
Nous passons près d’un tiers de notre vie à dormir, et pourtant le sommeil reste l’un des grands oubliés de la santé publique. Le sommeil n’est pas une simple pause : c’est une fonction biologique essentielle, comparable à la respiration ou à l’alimentation. Pendant la nuit, notre organisme régénère ses cellules, consolide la mémoire, renforce les défenses immunitaires et équilibre les systèmes hormonaux. Un adulte a besoin en moyenne de sept à huit heures de sommeil par nuit, mais les besoins varient selon l’âge, l’activité et la constitution de chacun.
Pourquoi dort-on mal ?
Les troubles du sommeil sont devenus une véritable épidémie moderne. Stress, surmenage, usage excessif des écrans, rythmes de travail décalés, bruit et pollution lumineuse perturbent nos nuits. À ces facteurs environnementaux s’ajoutent des pathologies spécifiques comme l’insomnie chronique, l’apnée du sommeil, ou encore le syndrome des jambes sans repos[1]. Selon des travaux épidémiologiques récents, environ 10 % des adultes souffrent d’un véritable trouble de l’insomnie, tandis qu’un adulte sur cinq présente régulièrement des symptômes d’insomnie occasionnelle[2]. Ces difficultés de sommeil ont un impact direct sur la concentration, l’humeur, la productivité et, à long terme, la santé cardiovasculaire et métabolique.
Quels signes doivent alerter ?
La somnolence diurne excessive, les réveils fréquents, la difficulté à s’endormir ou le sentiment de ne pas être reposé au réveil sont des signaux d’alerte. Le manque de sommeil chronique ne se traduit pas seulement par de la fatigue : il augmente les risques d’obésité, de diabète, d’hypertension artérielle et de dépression. Des études montrent qu’une dette de sommeil chronique affaiblit le système immunitaire, rendant l’organisme plus vulnérable aux infections.
Que faire pour mieux dormir ?
La clé réside dans l’hygiène du sommeil, que les spécialistes appellent aussi « hygiène circadienne ». Il s’agit de retrouver une régularité : se coucher et se lever à heures fixes, même le week-end ; bannir les écrans au moins une heure avant de se coucher ; privilégier des activités calmes en soirée ; créer un environnement propice (silence, obscurité, température autour de 18 °C). Mais il faut aussi rappeler que, dans nos sociétés, ces conditions idéales sont étroitement corrélées aux conditions matérielles de vie : l’espace du logement, la qualité de l’habitat, le niveau de bruit ou encore la sécurité du quartier influencent directement la possibilité de bien dormir. L’alimentation joue aussi un rôle : éviter l’excès de caféine, d’alcool et de repas lourds avant le coucher. L’activité physique régulière, pratiquée dans la journée, améliore la qualité du sommeil, mais une séance intense tard le soir peut avoir l’effet inverse.
Un enjeu de société
Le sommeil ne relève pas seulement de la responsabilité individuelle. Dans un monde où le travail de nuit, la connectivité permanente et la pression de la performance dictent les rythmes de vie, mal dormir est devenu presque normalisé. Pourtant, c’est une question de santé publique. Les politiques de prévention devraient intégrer le sommeil au même titre que la nutrition ou l’activité physique. Mieux dormir, c’est vivre plus longtemps, mais aussi mieux vivre chaque jour.
Il est temps de considérer le sommeil comme un droit fondamental de santé, et non comme un luxe. Dormir n’est pas perdre du temps : c’est investir dans la clarté de l’esprit, la vitalité du corps et la sérénité de l’existence.
[1] Le syndrome des jambes sans repos (impatiences) se traduit par des picotements et un besoin de mouvement des jambes, survenant plutôt le soir et la nuit.
[2] Morin, C. M., & Jarrin, D. C. (2022). Epidemiology of insomnia: prevalence, course, risk factors, and public health burden. Sleep medicine clinics, 17(2), 173-191.
