
La révolution démocratique sénégalaise du 24 mars 2024 n’a pas seulement bouleversé le pouvoir politique. Elle a déclenché une bataille du narratif, où les mots, les images et les récits sont devenus des armes. Dans un espace médiatique dominé depuis des décennies par une caste d’éditocrates liés à l’ancien régime, des voix continuent de se poser en arbitres du débat public. Mais en réalité, ces commentateurs jouent le rôle de vigiles du statu quo : ils vocifèrent contre le changement et protègent les intérêts menacés. Leur objectif est clair : délégitimer le discours souverainiste en le réduisant à du populisme ou à une menace pour la démocratie.
Un espace médiatique verrouillé
Depuis 2021, chaque avancée du camp souverainiste a été suivie d’une offensive médiatique anti-PASTEF. On parle de « vacarme », de « fascisme rampant », de « dérive autoritaire ». Ces vigiles du statu quo se présentent comme défenseurs de la République et de l’État de droit, mais leur indignation est sélective : elle s’élève aujourd’hui contre un pouvoir issu du peuple, mais elle restait silencieuse lorsque la justice servait d’instrument pour écarter les opposants, lorsque les libertés étaient muselées ou lorsque des manifestants tombaient sous les balles en mars 2021, juin 2022, juin 2023 et février 2024.
Ce renversement sémantique est révélateur. L’aspiration à la souveraineté sénégalaise, portée par PASTEF et ses alliés, n’est pas décrite comme un projet de libération, mais comme une menace. Ce n’est pas la République qu’ils défendent, c’est la continuité d’un système de dépendance.
Démasquer les ressorts idéologiques
Leur discours se nourrit d’abord d’une peur des masses : lorsqu’ils parlent de « misérabilisme », ce n’est pas la misère qu’ils nient, mais la dignité de ceux qui refusent l’exil forcé et l’humiliation de la pauvreté. Dans leurs lignes, les cris de la jeunesse ne sont pas une revendication légitime, mais un vacarme menaçant.
À cette peur des masses s’ajoute une sacralisation des institutions figées : ils invoquent l’État de droit comme une incantation, mais c’est bien l’injustice qu’ils défendent lorsqu’ils pleurent sur une justice qui, hier, servait d’arme pour exclure et réprimer.
Enfin, leur arme favorite reste la diabolisation de la rupture. Ils agitent l’épouvantail du fascisme pour faire croire que l’émancipation souverainiste serait une tyrannie en gestation. Mais l’histoire nous a déjà livré ce refrain : Thomas Sankara fut traité de démagogue, Patrice Lumumba de communiste dangereux, Amílcar Cabral d’agité. Or Sankara nous a appris à ne pas céder à ces anathèmes :
« Nous devons oser inventer l’avenir. » — Thomas Sankara
Ceux qui osent inventer sont toujours caricaturés en fauteurs de troubles par ceux qui craignent de perdre leurs privilèges. En vérité, les vigiles du statu quo ne défendent pas un idéal républicain universel. Ils défendent leur monde, leur confort, leur statut, et s’indignent de voir le peuple entrer enfin dans l’histoire par ses propres forces.
Stratégies de contre-discours
Face à ces offensives médiatiques, le camp de la souveraineté populaire doit imposer un récit nouveau, capable de déconstruire les caricatures et de donner confiance au peuple. Cela passe d’abord par une pédagogie populaire, qui explique sans détour pourquoi il faut assainir les finances publiques, réorienter la dépense nationale, ou encore renforcer la coopération avec nos voisins africains. Comme l’a affirmé le Premier ministre Ousmane Sonko le 1er août 2025 :
« La souveraineté n’est pas un slogan, c’est une exigence vitale pour notre peuple. » — Ousmane Sonko
La révolution n’existe pas si elle ne sait pas se dire. C’est pourquoi il faut occuper le terrain de la parole : investir les réseaux sociaux, créer de nouveaux médias panafricanistes, multiplier les espaces où le peuple forge son propre langage.
Mais ce travail exige aussi de renouer avec la mémoire des luttes. Convoquer Lat Dior, Djignabo Bassène, Aline Sitoé Diatta, Omar Blondin Diop, Idrissa Sagna, Cheikh Wade, François Mancabou, Baba Kana et tant d’autres rappelle que l’histoire du Sénégal est faite de résistances populaires autant que de compromis élitaires.
Enfin, ce récit doit s’internationaliser et s’inscrire dans le combat panafricain. Frantz Fanon nous a laissé cet avertissement :
« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » — Frantz Fanon
Notre génération a découvert la sienne : affranchir nos peuples de la dépendance économique et politique. À nous de la remplir, contre toutes les campagnes de peur.
Un langage souverainiste pour l’avenir
La bataille du narratif est décisive. Tant que les vigiles du statu quo tiendront le haut du pavé médiatique, ils tenteront d’enfermer le peuple dans une culpabilité permanente : coupable d’être jeune, coupable d’être pauvre, coupable de vouloir changer les choses. Mais la révolution sénégalaise 2024 a ouvert une brèche. Elle a montré que les mots du peuple pouvaient vaincre les anathèmes de l’élite.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de gouverner, mais d’inventer un discours souverainiste qui donne confiance au peuple et qui résiste aux caricatures. C’est à ce prix que la révolution s’enracinera. Et cette fois-ci, malgré les cris des vigiles, la caravane du peuple ne s’arrêtera pas.
