
Macky Sall doute encore de ce que tout le monde sait. L’ancien président, qui prêchait la transparence, réclame aujourd’hui les preuves de la dette cachée qu’il niait hier. Simple geste d’incrédulité ou, plus vraisemblablement, manœuvre de défense anticipée ? Entre complotisme feutré et foi du déni, le « retour de Saint-Thomas » vire au parjure.
Ainsi donc, l’ancien président Macky Sall a pris sa plume. Il a écrit au ministre des Finances et au président de la Cour des comptes pour réclamer les documents relatifs à la dette cachée. À lire sa lettre, on se demande s’il agit en complotiste contrarié ou en Saint Thomas de la République : il ne croit que ce qu’il touche. Mais ce geste, en apparence légitime, est lourd de sous-entendus politiques. Il ouvre même une brèche majeure : celle de sa future mise en accusation pour haute trahison.
Car enfin, que cherche Macky Sall ? Accéder à des pièces auxquelles il n’a plus vocation à avoir accès — sauf en qualité de mis en cause. Il n’est plus chef de l’État, n’en déplaise à ses réflexes de monarque. Ce qu’il revendique comme un droit à l’information ressemble fort à une tentative de défense anticipée, une main tendue au juge de l’histoire avant que celui de la Haute Cour de justice ne se saisisse du dossier.
Le prestidigitateur face aux faits têtus
« Une dette publique ne peut être cachée », affirma-t-il il y a une dizaine de jours, tel un prestidigitateur contrarié. Or, les faits sont têtus : l’Inspection générale des finances, la Cour des comptes, un audit privé international, sans oublier le FMI lui-même, ont tous reconnu l’existence d’engagements hors bilan, de garanties souveraines occultes, de passifs dissimulés.
C’est donc moins un débat que Macky Sall rouvre qu’un procès : celui de sa crédibilité. L’homme qui niait l’évidence se découvre soudain passionné par les archives. Il réclame des preuves que tout le monde a déjà vues — sauf lui, dit-il. La dette cachée ne relève plus du mystère : elle constitue un crime comptable d’État. Et il en fut le principal ordonnateur.
De la dénégation à la mise en cause
Ce soudain accès de curiosité serait presque risible s’il ne trahissait pas une inquiétude feutrée. En écrivant au ministre, Macky Sall franchit une ligne : celle qui sépare l’ancien président du justiciable. Il s’invite dans un dossier judiciaire et financier où son nom revient en écho, non comme témoin, mais comme auteur présumé d’une dissimulation massive — un aveu d’intérêt personnel, en somme.
S’interroger sur cette dette, c’est son droit ; tenter d’en manipuler la lecture, c’est un abus. Hier encore, il vantait la transparence ; aujourd’hui, il réclame l’accès aux pièces qu’il contribua lui-même à soustraire au contrôle démocratique. Mais on ne visite pas les coffres du Trésor comme on relit ses Mémoires.
Dans cette lettre transparaît la même arrogance tranquille que dans ses discours : le refus obstiné de reconnaître la faillite morale d’un système qu’il a incarné. Le parjure n’est plus une tentation, c’est désormais un refuge.
