais qu’avez-vous fait de vos idéaux, lorsque vous souteniez un président qui réduisait les libertés publiques et concentrait les richesses dans les mains d’une élite toujours plus restreinte ? Votre ralliement à Macky Sall est un rappel cuisant que vos convictions de gauche ne tiennent pas face aux opportunités d’accéder aux cercles du pouvoir. Aujourd’hui, avec le vent qui tourne, vous vous découvrez soudainement une âme de révolté. Quelle farce !

Et que dire de votre responsabilité dans l’échec économique du Sénégal ? Vous critiquez la gestion de l’économie, la vie chère, et le chômage comme si vous n’aviez jamais fait partie des instances de décision. Mais qui a soutenu le Plan Sénégal émergent, ce grand plan de développement dont la seule véritable émergence a été celle des inégalités et de la précarité ? Vous faisiez partie de la majorité lorsque ces politiques de privatisation et de « réformes » structurelles étaient mises en œuvre, sous la bénédiction des institutions financières internationales. Il est facile aujourd’hui de jouer les opposants, mais vous ne pouvez pas échapper à votre part de responsabilité.

Enfin, votre soutien déclaré aux « peuples en lutte » est d’un cynisme sans nom. Vous avez soutenu et cautionné les régimes autoritaires dans la sous-région, y compris les actions répressives sous prétexte de lutte contre le terrorisme et le banditisme. L’un d’entre vous à militer pour une guerre au Niger. Soi-disant pour restaurer la démocratie ! George Bush sortez de ces corps de prétendus hommes de gauche ! Pourtant, maintenant que le vent tourne, vous vous posez en champions des libertés et de la démocratie. Belle pirouette ! Mais les peuples de la sous-région ne sont pas dupes, ils savent reconnaître ceux qui ont toujours soutenu les oppresseurs, et ceux qui luttent véritablement pour la liberté.

Il est facile de jouer les martyrs de la démocratie une fois que l’on n’a plus accès aux avantages du pouvoir. Mais si la CDS souhaite réellement se poser en force de proposition, il est temps de commencer par une bonne dose d’autocritique. Reconnaissez vos erreurs, votre complicité avec le régime de Macky Sall, et cessez de jouer les vierges effarouchées devant les dérives que vous avez contribué à mettre en place. Vous avez aidé à bâtir ce système. Il est trop tard pour prétendre être l’alternative salvatrice du peuple.

                      Editorial publié dans le quotidien Yoor Yoor Bi du 4 septembre 2024