Loi de finances 2026 : la fin silencieuse des fonds politiques

La Loi de finances 2026 marque un pas décisif vers la vérité budgétaire : elle rompt avec les zones d’ombre et les pratiques discrétionnaires du passé. Aucune ligne ne renvoie plus à des « fonds politiques » ; toutes les ressources publiques sont désormais intégrées et soumises aux mêmes règles de traçabilité.

Sobre, mais profonde, cette réforme met fin à un mode de gestion échappant au contrôle démocratique. Elle instaure une nouvelle philosophie : un État comptable devant le peuple, où la transparence devient méthode. Elle apparaît ainsi comme un acte de souveraineté morale, libérant l’administration des réflexes du passé.

Les faits, eux, racontent une autre réalité.

L’examen du Projet de Loi de Finances pour 2026 et de son Annexe « Voies et Moyens », documents publics déposés à l’Assemblée nationale, montre qu’aucune ligne budgétaire n’est identifiée comme « fonds politiques », « fonds spéciaux » ou « dotations discrétionnaires ».

Les crédits affectés à la Présidence de la République, à la Primature et aux institutions constitutionnelles sont regroupés dans une rubrique globale intitulée « Dotations aux institutions », pour un montant de 316,48 milliards FCFA en autorisations d’engagement et 277,38 milliards FCFA en crédits de paiement.

Cette dotation n’a donc aucun caractère secret : elle correspond aux moyens de fonctionnement et d’investissement de la Présidence, de la Primature, de l’Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel, de la Cour suprême, de la Cour des comptes, etc. C’est un budget institutionnel, pas une caisse politique.

Une rupture dans la culture de l’opacité

Sous les régimes précédents, les « fonds politiques » étaient une réalité : des crédits versés directement à la Présidence ou à la Primature pouvaient être dépensés sans justificatifs, au nom des « nécessités d’État » ou des « dépenses de souveraineté ». La réforme budgétaire engagée depuis avril 2024 a mis fin à cette zone d’ombre. Les dotations globales sont désormais soumises aux mêmes règles de justification que toutes les autres dépenses, les ordonnateurs et comptables publics sont tenus de produire des pièces de traçabilité dans le SIGIF (Système intégré de gestion des finances publiques), et la Cour des comptes est habilitée à auditer l’exécution des budgets institutionnels.

Cette transformation n’est pas seulement comptable : elle est politique. Elle traduit la volonté du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko de rompre avec le régime de l’impunité financière qui a longtemps discrédité la gestion publique.

La « vérité budgétaire », proclamée par le Premier ministre Ousmane Sonko dès le 26 septembre 2024, lors de la révélation publique de la dette cachée, a ensuite été inscrite dans la Déclaration de politique générale présentée devant l’Assemblée nationale après les élections législatives du 17 novembre. Elle ne se limite pas à la dette héritée : elle s’étend à la fin des dépenses occultes et à la transparence intégrale de l’action publique.

Une transparence à consolider

Certes, la dotation aux institutions reste globale dans la présentation budgétaire ; elle ne détaille pas, pour chaque entité, la répartition entre salaires, fonctionnement, équipement ou communication. Mais cette globalisation relève d’une structure technique (comme dans la plupart des pays) et non d’un secret politique.

Le contrôle parlementaire, le rapport trimestriel d’exécution budgétaire et les audits externes permettent désormais d’en suivre l’usage. Les institutions ne disposent donc plus de fonds « hors budget », encore moins de crédits discrétionnaires.

C’est là une évolution silencieuse, mais décisive : elle ferme la porte à une pratique qui, sous le couvert de la raison d’État, entretenait la confusion entre pouvoir public et avantage personnel.

Une réforme morale autant que financière

En vérité, le débat sur les « fonds politiques » illustre un choc de culture entre deux conceptions de l’État. D’un côté, une logique de gestion personnalisée, où les institutions s’autorisent des dépenses non justifiées au nom de la souveraineté. De l’autre, une logique de transparence et de responsabilité, où chaque franc public doit être justifié, traçable, et orienté vers l’intérêt collectif.

La Loi des finances 2026, prolongement direct de la vérité des comptes, traduit cette deuxième vision. Le pouvoir n’a plus de caisses noires. Il a désormais des comptes clairs.