Réinventer l’État sénégalais : Ousmane Sonko, la pensée politique en action

En août 2023, peu après l’emprisonnement d’Ousmane Sonko, j’ai eu un entretien avec un journaliste de Jacobin, un magazine américain de gauche radicale, pour un article qu’il préparait sur la situation au Sénégal. J’avais alors expliqué que deux éléments majeurs étaient à l’origine de la répression brutale orchestrée par le régime de Macky Sall et la classe dominante sénégalaise contre l’ancien maire Ziguinchor et président de PASTEF. D’une part, il plaide pour la souveraineté monétaire, une position qui contrarie profondément la bourgeoisie compradore. Ces élites locales profitent des liens du franc CFA à l’euro, qui leur garantissent des avantages économiques au détriment du développement des nations africaines utilisant cette monnaie. D’autre part, j’avais ajouté que l’opposant d’alors, désormais Premier ministre, prend au sérieux la critique néo-institutionnelle des institutions financières internationales à l’égard des pays africains. Il s’en saisit et la remodèle dans une perspective souverainiste et panafricaine, dénonçant la mauvaise gouvernance non comme une simple déficience technique, mais comme un problème structurel enraciné dans des institutions asservies à des intérêts étrangers.

À l’époque, j’avais également mentionné, bien que cela n’ait pas été repris dans l’article, que le Premier ministre représentait à mes yeux une pensée politique, encore difficile à catégoriser. Son pragmatisme, visible dans ses alliances électorales de 2022, ainsi que son éclectisme, que je perçois autant comme une disposition psychologique que comme une philosophie politique, témoignaient de mon interrogation. Cependant, avec le temps, en particulier depuis l’hivernage de 2023, j’ai pu affiner ma compréhension de cette pensée. Et hier, jeudi 26 septembre 2024, lors de son point de presse où il exposait l’état des lieux des finances publiques, j’ai fait un bond significatif dans cette compréhension.

Ce jour-là, Ousmane Sonko a encore prouvé sa volonté de faire face à une gouvernance qu’il considère comme défaillante. En choisissant cette date, Il a également ravivé le souvenir douloureux du naufrage du Joola, survenu le 26 septembre 2002, qui a marqué l’une des pires catastrophes maritimes de l’histoire mondiale. Ce drame, causé par des défaillances institutionnelles et une négligence grave des normes de sécurité, a laissé une empreinte indélébile sur la mémoire collective du Sénégal, symbolisant les conséquences tragiques d’une gouvernance irresponsable.

À l’image du naufrage, dont la principale cause était l’irresponsabilité institutionnelle, il a dressé un état des lieux catastrophique des finances publiques léguées par le régime de Macky Sall. Il a révélé au grand jour la profondeur de la crise économique et financière à laquelle le Sénégal est confronté, tout en étant conscient des risques politiques inhérents à une telle transparence. Son objectif : établir un « point zéro » pour enclencher la révolution institutionnelle qu’il appelle de ses vœux, tout comme il exige que les institutions du pays soient repensées en faveur de la souveraineté populaire.

Un néo-institutionnaliste souverainiste 

Le Premier ministre se distingue par sa capacité à dépasser la simple rhétorique politique. Certes, la lutte contre la mauvaise gouvernance et la corruption est un discours que tous les politiciens africains répètent à l’envi. Mais il se différencie par sa manière ferme et déterminée de le dire, et surtout, de le conceptualiser. Son approche ne se limite pas à une critique technique des dérives institutionnelles ; il s’agit d’une vision de refondation qui met en lumière les relations de pouvoir et de dépendance qui maintiennent l’Afrique dans un cycle perpétuel de sous-développement.

En livrant un état des lieux aussi sombre, le Premier ministre a révélé que la situation financière du pays n’était pas simplement le résultat d’une mauvaise gestion, mais d’une structure institutionnelle façonnée pour servir des intérêts particuliers nationaux et des puissances étrangères. Son projet de transparence, bien que risquée sur le plan politique, vis-à-vis des marchés, des partenaires bilatéraux et multilatéraux illustre sa volonté d’établir une nouvelle ère de gouvernance fondée sur la vérité et la justice sociale.

Il incarne véritablement un néo-institutionnaliste souverainiste, mais pas n’importe lequel. Parmi les différents courants du néo-institutionnalisme, il se situe au croisement de l’approche historique et sociologique. Le Premier ministre ne se contente pas de voir les institutions comme des cadres fixes, mais les appréhende dans leur dimension historique, ancrée dans des rapports de pouvoir asymétriques qui remontent à la colonisation et à l’héritage postcolonial. En ce sens, il s’attaque à ce que Douglass North appelait la « dépendance au sentier », c’est-à-dire la tendance des pays à rester prisonniers des choix institutionnels passés. Il ne veut pas simplement réformer le cadre néocolonial, mais le déconstruire pour proposer une alternative panafricaine véritablement indépendante.

La méfiance marxiste et l’apport de Gramsci 

En tant que marxiste, j’ai longtemps nourri une méfiance à l’égard du néo-institutionnalisme, que je percevais comme une théorie insuffisamment critique des structures économiques de domination. En effet, le néo-institutionnalisme, en mettant l’accent sur les structures formelles et les normes, peut sembler négliger les dynamiques économiques profondes qui façonnent les inégalités. Pour un marxiste, les institutions ne sont que des superstructures qui reflètent les intérêts des classes dominantes, et il paraît donc difficile de penser que des réformes institutionnelles à elles seules transforment une société.

Mais, en y regardant de plus près, et surtout en me référant à la pensée d’Antonio Gramsci, j’ai vu dans l’approche d’Ousmane Sonko une profondeur et une radicalité qui répondent à mes doutes initiaux. Gramsci a théorisé l’hégémonie culturelle, c’est-à-dire la manière dont les institutions ne sont pas de simples outils de répression, mais aussi des lieux où se joue la lutte pour le consentement et la légitimité. Par sa volonté de vérité et de transparence, le Premier ministre rompt avec l’hégémonie des élites et engage une bataille idéologique essentielle. Son dévoilement des réalités financières du Sénégal — notamment la question de la dette et des finances publiques — est un acte subversif en soi, un point de départ pour amorcer une véritable révolution institutionnelle. En mettant à nu la vérité économique et sociale du Sénégal, il marque le début d’un changement profond des règles du jeu.

Ousmane Sonko a saisi cette dimension idéologique du pouvoir, et c’est ce qui le distingue d’autres réformateurs africains. Il ne se contente pas de critiquer les institutions ; il propose une refonte complète qui repose sur la souveraineté populaire et la transparence. À la lumière de Gramsci, cette approche fait sens : elle n’est pas simplement technocratique, elle est profondément politique, car elle remet en question les fondements mêmes de l’ordre établi.

Néo-institutionnalisme et développement

Le néo-institutionnalisme, dans son courant historique, aide à comprendre comment les trajectoires passées déterminent les possibilités de développement d’un pays. Pour le Premier ministre, les institutions sénégalaises actuelles sont l’héritage d’un système néocolonial et ultralibéral qui limite la souveraineté nationale et entrave le développement autonome. Il s’agit donc de rompre avec cette continuité historique en redéfinissant les institutions de manière à répondre aux besoins du peuple.

La critique des institutions financières internationales que fait M. Sonko s’inscrit dans ce cadre. En se l’appropriant et en la remodelant dans une perspective panafricaine, il ne se contente pas de pointer du doigt des défauts techniques de gestion ou de gouvernance. Il pose une question plus fondamentale : comment les institutions peuvent-elles être réinventées pour soutenir un développement véritablement inclusif et souverain ? Cela implique une rupture avec les logiques imposées de l’extérieur, et une réorientation des politiques publiques vers l’émancipation du peuple sénégalais.

Dans ce cadre, le développement n’est pas une simple question de croissance économique, mais de justice sociale. Le Premier ministre souhaite que les institutions deviennent des outils de redistribution, non seulement des richesses matérielles, mais aussi des opportunités. Ce sont des institutions capables de garantir que chaque citoyen ait accès aux ressources nécessaires pour mener une vie digne, et non des structures qui maintiennent une élite en position de force tout en perpétuant les inégalités.

La justice comme horizon de la souveraineté

Dans ce combat pour la refondation institutionnelle, la question de la justice sociale est primordiale. Il ne s’agit pas simplement d’appliquer la loi, mais de redéfinir ce que signifie la justice dans une société inégalitaire et postcoloniale comme le Sénégal. L’actuel pouvoir parle de justice, ce qui est en soi une bonne chose. Mais quelle idée de la justice sous-tend cette démarche ? La justice pour le Premier ministre, telle que je la comprends, doit être envisagée à travers le prisme de l’égalité, mais pas seulement l’égalité formelle devant la loi. Il s’agit ici de l’égalité des chances, un concept que l’économiste Amartya Sen a largement développé.

Amartya Sen nous enseigne que l’égalité doit être pensée non seulement en matière de droits formels, mais aussi d’opportunités réelles. Dans un pays où la religion joue un rôle prépondérant et où la providence divine est souvent invoquée pour justifier la chance ou le destin, il est crucial de rappeler que l’égalité de chances ne se résume pas à une bienveillance divine. L’égalité des chances, dans le cadre que propose le Premier ministre, signifie offrir à chaque citoyen les conditions matérielles et sociales nécessaires pour mener une vie digne. Cela inclut l’accès à une éducation de qualité, à des soins de santé décents, à des conditions de logement décentes, et à une participation active à la vie politique et sociale du pays.

Le combat d’Ousmane Sonko dépasse la simple question de la lutte contre la corruption ou la mauvaise gouvernance. Il vise une révolution institutionnelle qui touche à la souveraineté nationale et à l’émancipation des Sénégalais. En tant que marxiste, je soutiens cette démarche parce qu’elle rompt avec la soumission historique aux logiques capitalistes et néocoloniales. Ousmane Sonko, en tant que je pense être un néo-institutionnaliste souverainiste, ouvre une voie vers un développement réellement inclusif et une justice sociale véritable, où l’égalité des chances ne sera plus un slogan, mais une réalité tangible pour chaque citoyen. Dans ce sens, son combat est aussi le nôtre, celui d’une gauche africaine qui veut reprendre en main son destin, loin des tutelles et des dépendances externes.

Bibliographie

Bayart, Jean-François.  L’État en Afrique : La politique du ventre. Fayard, 1989.

North, Douglass Institutions, Institutional Change, and Economic Performance. Cambridge University Press, 1990.

Gramsci, Antonio. Cahiers de prison. Gallimard, 2012.

Sen, Amartya. Development as Freedom. Oxford University Press, 1999.

Fanon, Frantz. Les Damnés de la Terre. La Découverte, 1961.

Mamdani, Mahmood. Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism. Princeton University Press, 1996.

Amin, Samir. L’Éveil du Sud : Un projet pour le XXIe siècle. Le Temps des cerises, 2008.

Mbembe, Achille. Sortir de la grande nuit : Essai sur l’Afrique décolonisée. La Découverte, 2010.

Le projet souverainiste sénégalais : pourquoi Monsieur Rufin se trompe

Dans son article intitulé « Le Sénégal dans l’œil du cyclone », publié en page 17 du Parisien dimanche le 22 septembre 2024, Jean-Christophe Rufin, médecin, écrivain lauréat du prix Goncourt et membre de l’Académie française, brosse un portrait alarmiste de la situation politique actuelle au Sénégal. Il déplore notamment la dissolution de l’Assemblée nationale par le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et dépeint son Premier ministre Ousmane Sonko, comme un « populiste… maniant une violente rhétorique antifrançaise » dangereux, suscitant des inquiétudes à Paris. Monsieur Rufin établit un parallèle avec les récentes crises politiques au Sahel, suggérant que le Sénégal, autrefois stable, pourrait suivre le même chemin que le Burkina Faso, le Niger ou le Mali. Au centre de ses préoccupations, il y a la montée du sentiment anti-français et la volonté de Monsieur Sonko de redéfinir les relations entre le Sénégal et la France.

Dissolution de l’Assemblée : une décision démocratique incomprise

Cependant, il est étonnant qu’une simple mesure démocratique telle que la dissolution de l’Assemblée nationale, visant à aligner les institutions sur une nouvelle donne politique après l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence, soit perçue comme un geste déstabilisant. Cette décision, loin de mettre en danger la démocratie sénégalaise, s’inscrit dans un processus classique de restructuration institutionnelle après un changement de président. Il s’agit d’une mesure destinée à réorganiser la représentation parlementaire pour mieux refléter la volonté populaire exprimée lors de la dernière élection présidentielle. Plutôt que de voir dans cette action une menace, il serait plus judicieux d’y percevoir une manifestation de la vitalité démocratique du Sénégal.

Le terme « populisme », utilisé par Jean-Christophe Rufin pour décrire Ousmane Sonko, est un cliché qui sert souvent à discréditer les figures politiques progressistes ou radicales, particulièrement lorsqu’elles remettent en cause l’ordre établi. Qu’est-ce que le populisme, si ce n’est répondre aux aspirations du peuple, lutter pour la souveraineté nationale et proposer une alternative aux élites traditionnelles ? Si le Premier ministre Ousmane Sonko est qualifié de populiste, c’est sans doute parce qu’il incarne un projet politique profondément ancré dans la volonté populaire. Cette tentative de disqualification reflète une peur profonde des changements profonds que prône le nouveau pouvoir, notamment la fin des liens néocoloniaux avec la France.

Monsieur Rufin semble également oublier que ce que le peuple sénégalais a exprimé dans les urnes est une volonté claire de rupture avec l’ordre ancien. L’élection du Président Bassirou Diomaye Faye et la nomination d’Ousmane Sonko comme Premier ministre ne sont pas des accidents de parcours, mais le résultat d’une révolution démocratique et citoyenne. Ce projet souverainiste, largement soutenu par la jeunesse et les classes populaires, vise à libérer le Sénégal des influences étrangères, notamment celles de la France, et à affirmer une autonomie politique, économique et monétaire. Le souverainisme prôné au Sénégal n’est ni un repli sur soi ni une soumission à une autre puissance, comme le laissent entendre certains critiques, mais une volonté de réappropriation des moyens de développement du pays.

Le projet souverainiste : un choix populaire, pas du populisme

Dans une intervention publique en mai 2024, Ousmane Sonko, lors d’une conférence avec Jean-Luc Mélenchon à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, a précisé les contours de son projet souverainiste. Il s’agit d’un projet économique, civique, panafricaniste et anti-impérialiste, visant à transformer les structures étatiques pour répondre aux aspirations populaires. La dissolution de l’Assemblée nationale s’inscrit dans cette dynamique de refonte institutionnelle. Elle permet d’aligner le cadre législatif sur la nouvelle donne politique, et d’offrir aux Sénégalais l’opportunité d’élire des représentants en phase avec ce projet de rupture. Il n’y a rien d’extraordinaire dans ce processus ; il est au contraire le signe d’une démocratie en mouvement, capable de se réformer pour mieux servir les intérêts de la majorité.

Il est également important de souligner que ce que nous appelons ici au Sénégal « le Projet » est profondément panafricaniste. Contrairement à une vision étroite du nationalisme, le souverainisme porté par PASTEF et Ousmane Sonko est inclusif, mettant en avant une coopération avec d’autres nations africaines, tout en rejetant le modèle néolibéral qui privilégie les intérêts des multinationales au détriment des pays en développement. C’est pour cela qu’est dénoncé l’utilisation du franc CFA, un outil de domination néocoloniale. Cette critique n’est pas nouvelle, et elle résonne avec les aspirations de nombreux pays africains qui cherchent à se libérer du joug économique imposé par leur ancienne puissance coloniale.

Ce qu’il y a d’inquiétant dans l’analyse de M. Rufin, c’est cette incapacité à reconnaître que les aspirations souverainistes du Sénégal ne sont pas une menace pour la stabilité régionale ou pour les relations avec la France, mais bien l’expression d’un désir légitime de contrôle sur ses propres affaires. Les craintes exprimées à Paris révèlent une vision anachronique des relations internationales, où les anciennes puissances coloniales se considèrent encore comme les gardiennes de la stabilité politique de leurs anciennes colonies. Cette mentalité, qui sous-tend l’argumentaire de Rufin, est non seulement déplacée, mais elle fait fi des réalités actuelles. Le Sénégal, en votant massivement pour Bassirou Diomaye Faye et en soutenant Ousmane Sonko, a exprimé une volonté de rupture claire avec un passé marqué par la dépendance vis-à-vis de la France.

Une vision dépassée des relations franco-sénégalaises

L’article de Jean-Christophe Rufin s’apparente à une tentative de disqualification d’un projet politique qui, à l’inverse, vise à redonner dignité et autonomie au Sénégal. S’il est compréhensible que des changements aussi radicaux puissent provoquer des inquiétudes dans certains cercles, il est inacceptable de les interpréter à travers le prisme d’une supériorité morale ou politique supposée de la France sur le Sénégal. Les Sénégalais ont fait un choix souverainiste et panafricaniste, et ce choix doit être respecté. Les propos de M. Rufin, bien qu’enrobés dans une rhétorique alarmiste, reflètent en réalité une incompréhension totale du projet porté par Sonko et le peuple sénégalais.

En définitive, ce que cet article révèle, c’est cette persistance d’une mentalité coloniale dans certains esprits, qui voient dans l’émancipation politique des pays africains une menace pour l’ordre établi. Monsieur Rufin, pourtant ancien ambassadeur de France à Dakar, semble ne pas avoir compris que les temps ont changé. Le Sénégal, comme tant d’autres nations africaines, ne veut plus être guidé par une autre puissance. Il veut tracer sa propre voie, en toute autonomie. Ignorer cette réalité, c’est non seulement méconnaître le projet politique en cours au Sénégal, mais aussi se placer du mauvais côté de l’Histoire.

Réponse à l’ancien Ministre Abdou Latif Coulibaly : Quand la « Falsification » Se Retourne Contre Son Auteur

Monsieur le Ministre,

Dans votre article intitulé « La falsification politicienne du rapport du FMI », vous réécrivez l’histoire pour tenter de défendre un bilan économique indéfendable : celui de Macky Sall. Vous parlez de « falsification », mais la vraie falsification réside dans votre lecture biaisée des faits et des chiffres.

Il est essentiel de commencer par rétablir une vérité simple : il n’y a pas de rapport du FMI à ce stade. Ce que vous évoquez n’est qu’un communiqué de presse publié le 12 septembre 2024. Votre tentative de légitimer votre analyse en s’appuyant sur un rapport inexistant est une manipulation flagrante des faits, visant à masquer l’échec de la gouvernance passée.

Une Économie Fragilisée par Macky Sall

Le FMI est clair : le ralentissement de l’activité économique du Sénégal au cours du premier semestre 2024 est une réalité indéniable. La croissance du PIB a chuté à 2,3 % au premier trimestre, conséquence directe des erreurs accumulées sous Macky Sall. Ce déclin n’est pas le résultat des actions du gouvernement actuel, comme vous l’affirmez de manière erronée, mais bien l’aboutissement de plusieurs années de gestion désastreuse.

Sous Macky Sall, les priorités étaient claires : se maintenir au pouvoir, en sacrifiant l’avenir économique du pays. Les subventions énergétiques massives non ciblées, les projets d’infrastructures coûteux et inefficaces, ainsi que la mauvaise gestion des ressources publiques ont affaibli l’économie. Ignorer cette réalité, c’est refuser de voir l’évidence. Macky Sall a laissé le Sénégal avec une économie surendettée, dépendante de financements extérieurs et incapable de répondre aux besoins fondamentaux de ses citoyens.

Une Dette Publique Hors de Contrôle

Les chiffres ne mentent pas. Sous Macky Sall, la dette publique du Sénégal est passée de 20,9 % du PIB en 2006 à 63,7 % en 2019. À son départ du pouvoir elle dépassait les 70%. Cette augmentation vertigineuse n’a pas été utilisée pour financer des projets productifs ou durables, mais pour des dépenses de prestige et des emprunts à des taux d’intérêt élevés sur les marchés internationaux. Le recours aux euro-obligations, loin d’être une stratégie de développement, a exposé le Sénégal à des risques économiques énormes. Ces emprunts, contractés à des taux élevés, ont alourdi le fardeau de la dette, creusé le déficit budgétaire et plongé le pays dans une spirale d’endettement incontrôlé.

Aujourd’hui, le FMI estime que le déficit budgétaire atteindra 7,5 % du PIB en 2024, bien loin des 3,9 % initialement prévus. Cette dérive budgétaire est le résultat direct de la mauvaise gestion des finances publiques sous Macky Sall, et non des actions du gouvernement actuel, qui fait face à l’urgence de redresser une économie exsangue.

Le Souverainisme Économique : La Voie de la Rupture

Contrairement à ce que vous insinuez, le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko ne se contente pas de critiquer le passé. Il offre une véritable rupture avec les pratiques irresponsables de l’ancien régime. Notre souveraineté économique est une réponse aux échecs du passé, et elle repose sur des réformes structurelles profondes et sur une vision de long terme pour le développement du Sénégal.

Il ne s’agit plus de dépendre des institutions internationales ou des marchés financiers pour garantir notre survie économique. Le gouvernement met en place des politiques qui visent à transformer structurellement notre économie, à promouvoir le capital humain, et à offrir à chaque Sénégalais un accès amélioré à l’éducation, à la santé et à des**emplois décents.

Le programme est ambitieux, mais réaliste : réduire à sa portion congrue à défaut d’éradiquer la pauvreté, améliorer les conditions de vie, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, et garantir la sécurisation du parcours de vie de chaque citoyen. Là où Macky Sall n’a vu que des projets de prestige, nous voyons l’opportunité de construire une économie résiliente, centrée sur l’humain et la durabilité.

Macky Sall : Un Bilan Économique Désastreux

Vous affirmez que le FMI a soutenu que « tous les voyants économiques étaient au vert en juin 2024 ». C’est une distorsion flagrante des faits. En réalité, le FMI a souligné les nombreux défis auxquels le Sénégal est confronté, notamment la faiblesse des recettes et l’augmentation continue des dépenses. Sous Macky Sall, l’économie s’est enfoncée dans une spirale de dépenses incontrôlées et d’endettement à court terme.

Les faits sont clairs : la gouvernance de Macky Sall a laissé le Sénégal dans une situation de dépendance excessive aux emprunts internationaux, avec un déficit budgétaire qui pèse lourdement sur les finances publiques. Les subventions énergétiques, loin d’être une solution, ont aggravé la crise économique en privant le pays de marges de manœuvre budgétaires. Les emprunts commerciaux à court terme, loin de stimuler l’économie, ont alourdi le fardeau de la dette.

Le Nouveau Gouvernement : La Solution à la Crise

Le Sénégal ne pouvait pas continuer sur cette voie. Nous avons hérité d’une situation catastrophique, mais nous avons aussi une vision claire pour l’avenir. Notre gouvernement souverainiste s’engage dans une transformation structurelle de l’économie, avec pour objectif de libérer le potentiel du pays et de renforcer son indépendance économique.

Nous mettons en avant le capital humain, car c’est la clé de notre réussite future. C’est pourquoi des réformes profondes vont être entreprises dans les secteurs de la santé et de l’éducation, deux domaines négligés par le précédent gouvernement. Les efforts seront concentrés dans infrastructures dans les zones rurales comme urbaines. Ce n’est pas une question de promesses, c’est une vision. L’émergence visée est bien plus qu’un simple slogan : c’est une transformation réelle et palpable de l’économie et de la société sénégalaise.

Monsieur le Ministre, il est temps de reconnaître les faits. Le bilan de Macky Sall est indéfendable. Il a laissé le Sénégal exsangue, avec une économie affaiblie par des années de mauvaise gestion et de dérives budgétaires. Votre tentative de détourner l’attention en pointant du doigt le gouvernement actuel ne trompe personne.

Le Sénégal est aujourd’hui engagé sur une nouvelle voie, celle de la souveraineté économique, du développement inclusif et de la justice sociale. Sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye et avec Ousmane Sonko comme Premier ministre, nous bâtissons un Sénégal résilient, où chaque citoyen pourra bénéficier des fruits du progrès économique. Ce n’est pas le passé que nous glorifions, mais l’avenir que nous construisons.

Avec tout le respect qui vous est dû, Monsieur le Ministre.

Bibliographie

– Fonds Monétaire International. (2024). Communiqué de presse : Les services du FMI achèvent leur visite au Sénégal* Publié en septembre 2024. 

– Rapport d’Exécution Budgétaire. (2024). Rapport d’exécution budgétaire du Sénégal pour le 2ème trimestre 2024*. Ministère des Finances et du Budget du Sénégal. 

– Banque Mondiale. (2024). Saisir l’opportunité : Analyse de l’économie sénégalaise en 2024. Rapport sur l’état de l’économie sénégalaise et perspectives à moyen terme. 

– Sambou, J.P., & Cissé, T. (2023). Effet de la dette publique sur la croissance économique du Sénégal des politiques d’ajustement structurel au COVID-19. Revue Française d’Économie et de Gestion, Volume 4, Numéro 5. 

– Coulibaly, A.L. (2024). La falsification politicienne du rapport du FMI. Article publié sur seneweb.com

https://www.seneweb.com/news/Contribution/la-falsification-politicienne-du-rapport_n_450714.html

– Niang, I. (2018). Analyse de la trajectoire de la dette publique au Sénégal. Études économiques et sociales, Université Cheikh Anta Diop de Dakar. 

– PASTEF (2023). Projet de société PASTEF – Les Patriotes : Le Sénégal d’abord*. Programme politique pour le développement économique, social et institutionnel du Sénégal, parti PASTEF.

Législatives du 17 novembre : une chance pour la rupture

Wure wa dem na këŋŋ, waxi mag dem na ndañtaali[1] ! Le Président de République a dissous comme la Constitution lui en donne les prérogatives, l’Assemblée nationale mise en place au forceps le 12 septembre 2022 par le pouvoir autocratique de MackY Sall. À quelques semaines des élections législatives du 17 novembre, le Sénégal est à la croisée des chemins. Ce rendez-vous électoral offre l’opportunité d’un tournant décisif dans l’histoire du pays. Le peuple souverain sénégalais attend de ce scrutin plus qu’un simple renouvellement de ses représentants à l’Assemblée : c’est l’avenir de la souveraineté nationale, de la justice sociale et de la démocratie qui est en jeu. Il s’agit d’une élection qui pourrait marquer la fin d’une longue ère de gouvernance inféodée aux logiques néocoloniales, incarnées par la Françafrique et ses relais locaux.

Une élection cruciale pour la souveraineté nationale

Depuis trop longtemps, les choix politiques sénégalais sont guidés par des intérêts étrangers, souvent au détriment des aspirations populaires. La jeunesse sénégalaise, qui représente l’écrasante majorité de la population, en a assez de cette domination indirecte. Cette génération, éduquée, informée et consciente des injustices qu’elle subit, attend des actions concrètes pour s’émanciper du joug économique, politique et culturel qui pèse sur elle. Cette élection est leur chance de faire entendre leur voix et de réclamer un avenir qui leur appartient véritablement.

Le Président de la République doit saisir cette opportunité pour rompre avec les politiques de complaisance envers les multinationales et les grandes puissances économiques. Comme le montrent les débats autour du franc CFA, symbole d’une domination monétaire qui freine le développement, il est impératif de repenser les fondements mêmes de l’économie sénégalaise. La création d’une monnaie nationale est plus qu’une nécessité : c’est un acte de souveraineté. Cette indépendance économique est le socle sur lequel peuvent être bâtis des projets nationaux ambitieux dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la technologie. Comme le disait si bien Amilcar Cabral : « L’émancipation des peuples colonisés doit être avant tout une conquête économique, sociale et culturelle. Le développement ne se réduit pas à l’augmentation du produit national brut, mais à la libération des énergies créatrices des peuples. »[2]

Mais la souveraineté ne s’arrête pas à la seule question monétaire. Elle doit être totale, à la fois politique, économique et culturelle. Pour cela, il est urgent de revoir la place des investissements étrangers dans l’exploitation des ressources naturelles, notamment dans les secteurs du pétrole, du gaz et de la pêche. Ces richesses doivent avant tout profiter aux Sénégalais, et non être accaparées par des multinationales avides, sous couvert de contrats opaques négociés dans l’ombre des chancelleries.

La jeunesse sénégalaise au cœur du changement

Le Sénégal a la chance d’être un pays stable dans une région secouée par des conflits et des coups d’État militaires. Cette stabilité ne doit pas être utilisée comme un argument pour maintenir un statu quo politique. Au contraire, elle doit être le point de départ d’une transformation radicale du paysage politique sénégalais, afin que le peuple retrouve toute sa souveraineté. La paix sociale, tant vantée par les gouvernants, ne peut être réelle que si elle repose sur une justice sociale véritable, sur l’accès à des emplois décents, à une éducation de qualité et à des services publics efficaces.

Il est temps de repenser la politique dans un sens plus inclusif et participatif. La prochaine majorité présidentielle et le prochain gouvernement doivent s’engager à renforcer les institutions démocratiques et à redonner au Parlement son rôle central. Trop souvent, ces dernières années, l’Assemblée nationale a été réduite à une chambre d’enregistrement, incapable de jouer pleinement son rôle de contrôle de l’exécutif. Cette élection doit être celle de la rupture avec cette habitude désastreuse.

Rompre avec l’héritage néocolonial : une nouvelle ère pour le Sénégal

Pour que cette rupture soit réelle, PASTEF et les nouvelles forces politiques, issues des mouvements citoyens, doivent s’affirmer. Elles doivent proposer des réformes courageuses, capables de transformer en profondeur le tissu social sénégalais. Les jeunes, les femmes et les travailleurs informels doivent être placés au centre de ces réformes. L’heure n’est plus à de simples promesses électorales, mais à une transformation profonde et durable de la société.

L’élection législative du 17 novembre représente donc un moment historique pour le Sénégal. Il s’approprier ce que disait Mamadou Dia : « L’Afrique ne peut être vraiment libre et indépendante tant qu’elle n’aura pas compris que l’autosuffisance économique est la clé de la souveraineté politique. » [3]C’est l’opportunité de rompre avec les vieilles recettes néolibérales qui ont maintenu le pays dans une situation de dépendance et d’inégalités. Le pouvoir qui émergera et nous sommes certains qu’il sera l’incarnation du patriotisme et du panafricanisme bien pensé, de ce scrutin aura la lourde responsabilité de répondre aux aspirations d’un peuple en quête de dignité et de souveraineté. C’est en cela que réside la grandeur d’une nation : dans sa capacité à se réinventer pour répondre aux besoins de ses citoyens, tout en affirmant son indépendance face aux pressions extérieures.

Le 17 novembre, les Sénégalais auront l’occasion d’écrire une nouvelle page de leur histoire. Que cette page soit celle d’une véritable rupture avec le passé, celle d’un avenir fait de justice, de liberté, de renouveau démocratique et de prospérité pour tous.


[1] Wure wa dem na këŋŋ, waxi mag dem na ndañtaali est une locution wolof signifiant « le sort en est jeté ».

[2] Discours de Cabral, conférence de presse à Alger, 1969

[3]  Mamadou Dia Mémoires d’un militant du Tiers-monde « , 1985

Clarifications sur la gouvernance : réponse à Abdou Latif Coulibaly

Il est pour le moins surprenant de voir Abdou Latif Coulibaly, ancien ministre ayant activement participé au régime de Macky Sall, se draper aujourd’hui de moralité pour critiquer avec virulence la gestion du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Après avoir accompagné pendant plus d’une décennie un pouvoir autoritaire et centralisé, il se permet maintenant de donner des leçons de démocratie. Son article, intitulé « Une soumission au PM assumée », se veut une critique acerbe du Président de la République, l’accusant de faiblesse et d’abdication. Pourtant, au lieu de livrer une analyse objective, M. Coulibaly se lance dans une diatribe teintée d’invectives, avec des arguments souvent biaisés, oubliant qu’il a lui-même cautionné un régime répressif à tout point de vue.

Le Président n’a en aucun cas abdiqué ses responsabilités

L’auteur affirme que le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a « abdiqué » ses responsabilités au profit de son Premier ministre. Cette accusation est non seulement fausse, mais également trompeuse. Le président n’a en aucun cas renoncé à ses pouvoirs. Preuve en est qu’il a récemment représenté le pays lors d’une visite d’État en Chine, démontrant son engagement dans les affaires internationales. De plus, le président continue d’exercer ses prérogatives constitutionnelles, notamment à travers la signature des décrets, des nominations aux fonctions civiles et militaires et la dissolution de l’Assemblée nationale. Ces actes démontrent clairement que le président n’a pas cédé sa place au Premier ministre. Ce qu’Abdou Latif Coulibaly appelle une abdication n’est rien d’autre que la démonstration d’une synergie exemplaire entre le Président et son Premier ministre, chacun jouant son rôle en harmonie avec la Constitution.

M. Coulibaly semble confondre le fonctionnement démocratique des institutions et ce qu’il appelle une « soumission » au Premier ministre. Il semble oublier que la fonction de Premier ministre, dans une démocratie parlementaire, est celle d’un chef d’orchestre qui coordonne les actions du gouvernement, mais toujours sous l’autorité du Président. Le Premier ministre, Ousmane Sonko, n’est pas un adversaire du président, mais un collaborateur fidèle, un allié avec qu’il est lié pour la réussite du Projet. C’est ce que M. Coulibaly ne semble pas comprendre. Leur collaboration n’est pas un signe de faiblesse, mais une force. Cela reflète une gouvernance moderne et partagée, où le Premier ministre joue un rôle moteur sous la supervision stratégique du président.

La dissolution de l’Assemblée nationale par le Président Faye a été présentée par M. Coulibaly comme une décision prise par « ruse ». C’est un jugement erroné et dénué de fondement. La dissolution de l’Assemblée nationale est un pouvoir constitutionnel réservé au chef de l’État, que ce dernier a exercé dans l’intérêt supérieur de la nation. Cette dissolution n’a pas été motivée par une « vengeance », mais par la nécessité de renouveler l’institution législative et de permettre au peuple de s’exprimer lors des prochaines élections. Cette démarche témoigne d’un profond respect des institutions démocratiques, contrairement aux insinuations de l’auteur. De plus, un Premier ministre fort implique nécessairement une Assemblée nationale forte, et c’est précisément ce que l’élection législative du 17 novembre 2024 ambitionne d’instaurer : un Parlement renouvelé et dynamique.

La dissolution de l’Assemblée nationale : un acte constitutionnel et démocratique

Il est surprenant que quelqu’un ayant exercé des responsabilités ministérielles pendant 12 ans dans les gouvernements de Macky Sall puisse faire preuve d’une telle méconnaissance du fonctionnement des institutions. En qualifiant la décision présidentielle de « coup en dessous de la ceinture des institutions », M. Coulibaly révèle un manque de compréhension des mécanismes démocratiques. Le rôle du Président est de garantir la stabilité de l’État, et non de se soumettre aux caprices de l’Assemblée. La décision de dissoudre cette institution, loin d’être un signe de faiblesse, s’inscrit dans une volonté de renforcement démocratique. C’est un processus sain qui permet de redonner la parole au peuple et de renforcer la légitimité des élus.

Le style de M. Coulibaly, pour quelqu’un ayant occupé des postes de haute responsabilité, est non seulement irrespectueux, mais également souvent injurieux envers le chef de l’État. Qualifier les actions du président de « ruse malicieuse » ou d’« avalanche dévastatrice » relève davantage de l’invective que de l’argumentation politique. Ce style sensationnaliste nuit à la crédibilité de ses propos et montre un manque de retenue et de respect envers les institutions qu’il prétend défendre. Loin d’une analyse rationnelle et posée, l’auteur sombre dans des attaques ad hominem, ce qui affaiblit considérablement la portée de ses critiques.

Des explications psychologisantes sans fondement

Dans son article, Abdou Latif Coulibaly se permet même de s’aventurer sur le terrain glissant des explications psychologisantes, cherchant à décrypter les prétendues « peurs » et « colères intérieures » du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il est difficile de ne pas sourire devant cette tentative maladroite d’endosser le rôle de psychologue amateur. M. Coulibaly, qui n’a aucune formation dans ce domaine, semble s’ériger en analyste des états d’âme du président, sans fournir d’éléments concrets pour étayer ses suppositions. Cela relève davantage de la divination que de l’analyse politique sérieuse. Est-ce là une nouvelle compétence que M. Coulibaly a développée après ses douze ans au gouvernement, où les institutions répressives qu’il servait alors ne lui permettaient guère d’évaluer les émotions de ses collègues ?

Peut-être est-ce aussi la preuve d’une stratégie désespérée pour combler le vide argumentaire de son propos ? En tout cas, ces interprétations hasardeuses sur l’état mental du Président ne font que détourner le débat des véritables enjeux institutionnels et démocratiques. Il est important de rappeler que l’analyse politique se fonde sur des faits, des textes et des actions concrètes, et non sur des spéculations psychologiques. Au lieu de se perdre dans ces explications psychologisantes qui n’ont aucune valeur probante, M. Coulibaly aurait mieux fait de s’en tenir à une lecture rigoureuse des faits. Or, en adoptant ce ton condescendant et en tentant de pénétrer l’esprit du président, il se discrédite davantage. Ces élucubrations sur les « peurs » et « colères » ne servent qu’à détourner l’attention du manque de cohérence de son propre argumentaire. L’analyse politique est une science complexe, qui ne se satisfait ni de simplifications psychologiques, ni de jugements hâtifs. Peut-être faudrait-il que M. Coulibaly se concentre sur ce qu’il connaît le mieux, ou qu’il admette les limites de son expertise, car, en l’état, ses tentatives d’analyse mentale du président font plus sourire qu’elles n’impressionnent.

En conclusion, M. Coulibaly semble avoir une vision déformée des institutions et de la fonction présidentielle. Loin d’être une abdication ou une soumission, la coopération entre le président et le Premier ministre est un exemple de bonne gouvernance. Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye n’a ni abdiqué, ni renoncé à ses prérogatives. Au contraire, il a su s’entourer d’un Premier ministre compétent, charismatique populaire et travailler en étroite collaboration avec lui pour le bien de la nation. Quant à la dissolution de l’Assemblée, elle s’inscrit dans un cadre constitutionnel qui vise à renforcer la démocratie sénégalaise, en permettant aux citoyens de choisir des représentants qui reflètent leurs aspirations.

Les élections législatives du 17 novembre 2024 seront une étape cruciale dans cette évolution institutionnelle. Celles-ci permettront de mettre en place une nouvelle législature, plus forte, plus responsable, et en phase avec les besoins du pays. Cette révolution copernicienne marquera un tournant dans l’histoire de notre démocratie, loin des fantasmes de soumission et d’abdication évoqués par M. Coulibaly. Il est temps d’élever le débat au niveau des enjeux réels, sans tomber dans la caricature ni l’invective.

Une société civile en quête de légitimité ?

La publication récente d’un communiqué par certaines organisations de la société civile sénégalaise, protestant contre les interdictions de sortie du territoire national imposées à des personnalités de l’ancien régime, témoigne davantage de leur besoin de s’affirmer que de leur véritable engagement pour les droits humains. Sous couvert de défense des libertés, ces organisations semblent surtout préoccupées par la préservation d’une image de contre-pouvoir, un rôle qu’elles peinent de plus en plus à assumer.

Dans leur communiqué du 10 septembre 2024, elles dénoncent le fait que les personnalités concernées par ces restrictions n’auraient pas été préalablement informées des mesures les concernant, ni dotées des moyens de recours nécessaires pour se défendre. Pourtant, il apparaît évident que ces anciens dignitaires, impliqués dans des enquêtes sur leur gestion passée, sont bien au courant des accusations portées contre eux et des procédures en cours. Les mesures conservatoires, telles que l’interdiction de voyager hors du territoire, ne sont donc pas le fruit du hasard, mais bel et bien des réponses légitimes à des enquêtes judiciaires visant à établir la vérité. Dans le cadre d’une enquête préliminaire, un officier de police judiciaire peut décider d’une opposition de sortie de territoire à l’encontre d’une personne contre laquelle pèsent des indices graves et concordants de crime ou de délit et dont l’absence risquerait de compromettre la manifestation de la vérité. La seule condition pour que cette mesure soit valable est qu’elle revête le visa du Parquet.  

Droits de la défense et présomption d’innocence

Il est aussi crucial de rappeler que les personnes frappées par ces mesures conservatoires bénéficient de tous les droits inhérents à leur défense. Elles pourront se pourvoir en justice et utiliser tous les recours légaux nécessaires pour faire valoir leurs arguments. De plus, elles sont présumées innocentes tant qu’aucune culpabilité n’a été établie. Cette précision semble pourtant largement absente des réactions outrancières de certains, comme si l’interdiction de quitter le territoire équivalait déjà à une condamnation définitive.

Le plus ironique dans cette affaire, c’est que la reddition des comptes est précisément ce que le peuple sénégalais a réclamé en votant massivement pour un changement de régime le 24 mars 2024. Faut-il rappeler que la lutte contre la corruption et la gestion opaque des affaires publiques était un des principaux points de la campagne électorale ? Il est donc légitime que ceux qui sont aujourd’hui sous le coup d’investigations ne puissent échapper à la justice en prenant un avion pour éviter de rendre des comptes.

Un respect pour les signataires mais un contexte nouveau

Cela étant dit, il convient de souligner que j’ai un profond respect pour les signataires de ce communiqué, notamment pour M. Alioune Tine, président d’Afrikajom Center, dont le combat pour les droits humains et les libertés publiques n’est plus à démontrer. Cependant, il est essentiel de reconnaître que du point de vue des libertés publiques et de la démocratie, nous avons quitté l’ère sombre du régime de Macky Sall. Cette période se caractérisait par une répression tous azimuts, un arbitraire politique, un banditisme administratif flagrant et un mépris des libertés individuelles et collectives. Aujourd’hui, tout ce qui se fait depuis l’installation du nouveau pouvoir du Président Bassirou Diomaye le 2 avril 2024 s’inscrit dans le cadre strict des règles démocratiques. La justice opère selon des principes clairs, respectant les droits de tous, même ceux des anciens gouvernants. Nous avons à la tête de la chancellerie un magistrat qui a été démontré tout au long de sa carrière son attachement au respect des libertés, à la défense des lois et procédures.

La conférence de presse d’Abdoulaye Seydou Sow : un verbe haut et une mémoire sélective

Ce qui frappe particulièrement, c’est la réaction théâtrale de M. Abdoulaye Seydou Sow, ancien ministre de l’Urbanisme sous Macky Sall. Lors d’une conférence de presse, qu’il a organisée avec le verbe haut qui le caractérise, M. Sow a déclaré être prêt à « donner sa vie » pour s’opposer à cette interdiction de sortie du territoire. En faisant de cette mesure une cause noble, il se drape d’un manteau de martyr. Pourtant, il ne s’agit que d’une simple mesure conservatoire liée à une enquête en cours. À l’entendre, on pourrait croire qu’il mène une croisade pour la liberté du Sénégal, alors qu’en réalité, sa colère est alimentée par l’impossibilité de voyager pour assister à un match de football.

Ce n’est pas la première fois que M. Sow s’illustre par des actions aussi inconséquentes. Durant la campagne présidentielle, il avait déjà tenté de s’opposer au rassemblement d’Ousmane Sonko à Kaffrine, en organisant des nervis pour semer le trouble. Cette tentative, tout comme ses déclarations récentes, n’aura finalement abouti qu’à un échec cuisant, incapable de freiner la volonté populaire.

Un enjeu de transparence et de justice

Ce discours de la société civile et de certains anciens dignitaires n’est qu’une diversion face à l’exigence fondamentale de transparence et de justice. Le peuple sénégalais n’a pas voté pour que les anciens gouvernants puissent continuer à se dérober à la justice. Il a voté pour que la lumière soit faite sur les abus et les malversations passées, et cela passe par des enquêtes rigoureuses.

Finalement, cette société civile, au lieu de se concentrer sur la prévention des véritables violations des droits humains, semble surtout s’empresser de défendre ceux qui ont longtemps profité de leurs positions privilégiées, sans pour autant se soucier des droits des citoyens ordinaires. Il est temps de recentrer les priorités : la justice, la transparence et la reddition des comptes ne sont pas des menaces, mais des garanties pour un Sénégal plus juste.

Editorial publié dans le quotidien Yoor Yoor Bi du 12 septembre 2024

Les naufragés de la place Soweto

Les députés de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), fidèles compagnons de Macky Sall, nous ont encore offert un spectacle digne d’un mauvais vaudeville ! Qui aurait cru que ceux qui ont gouverné le Sénégal de 2012 au 2 avril 2024 deviendraient les champions incontestés de la pirouette institutionnelle ? Au lieu de partir avec la dignité que l’histoire exige des perdants, ils préfèrent s’accrocher comme des lianes à un arbre mourant. Mais que dit déjà le proverbe ? « Lorsque le vieux singe s’accroche à l’arbre, c’est qu’il a oublié qu’il n’a plus de queue pour se balancer. »

Et nos chers députés BBY semblent en avoir perdu leur boussole et bien plus encore ! Oui, ils ont perdu toute légitimité, et pourtant, ils continuent à s’accrocher, tel un naufragé à une planche vermoulue. Pendant que le peuple sénégalais regarde, incrédule, cette tragédie se jouer devant lui, ils continuent à jouer la carte du déni. Mais la question que tout le monde se pose est simple : jusqu’à quand ? Jusqu’à quand cette farce, cet exercice désespéré va-t-il durer ?

Le coup d’éclat de la Place Soweto : Un Parlement sous occupation

Rappelez-vous cet épisode épique du 12 septembre 2022 où la gendarmerie a fait irruption à l’Assemblée nationale pour « remettre de l’ordre » dans le débat parlementaire. Oui, vous avez bien lu : des militaires dans l’hémicycle ! On croirait assister à une pièce de théâtre où la réalité dépasse la fiction. Mais cette réalité, elle est bien plus sombre. Quelle honte pour la démocratie sénégalaise que ce fut de voir les éléments du général Moussa Fall sur instruction de Macky Sall installer de force Amadou Mame Diop au perchoir de la représentation nationale.

Quand on a militarisé le Parlement pour s’assurer que les dés sont pipés en sa faveur, on ne peut plus parler de démocratie. La confiance du peuple, déjà mise à mal par des années de gestion chaotique, a définitivement été trahie ce jour-là. Mais à quoi s’attendaient-ils ? Un proverbe dit : « Celui qui mange avec le diable doit se munir d’une longue cuillère. » Mais visiblement, nos chers députés BBY ont choisi de manger avec une cuillère bien trop courte. Qui ne se souvient de ces ministres de Macky Sall qui, ce même jour, alors qu’ils étaient frappés par l’incompatibilité prévue par la Constitution, refusaient de démissionner ?

Le bal des hypocrites : Résistance ou mascarade ?

Que dire du baroud d’honneur de ces mêmes députés face à Ousmane Sonko, devenu Premier ministre malgré toutes leurs tentatives de le museler ? Ils s’agitent, se débattent, se tordent dans tous les sens pour entendre sa Déclaration de politique générale, cherchant tous les prétextes pour l’entendre. N’est-il pas savoureux de les voir réclamer aujourd’hui des procédures qu’ils ont eux-mêmes piétinées pendant des années ?

Le jeu est devenu limpide : il s’agit simplement de temporiser, de gagner du temps, d’espérer, peut-être, que quelque miracle viendra les sauver. Mais la réalité est plus crue. Le miracle ne viendra pas, et ils le savent. Pourtant, ils continuent, tels des acteurs fatigués qui s’accrochent à leurs derniers moments sous les feux de la rampe. Mais le rideau tombe bientôt, chers amis de BBY. Et quand il tombera, il sera trop tard pour chercher des excuses ou des justifications.

Les pyromanes du Parlement : Quand on joue avec le feu…

Que dire d’Amadou Mame Diop alias « Hé hé Bou leen ma fonton !! », président de l’Assemblée nationale installé par la gendarmerie. Celui qui allume des feux pour mieux les regarder brûler ? Ah, comme il doit être satisfait de sa petite mascarade parlementaire, lui qui s’imaginait capable de maîtriser la tempête qu’il a lui-même créée ! Mais voilà, dans ce pays, la vérité finit toujours par rattraper les mensonges, et la dissolution du Parlement plane désormais au-dessus de leurs têtes comme une épée de Damoclès.

On dit souvent que les hommes politiques sont comme des chats : ils retombent toujours sur leurs pattes. Mais cette fois-ci, BBY va se retrouver avec plus de griffes que de coussinets. Car en s’attaquant aux fondements mêmes de la démocratie, ils ont créé une situation intenable, une crise qui va les emporter. Et quand on joue avec le feu, on finit toujours par se brûler. Les députés de BBY continuent de danser sur les braises d’un pouvoir défait, espérant sans doute un dernier sursaut. Mais comme le dit un proverbe bien de chez nous : « Quand l’éléphant se met à danser, il piétine les fourmis. » Ces fourmis, ce sont les citoyens sénégalais, pris en otage par les manœuvres politiciennes de ceux qui refusent de laisser place à la nouvelle ère politique incarnée par le Président Bassirou Diomaye Faye.

Comme un vieux coq qui refuse de reconnaître que son chant est devenu discordant, les députés de BBY s’accrochent à leurs privilèges. Pourtant, quand le baobab tombe, même les fourmis finissent par fuir. Le moment de la vérité est arrivé : ils ont eu leur chance, ils ont joué, et ils ont perdu. Toute tentative de rédemption semble désormais vaine, et un proverbe le rappelle bien : « Quand on refuse, on dit non ». Le peuple sénégalais, épuisé par ces contorsions politiques, attend des solutions réelles. Les jeunes, les femmes, et les travailleurs demandent des réponses concrètes à leurs problèmes, plutôt que des manœuvres politiciennes et des feintes destinées à sauver des intérêts personnels. Pendant que certains cherchent à maintenir leur position, le Premier ministre Ousmane Sonko, lui, a montré qu’il était prêt à relever les défis qui se présentent. Le peuple, en silence mais avec force, demeure vigilant. C’est lui qui aura le dernier mot. Et quand viendra le moment, il sera prêt à protéger le régime qui sortira victorieux de la présidentielle du 24 mars 2024.

  Editorial publié dans le quotidien Yoor Yoor Bi du 9 septembre 2024

Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS) : où est votre courage ?

Ah, la Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS), toujours prompte à se draper dans l’indignation vertueuse et à jeter la pierre sur les autres ! Le texte liminaire à votre conférence de presse du 3 septembre 2024 est un chef-d’œuvre de réécriture de l’histoire. Pour vous lire, on croirait que vous aviez toujours été là, en première ligne, à défendre le peuple. Mais la mémoire est sélective, n’est-ce pas ? « Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît », a dit Birago Diop. Si quelqu’un doit être tenu responsable du marasme actuel, c’est bien vous, chers « camarades » de la CDS. Vous étiez là, à chaque étape, applaudissant des mains, bien confortablement installés dans les coulisses du pouvoir.

Complice de Macky Sall jusqu’au bout

Votre indignation soudaine contre la « gestion autoritaire » — qui n’existe que dans votre fertile imaginaire » — et le manque de « clarté politique » du gouvernement est touchante, vraiment. Mais où était cette indignation lorsque vous étiez aux côtés de Macky Sall, fermant les yeux sur la répression qui s’abattait sur les opposants, les militants associatifs et les citoyens ? Où étaient vos grandes leçons de morale lorsque l’appareil judiciaire du pays était utilisé comme un marteau pour éliminer les rivaux politiques de votre mentor Macky Sall ? Rappelez-vous, chers amis de la CDS, vous étiez aux premières loges lorsque Khalifa Ababacar Sall, le candidat socialiste, a été écarté de la course présidentielle par un procès express digne des meilleures caricatures judiciaires. Vous auriez pu dénoncer cette mascarade, vous désolidariser de Macky Sall à ce moment précis. Au contraire, vous avez vociféré plus fort que Farba Ngom et les faucons de l’APR pour le clouer au pilori. Pourquoi donc ? L’opportunisme, un plat de lentilles au banquet du pouvoir valant bien quelques principes sacrifiés. Vous avez tenu des conférences de presse, diffusé des déclarations pour justifier les morts, blessés, mutilés, les milliers de prisonniers politiques et autres victimes de la barbarie du défunt régime. Vous aviez trainé dans la boue le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko qui sont les dignes héritiers du Manifeste de 1957 du PAI et de Mamadou Dia.

Et maintenant, vous nous parlez de liberté de la presse étouffée et de répression de la population. Curieux. Si l’on suit votre raisonnement, il semble que vous venez de découvrir le passé. Pourtant, la répression des voix dissidentes a pris fin depuis le 2 avril 2024. Où étiez-vous lorsque les lois scélérates de juin 2021 ont été adoptées, criminalisant toute forme d’opposition politique et donnant des pouvoirs quasi illimités à l’appareil sécuritaire ? Vous ne vous êtes pas levés pour dénoncer ces dérives. Non, vous étiez silencieux, vous vous en accommodiez, vous aviez théorisé cela tant que vous pouviez encore jouir des privilèges du pouvoir. Votre silence assourdissant à l’époque trahit aujourd’hui votre manque de sincérité. Vous avez été les chevilles ouvrières de la mise en place dans ce pays de l’état d’exception. Des organes de presse fermés, des entraves à la liberté de circuler, des détentions arbitraires, des gardes à vue interminables sous prétexte de « retours de parquet ». La région de Ziguinchor a été sous blocus pendant huit mois sans que cela vous émeuve.  Pendant 55 jours, Ousmane Sonko a été séquestré par des forces de l’ordre agissant comme des miliciens au service des satrapes Ismaïla Madior Fall et Félix Antoine Abdoulaye Diome exécuteurs des basses œuvres du dictateur Macky Sall. Pendant tout ce temps la CDS n’a pas dit un seul un mot. Ni, lorsque le Président Bassirou Diomaye Faye a été embastillé pour un post Facebook. Encore moins quand François Mancabou a été torturé à mort à la Sureté urbaine du Commissariat central de Dakar. Devons-nous parler de Didier Badji et Fulbert Sambou ? 

La gauche plurielle : une mauvaise blague

Ah, et parlons-en, de votre grand projet de relance de la « Gauche plurielle ». N’est-ce pas ironique, pour ne pas dire cynique ? Vous qui avez passé ces dernières années à trahir vos propres idéaux en soutenant des politiques néolibérales sous le couvert du Plan Sénégal émergent, vous voilà en train d’appeler à l’unité des forces de gauche. Mais qu’avez-vous fait de vos idéaux, lorsque vous souteniez un président qui réduisait les libertés publiques et concentrait les richesses dans les mains d’une élite toujours plus restreinte ? Votre ralliement à Macky Sall est un rappel cuisant que vos convictions de gauche ne tiennent pas face aux opportunités d’accéder aux cercles du pouvoir. Aujourd’hui, avec le vent qui tourne, vous vous découvrez soudainement une âme de révolté. Quelle farce !

Et que dire de votre responsabilité dans l’échec économique du Sénégal ? Vous critiquez la gestion de l’économie, la vie chère, et le chômage comme si vous n’aviez jamais fait partie des instances de décision. Mais qui a soutenu le Plan Sénégal émergent, ce grand plan de développement dont la seule véritable émergence a été celle des inégalités et de la précarité ? Vous faisiez partie de la majorité lorsque ces politiques de privatisation et de « réformes » structurelles étaient mises en œuvre, sous la bénédiction des institutions financières internationales. Il est facile aujourd’hui de jouer les opposants, mais vous ne pouvez pas échapper à votre part de responsabilité.

Enfin, votre soutien déclaré aux « peuples en lutte » est d’un cynisme sans nom. Vous avez soutenu et cautionné les régimes autoritaires dans la sous-région, y compris les actions répressives sous prétexte de lutte contre le terrorisme et le banditisme. L’un d’entre vous à militer pour une guerre au Niger. Soi-disant pour restaurer la démocratie ! George Bush sortez de ces corps de prétendus hommes de gauche ! Pourtant, maintenant que le vent tourne, vous vous posez en champions des libertés et de la démocratie. Belle pirouette ! Mais les peuples de la sous-région ne sont pas dupes, ils savent reconnaître ceux qui ont toujours soutenu les oppresseurs, et ceux qui luttent véritablement pour la liberté.

Il est facile de jouer les martyrs de la démocratie une fois que l’on n’a plus accès aux avantages du pouvoir. Mais si la CDS souhaite réellement se poser en force de proposition, il est temps de commencer par une bonne dose d’autocritique. Reconnaissez vos erreurs, votre complicité avec le régime de Macky Sall, et cessez de jouer les vierges effarouchées devant les dérives que vous avez contribué à mettre en place. Vous avez aidé à bâtir ce système. Il est trop tard pour prétendre être l’alternative salvatrice du peuple.

                      Editorial publié dans le quotidien Yoor Yoor Bi du 4 septembre 2024

Thierno Alassane Sall et l’art de la critique sans risque

Thierno Alassane Sall, figure emblématique de la scène politique sénégalaise, s’est récemment illustré par une critique acerbe du projet gouvernemental visant à supprimer le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT). Ce revirement soulève des questions sur la cohérence de son discours et met en lumière la complexité de la gouvernance, où l’art de critiquer semble parfois plus aisé que celui de proposer des solutions concrètes.

Thierno Alassane Sall est une figure bien connue de la critique politique au Sénégal. Il a de nouveau exprimé son mécontentement lors de l’émission « Objection » de Sud FM. Il a vivement critiqué le projet de loi du gouvernement de supprimer le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ainsi que le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), qualifiant cette initiative de « provocation » politique. Pour lui, cette manœuvre aurait pour objectif de préparer le terrain à une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale.

Cependant, il est surprenant de voir Thierno Alassane Sall adopter un tel positionnement, lui qui dénonçait auparavant avec véhémence le train de vie excessif de l’État. Aujourd’hui, il se pose en défenseur des institutions qu’il décrivait jadis comme superflues et coûteuses. Le CESE, une institution consultative sans pouvoir législatif direct, et le HCCT, chargé de renforcer la gouvernance locale, sont soudainement devenus à ses yeux des piliers incontournables de la République. L’idée de supprimer le CESE et le HCCT semble lui donner des sueurs froides. Mais n’était-ce pas lui qui clamait haut et fort l’indécence du train de vie de l’État ? Voilà qu’aujourd’hui, la rationalisation budgétaire devient un acte de trahison, un scandale, une « provocation ». Peut-être que la sagesse consiste à ne rien faire du tout, à observer et critiquer sans jamais proposer. Après tout, dans un monde où chaque action est risquée, l’inaction semble être la seule voie sûre vers la perfection.

Ce que Thierno Alassane Sall démontre, c’est qu’il est toujours plus facile de critiquer que de gouverner. Gouverner implique de faire des choix difficiles, souvent impopulaires, mais essentiels pour l’avenir du pays. La suppression d’institutions coûteuses, même si elles ont une importance consultative, peut être vue comme un acte de bon sens, surtout dans un contexte où la rationalisation des dépenses publiques est devenue une nécessité urgente.

Dans sa quête perpétuelle de la vérité absolue, Thierno Alassane Sall nous éclaire enfin sur un principe fondamental : pourquoi tenter quoi que ce soit si l’on n’est pas certain de gagner ? Après tout, pourquoi respirer si l’air n’est pas garanti à 100% pure ? Son discours, pourtant empreint de la plus grande « sagesse », semble omettre un petit détail : pour gouverner, il faut une majorité. Mais bon, pourquoi s’embarrasser de ces petites réalités quand on est doté d’une science infuse ? Pour Thierno Alassane Sall, toutefois, la critique semble toujours être l’option la plus sûre. Pourquoi prendre le risque de proposer des solutions quand on peut se contenter de dénoncer ? Pourquoi engager des réformes nécessaires mais délicates, quand il est tellement plus confortable de pointer du doigt les échecs des autres ? Ce qu’il semble oublier, c’est que l’histoire n’est pas faite par ceux qui disent « non » à tout, mais par ceux qui prennent le risque d’agir, même sans garantie de succès.

En fin de compte, la suppression du CESE et du HCCT, loin d’être une provocation, pourrait bien être une étape vers une gouvernance plus efficiente et plus en phase avec les aspirations des citoyens. Thierno Alassane Sall, dans son rôle de critique perpétuel, manque peut-être une occasion précieuse de participer à une véritable réflexion sur l’avenir institutionnel du Sénégal. Car au-delà des critiques, c’est dans l’action que se construisent les grandes nations.

Quant à la situation financière laissée par le pouvoir de Macky Sall, elle est marquée par un endettement élevé, des déficits budgétaires persistants, et une pression croissante sur les finances publiques. Les emprunts massifs pour financer les infrastructures qui n’ont d’effets de leviers sur a structure économique du pays, combinés à une gestion parfois laxiste des dépenses publiques, ont conduit à une situation où le service de la dette absorbe une part importante des ressources nationales. Pour éviter une crise économique, des mesures drastiques sont nécessaires : réduction des dépenses non essentielles, réforme fiscale, et une meilleure gestion des ressources publiques. Ces actions sont indispensables pour restaurer la viabilité économique du pays et éviter une spirale d’endettement incontrôlable. Seul un redressement rigoureux peut permettre au Sénégal de retrouver une stabilité financière durable. C’est à cette tâche que s’attelle le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, sous la direction du Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

Mais après tout, pourquoi s’embarrasser de ces détails techniques quand on peut continuer à cultiver l’art de la critique sans risque ? Thierno Alassane Sall semble préférer la position confortable de l’observateur inactif. Car après tout, il est bien plus facile de se poser en grand sage et de distribuer les leçons que de se salir les mains dans le dur labeur du redressement économique. Peut-être que la « science infuse » de Thierno Alassane Sall finirait par nous expliquer comment sauver un pays uniquement avec des mots, sans jamais passer à l’action.

Éditorial publié dans le quotidien Yoor Yoor Bi de ce jour 3 septembre 2024

L’Alliance des États du Sahel : Entre Défiance et Stratégies Géopolitiques

L’histoire contemporaine de l’Afrique de l’Ouest est jalonnée de tentatives de regroupements d’États dépassant le statut d’organisation internationale ou de coopération. Les premiers d’entre eux sont nés en plein processus de décolonisation. Ils ont été construits le plus souvent autour de trois États pivots à savoir le Sénégal, le Ghana et la Côte d’Ivoire. De la Fédération du Mali (Sénégal et Soudan français devenu République du Mali) à la Confédération de la Sénégambie en passant par le Conseil de l’Entente, ces entités ont connu des fortunes diverses mais n’ont jamais pu atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés : mieux intégrer les économies des pays les composant et pesés davantage sur l’ordre du monde.

Le 6 juillet 2024 à Niamey, la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Burkina, le Mali et le Niger est née. En rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) que les trois pays ont décidés de quitter.  Une nouvelle entité, au sort destiné à être ressemblant à celui des ligues qui l’ont précédé ? Les sceptiques répondront par l’affirmative. Cet article n’a pas vocation à se lancer dans de telles spéculations. Il vise à comprendre les dynamiques en jeu et les processus de remodelage de la géopolitique sous-régionale qui vont en découler. Dans quelle mesure la naissance de l’AES va influencer les relations avec les organisations régionales, CEDEAO et Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).  Quid des équilibres régionaux ? Quelles seront les implications économiques, stratégiques et politiques en Afrique de l’Ouest, surtout en considérant les contraintes géographiques ?  Nous commencerons par une analyse historique du sujet, puis nous développerons les enjeux contemporains, avant d’esquisser des perspectives. Pour guider notre analyse nous allons nous allons nous appuyer sur deux théories des relations internationales : celle de l’école du néoréalisme et celle des systèmes mondiaux. La première postule que les États agissent principalement pour maximiser leur sécurité et leur pouvoir dans un système international anarchique c’est-à-dire dépourvu d’une autorité suprême reconnu par tous. La théorie des systèmes mondiaux d’Immanuel Wallerstein, quant à elle met en exergue le fait que le système mondial est dominé par une économie capitaliste qui divise les pays en centre, semi-périphérie et périphérie. Partant de cela les relations internationales sont caractérisées par des dynamiques d’exploitation et de dépendance.

Une brève histoire ouest-africaine des alliances

   L’Afrique de l’Ouest a connu de nombreuses alliances pour contrer l’impérialisme et mieux associées les forces des États nouvellement indépendant afin de faire face à violence d’un monde injuste caractérisé par des échanges inégaux et la guerre froide.

Le premier de ces regroupements nous reste en souvenir sous la forme du tube Ghana-Guinea-Mali de la star de la musique highlife E.T.Mensah.  Le 23 novembre 1958, un an après l’indépendance du Ghana et moins de deux mois après celle de le Guinée, l’union est scellée. Elle prend le nom d’Union Ghana-Guinée. Le 1er mai 1959, pour marquer son ouverture, l’Union est renommée Union des États africains. Quelques mois plus tard, après sa rupture d’avec le Sénégal, le Mali joignit l’Union. L’Union éclata en 1962, lorsque la Guinée s’est rapproché des États-Unis, contre la ligne marxiste de ses partenaires, qui étaient plutôt orientés vers l’Union soviétique. La Fédération du Mali, créée en 1959, a été une union entre le Sénégal et le Soudan français (actuel Mali) visant à former un État fédéral au moment de l’indépendance. Elle s’est dissoute en 1960 en raison de divergences politiques et administratives entre ses principaux dirigeants (Modibo Keïta, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia) et des manœuvres de l’État colonial français. Pour faire contrepoids à la Fédération du Mali, toujours en 1959, le Conseil de l’Entente à l’initiative de Félix Houphouët Boigny était fondé. Outre la Côte d’Ivoire, le Niger, le Burkina Faso (anciennement Haute-Volta), le Bénin (anciennement Dahomey) et le Togo. Ce regroupement a pour but de à renforcer la coopération économique et politique entre ses membres. S’il est tombé en léthargie, le Conseil de l’Entende n’a jamais été dissous. La Confédération de la Sénégambie, formée en 1982 entre le Sénégal et la Gambie, avait pour objectif d’unifier les politiques économiques et de défense. Cependant, elle a été dissoute en 1989 en raison de tensions politiques, d’un manque de cohésion administrative et surtout des difficultés économiques de l’État sénégalais, qui finançait les institutions confédérales.

La CEDEAO un formidable instrument d’intégration mais miné par les influences extérieures

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée en 1975 pour promouvoir la coopération et l’intégration économique et monétaire. Son acte fondateur a été entériné par 16 États membres. En 2000, la Mauritanie a quitté l’organisation.  Depuis sa création, la CEDEAO a mis en place une zone de libre-échange, un tarif extérieur commun et travaille vers une union douanière complète et une monnaie commune

Elle a également entrepris des projets d’infrastructure pour améliorer la connectivité régionale, intégrer les réseaux énergétiques et de télécommunications, et garantir la libre circulation des personnes. La CEDEAO a également mis en place des structures pour la prévention et la gestion des conflits, la lutte contre le terrorisme, et le développement socio-économique, notamment dans les domaines de l’agriculture, de la santé et de l’éducation. Elle collabore également avec des organisations internationales pour renforcer la coopération régionale et attirer des investissements étrangers. La CEDEAO joue un rôle crucial dans l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), s’inscrivant pleinement dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’UA, qui vise à transformer le continent en une puissance mondiale de l’avenir.

Le Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de 2001, vise à renforcer les principes de gouvernance démocratique dans les États membres. Il réaffirme l’importance de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice, et de la nécessité d’élections libres et transparentes pour toute accession au pouvoir. Le protocole met également l’accent sur la neutralité de l’État en matière religieuse et garantit la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Enfin, il établit des mesures contre la corruption et promeut la lutte contre la pauvreté, tout en encourageant la participation active des femmes et des jeunes dans les processus politiques et sociaux.

Depuis quelques années la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est confrontée à plusieurs défis et tensions internes qui minent son efficacité et sa cohésion.  La région est en proie à des crises dues à divers groupes d’insurgés. Certains d’entre eux revendiquent des affiliations à des groupes djihadistes notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). L’insécurité chronique dans le Sahel et les attaques fréquentes déstabilisent les États membres et compliquent les efforts de coopération régionale. Les coups d’État militaires récents au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger ont profondément perturbé la région. Ces événements ont mis à l’épreuve la capacité de la CEDEAO à maintenir la stabilité, la démocratie et à proposer des solutions politiques de sortie de crise. La réponse de l’organisation à ces coups d’État a été variée, allant de la suspension de membres aux sanctions économiques. Elle a été à la base de la crise de l’organisation avec la sortie dans les prochains mois des trois pays formant l’AES.

L’Alliance des États du Sahel (AES)

L’Alliance des États du Sahel (AES) est un projet politique d’intégration régionale qui a vu le jour dans un contexte de crises multiples au Sahel, notamment l’instabilité politique, les défis sécuritaires et les pressions économiques. L’AES regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des États confrontés à des coups d’État militaires récents et à des menaces terroristes persistantes. L’initiative est née de la volonté de ces pays de renforcer leur coopération pour faire face aux défis communs et affirmer leur souveraineté face aux influences extérieures, notamment de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et des puissances internationales en particulier la France, l’Union européenne et les États Unis.

L’AES se présente comme un projet confédéraliste, visant à renforcer l’autonomie et la coopération entre ses membres. Les principaux objectifs déclinés dans la charte de création :  la sécurité collective (la lutte contre le terrorisme et l’insécurité) par la coordination et la mutualisation des efforts militaires et sécuritaires ; la souveraineté renforcée et l’intégration économique.  L’AES aspire à créer un espace économique commun, favorisant la libre circulation des biens, des services et des personnes entre ses membres. Cela inclut la mise en place de projets d’infrastructure transnationaux et le renforcement des échanges commerciaux intrarégionaux. Ces objectifs ne sont pas en réalité différents que ceux que poursuivent la CEDEAO.

Pour envisager l’avenir de l’Alliance des États du Sahel (AES), il est utile d’analyser cette initiative à travers deux grandes théories des relations internationales : la théorie des systèmes mondiaux d’Immanuel Wallerstein et celle de l’école néoréaliste. Ces deux cadres permettent de comprendre les dynamiques structurelles et les rapports de force qui pourraient influencer le devenir de l’AES.

Selon Wallerstein, le monde est divisé en trois zones : le centre, la semi-périphérie et la périphérie. Les pays du centre dominent l’économie mondiale, tandis que les pays de la périphérie sont exploités pour leurs ressources, subissant les effets de la domination économique et politique des pays du centre. Les pays de la semi-périphérie occupent une position intermédiaire, profitant de certaines marges de manœuvre tout en restant sous l’influence des puissances centrales.

Les États membres de l’AES (Mali, Burkina Faso, Niger) se situent clairement dans la périphérie du système mondial, caractérisés par des économies dépendantes des exportations de matières premières et une dépendance vis-à-vis de l’aide internationale. Cette position périphérique limite leur capacité à influencer les dynamiques globales et les rend vulnérables aux pressions extérieures.

Dans le cadre de la théorie des systèmes mondiaux, l’AES pourrait être vue comme une tentative de ces États périphériques de résister à l’exploitation par les centres de pouvoir mondiaux (notamment les anciennes puissances coloniales comme la France et les institutions financières internationales). En se regroupant, les membres de l’AES cherchent à renforcer leur autonomie et à réduire leur dépendance par rapport au système mondial dominé par les pays occidentaux.

Toutefois ces efforts sont souvent limités par les structures rigides du système mondial qui maintiennent les inégalités entre le centre et la périphérie. Il est donc possible que, malgré leurs efforts, les membres de l’AES continuent de subir les contraintes du système mondial, notamment à travers des sanctions économiques, des pressions politiques internationales, ou l’influence continue des puissances extérieures dans la région.

L’école néoréaliste, notamment incarnée par des théoriciens comme Kenneth Waltz, part du principe que le système international est anarchique, c’est-à-dire qu’il n’existe pas d’autorité supérieure aux États pour réguler leurs interactions. Dans ce contexte, chaque État cherche à maximiser sa sécurité et sa survie, souvent en formant des alliances stratégiques.

L’AES peut être interprétée comme une réponse rationnelle des États membres à un environnement régional marqué par l’insécurité et l’instabilité. En se regroupant, ces États espèrent renforcer leur sécurité collective face aux menaces terroristes, aux ingérences étrangères et aux pressions des organisations régionales comme la CEDEAO. Pour les néoréalistes, cette alliance est donc une tentative de balance of power (équilibre des pouvoirs) visant à contrer l’influence des acteurs plus puissants de la région.

Dans une perspective néoréaliste, la viabilité de l’AES dépendra de la capacité des États membres à maintenir un équilibre interne et à prévenir l’émergence de tensions entre eux. L’alliance pourrait renforcer leur position collective dans un environnement international, mais seulement si les États membres parviennent à coopérer efficacement et à éviter les divisions internes. Cependant, les alliances de ce type sont souvent temporaires et motivées par des intérêts pragmatiques. Si les circonstances changent (par exemple, si l’un des membres de l’AES améliore ses relations avec une puissance extérieure ou si les menaces sécuritaires diminuent), l’alliance pourrait se désagréger. En outre, les États extérieurs à l’AES, percevant cette alliance comme une menace potentielle, pourraient chercher à la diviser ou à la neutraliser par des moyens diplomatiques ou économiques.

L’Alliance des États du Sahel : entre défiance et stratégies politiques

La formation de l’AES représente une réponse collective face aux sanctions imposées par la CEDEAO. Toutefois, derrière la rhétorique de défiance affichée par ces pays à l’égard de la CEDEAO, se cachent des dynamiques complexes et des enjeux stratégiques profonds. Dans leur communication, les membres de l’AES annoncent tourner le dos à la CEDEAO, affirmant ainsi leur volonté de rompre avec une organisation perçue comme un instrument d’influence étrangère, notamment française. Cependant, cette posture semble quelque peu paradoxale. En effet, si la CEDEAO a effectivement prononcé des sanctions à l’encontre de ces pays, les mesures les plus sévères ont été imposées par l’UEMOA, une organisation régionale économique et monétaire à laquelle ils sont également affiliés. Pour le Niger, des sanctions inédites ont été prises. En contradiction avec les textes fondateurs de l’UEMOA, le gel des avoirs du pays à la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a été ordonné.

En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l’AES semblent détourner l’attention du véritable contentieux : leur appartenance à l’UEMOA et, par extension, leur utilisation du franc CFA. Cette monnaie, symbole de l’influence persistante de la France en Afrique de l’Ouest, est au cœur des critiques de ceux qui appellent à une émancipation économique. La question se pose donc : les États membres de l’AES envisagent-ils de quitter l’UEMOA et de créer une nouvelle monnaie pour affirmer davantage leur indépendance ? Une telle décision serait lourde de conséquences économiques, mais pourrait également marquer un tournant dans les relations de ces pays avec la France et les autres puissances régionales notamment la Côte d’Ivoire.

                                                    Une stratégie à double tranchant

Quitter la CEDEAO n’est pas sans précédent. La Mauritanie, par exemple, a quitté l’organisation en 2000, marquant ainsi son désaccord avec certaines de ses orientations. Toutefois, les membres de l’AES doivent se méfier des répercussions régionales d’une telle démarche. Depuis 2017, le Maroc, une puissance régionale ambitieuse, cherche à intégrer la CEDEAO. Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso pourrait ouvrir la voie à l’adhésion du Maroc, modifiant ainsi les équilibres géopolitiques de la région. Dans un tel scénario, quelle serait la stratégie de l’AES ? Pourrait-elle envisager de se rapprocher de l’Algérie, une autre puissance régionale ?

Un rapprochement avec l’Algérie, un acteur économique, démographique et militaire majeur, pourrait renforcer l’AES. Cependant, les relations entre le Mali et l’Algérie sont historiquement ambivalentes, marquées par une méfiance réciproque. Si l’Algérie rejoignait l’alliance, elle exercerait inévitablement un leadership en raison de sa puissance relative, ce qui pourrait créer des tensions au sein de l’AES. Le Mali, en particulier, pourrait hésiter à accepter un partenaire aussi influent, craignant une dilution de son propre pouvoir dans une alliance dominée par un voisin puissant.

                         Opportunités régionales : changement de régime au Sénégal et neutralité du Togo

La configuration actuelle au sein de la CEDEAO offre cependant de nouvelles opportunités aux membres de l’AES. Le changement de régime au Sénégal, un acteur clé de la CEDEAO, pourrait redéfinir les équilibres politiques au sein de l’organisation. Le nouveau gouvernement sénégalais a déjà annoncé qu’il aura une posture moins alignée sur les positions traditionnelles de la CEDEAO. Cela offre un espace de manœuvre aux pays sahéliens pour influencer les décisions au sein de l’organisation. De plus, la neutralité bienveillante affichée par le Togo dans les récents conflits au sein de la CEDEAO pourrait être un levier stratégique pour l’AES. Le Ghana et le Nigeria n’ont aucun intérêt à un affaiblissement de la CEDEAO. En s’alliant à des États qui partagent une vision plus flexible et moins interventionniste, le Mali, le Niger et le Burkina Faso pourraient changer la donne au sein de la CEDEAO, en favorisant une approche plus respectueuse de la souveraineté des États et en limitant l’influence des puissances extérieures.

Les implications géopolitiques de l’AES : quels scénarios pour l’avenir ?

La création de l’AES a des implications géopolitiques importantes, tant au niveau régional qu’international. Elle modifie les rapports de force, les alliances et les rivalités entre les acteurs. Elle ouvre également des opportunités et des risques pour le développement, la sécurité et la coopération. On peut envisager trois scénarios possibles pour l’avenir :

  • Un scénario optimiste, dans lequel l’AES réussit à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l’Ouest. Elle parvient à vaincre le terrorisme, à réduire la pauvreté, à diversifier son économie et à renforcer sa démocratie. Elle entretient des relations pacifiques et constructives avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l’UEMOA, ainsi qu’avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle contribue à la stabilité et au développement du continent africain.
  • Un scénario pessimiste, dans lequel l’AES échoue à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l’Ouest. Elle est confrontée à des tensions internes, à des crises politiques, à des conflits et à des coups d’État. Elle est également victime de la pression et de la concurrence des autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l’UEMOA, ainsi que des ingérences et des manipulations des partenaires internationaux, notamment la France, l’Union européenne et les États-Unis. Elle devient un facteur d’instabilité et de sous-développement du continent africain.
  • Un scénario intermédiaire, dans lequel l’AES connaît des succès et des échecs, des avancées et des reculs, des opportunités et des risques. Elle réalise des progrès dans certains domaines, tels que la sécurité, le commerce ou la culture, mais elle rencontre des difficultés dans d’autres, tels que le social ou l’environnement. Elle entretient des relations ambivalentes et fluctuantes avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l’UEMOA, ainsi qu’avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle a un impact mitigé sur la stabilité et le développement du continent africain.

Ces scénarios ne sont pas exclusifs, ni exhaustifs, ni prédictifs. Ils sont simplement des outils d’analyse et de réflexion, qui permettent d’explorer les différentes hypothèses et les différents enjeux liés à la création de l’AES. Ils invitent également à se poser des questions et à proposer des solutions, pour que l’AES soit un projet porteur d’espoir et de progrès, non seulement pour les pays du Sahel, mais aussi pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et du continent africain.

Conclusion

Si elle se concrétise, la formation de l’Alliance des États du Sahel (AES) marquera une rupture significative avec l’ordre régional établi par la CEDEAO et représentera une tentative de réinventer la géopolitique en Afrique de l’Ouest. Née d’un contexte de crises sécuritaires, politiques et économiques, cette alliance reflète le désir des États membres de renforcer leur souveraineté face aux influences extérieures et de trouver des solutions régionales à des problèmes complexes. Cependant, l’AES se heurte à des défis considérables, notamment les pressions internationales, leur enclavement, les risques d’isolement économique, et les tensions internes qui pourraient émerger entre ses membres.

La sortie des pays membres de l’AES de la CEDEAO entraînera des répercussions profondes sur les plans politique, économique et sécuritaire. Politiquement, elle redéfinira les alliances dans la région et ouvrira la voie à une influence accrue des puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine. De même, elle marquera le déclin de l’influence française. Économiquement, cette décision pourrait perturber les échanges commerciaux intrarégionaux et compromettre l’accès aux programmes de développement et aux aides internationales, essentiels pour ces pays.

Sur le plan sécuritaire, la sortie de la CEDEAO pourrait modifier les dynamiques migratoires et affecter la lutte contre le terrorisme. Les États membres de l’AES devront trouver de nouveaux moyens de coopérer sur ces questions, en dehors des cadres traditionnels offerts par la CEDEAO. L’AES pourrait ainsi se retrouver à devoir assumer des responsabilités supplémentaires en matière de sécurité régionale, tout en gérant les défis économiques et politiques associés à leur nouvel isolement relatif.

Bibliographie

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3. Mensah, E. T. (1958). Ghana-Guinée-Mali [Enregistrement musical]. Musique Highlife.

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5. CEDEAO. (1975). Traité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Lagos, Nigeria.

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