
Sous le sceau de la transparence, le budget 2026 trace la ligne de crête entre la rigueur comptable et la justice sociale. La vérité des chiffres ne suffira pas : elle devra se traduire en bien-être, en écoles construites, en hôpitaux dignes. Car un budget peut être sincère sans être juste — et la sincérité, seule, ne nourrit pas le peuple.
Le Projet de Loi de Finances 2026 n’est pas un simple document comptable : c’est un acte politique majeur. Il symbolise la volonté du gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko de tourner la page d’une décennie d’opacité budgétaire et de reconstruire la République sur la base d’un principe cardinal : la vérité.
Après la révélation de la dette cachée — 4 300 milliards FCFA hors budget, faisant passer l’endettement réel du pays de 77 % à près de 130 % du PIB selon les audits ultérieurs — le Sénégal a dû choisir entre la fuite en avant et la lucidité
Le budget 2026, arrêté à 7 434 milliards FCFA de dépenses pour 6 189 milliards de recettes, traduit cette orientation. L’État entend ramener le déficit à 5,37 % du PIB avant de retrouver la norme communautaire de 3 % en 2027. C’est le second jalon du Plan de redressement économique et social (PRES — « Jubbanti Koom »), arrimé à la Stratégie nationale de Développement (SND 2025-2029) et à la Vision Sénégal 2050.
Derrière la technicité budgétaire se profile une ambition claire : financer la souveraineté par les ressources nationales, non par la dette extérieure. La réforme fiscale, fondée sur la révision du Code des impôts et des douanes, vise à générer plus de 760 milliards FCFA de recettes nouvelles en 2026.
Mais cette révolution silencieuse se heurte à des obstacles bien réels.
Les pièges de l’exécution
Le premier écueil est budgétaire. Le redressement s’effectue sous contrainte : un service de la dette écrasant, des arriérés intérieurs à apurer, et des besoins sociaux immenses. La marge de manœuvre est étroite. Si la collecte fiscale ne suit pas, le risque est grand que l’investissement public soit sacrifié sur l’autel de la consolidation.
Le second écueil est administratif. Le Sénégal n’a pas encore une machine publique à la hauteur de ses ambitions. Les retards dans la mise en œuvre du système intégré de gestion (SIGIF), les lenteurs de passation de marchés et la fragmentation entre services risquent de compromettre la qualité de l’exécution. Le danger est connu : des crédits votés, mais non consommés, des promesses visibles seulement sur papier.
Enfin, le contexte social demeure fragile. Après la victoire démocratique du 24 mars 2024, les attentes populaires sont immenses. Le peuple veut voir, vite. Or, la rigueur budgétaire, si elle n’est pas accompagnée d’une pédagogie politique et d’une redistribution tangible, peut être perçue comme une austérité masquée.
La vérité budgétaire ne suffira pas : elle devra devenir une vérité vécue.
Les forces de progrès à la manœuvre
Dans cette phase cruciale, les forces de progrès — PASTEF, syndicats, mouvements citoyens, intellectuels et diaspora — doivent jouer un rôle déterminant.
Elles ne doivent ni se taire par loyalisme ni fragiliser la refondation par impatience. Leur responsabilité est d’accompagner le redressement sans renoncer à la justice sociale.
D’abord, en faisant vivre la pédagogie du redressement. Il faut expliquer que la rigueur actuelle n’est pas une punition, mais une condition d’indépendance. C’est par la sincérité des comptes que le pays recouvrera sa dignité économique.
Ensuite, en veillant à la cohérence sociale du budget. La souveraineté financière n’aura de sens que si elle se traduit par des politiques visibles : santé gratuite, éducation publique rénovée, emploi des jeunes, réindustrialisation.
Enfin, en transformant la souveraineté budgétaire en souveraineté productive. Car le vrai défi n’est pas seulement de lever des recettes, mais de bâtir une économie de valeur ajoutée, fondée sur le travail, la transformation locale et l’innovation.
Entre vérité et justice
Le budget 2026 est une promesse : celle d’un État qui se redresse et d’une Nation qui se regarde enfin en face. Mais cette promesse ne tiendra que si la transparence ne devient pas un dogme froid, et si la rigueur reste au service du peuple.
Les forces de progrès devront être la conscience vigilante de cette révolution budgétaire : soutenir la discipline sans renoncer à l’égalité, exiger la sincérité sans abandonner la solidarité.
Car un budget peut être exact sans être juste ; il ne sera souverain que lorsqu’il servira la dignité du plus grand nombre.
