
Les derniers jours ont fait retentir un tocsin économique inquiétant : Standard & Poor’s vient de dégrader la note souveraine du Sénégal de B à B —, aggravant une perspective déjà sombre sur notre capacité à maîtriser l’endettement public. Ce déclassement s’appuie sur un audit alarmant révélant une dette culminant à 118 % du PIB, la plus élevée jamais enregistrée dans notre histoire récente. Face à ces lendemains difficiles qui s’annoncent, il serait irresponsable de ne pas interroger les errements, les dissimulations et les pratiques de mauvaise gouvernance qui nous ont conduits à une telle situation.
Un gouffre financier hérité, des responsabilités à situer
L’heure n’est certainement pas à une réconciliation qui sacrifierait le nécessaire devoir de vérité et de justice au nom d’une hypothétique paix sociale. L’audit sur la dette cachée doit marquer le début d’un processus d’assainissement réel et profond. Il doit identifier clairement les responsables de cette dérive budgétaire, qui a compromis non seulement notre crédibilité internationale, mais également notre souveraineté financière et économique. Le peuple sénégalais mérite de savoir comment, pourquoi et surtout par qui notre pays a été conduit au bord du précipice financier ?
Dans ce contexte délicat, le plan de relance du gouvernement doit être à la hauteur des enjeux, en se gardant de mesures simplistes ou d’économies contreproductives. Si une rationalisation des dépenses publiques est inévitable, elle ne peut pas se faire aux dépens des transferts sociaux indispensables à la cohésion nationale, notamment les bourses étudiantes et de sécurité familiale, les dépenses de soins de santé primaire, les subventions à impact social juste. L’approche exposée récemment par le ministre de l’Enseignement supérieur Abdourahmane Diouf, consistant à remettre en cause l’attribution généralisée des bourses étudiantes sous prétexte d’économies budgétaires, est à cet égard profondément erronée et socialement risquée. Les chiffres avancés par le ministre, bien qu’importants, ne doivent pas masquer la dimension cruciale de ces bourses comme amortisseur social majeur.
Ne pas confondre rigueur budgétaire et punition sociale
Réduire drastiquement les bourses, c’est méconnaître la réalité économique et sociale du Sénégal. Ces aides ne constituent pas un luxe, mais un revenu vital distribué à des familles entières qui en dépendent pour leur subsistance quotidienne. Certes, l’université sénégalaise accueille plus de jeunes que le marché du travail ne peut immédiatement absorber, créant une forme de chômage caché. Mais fermer brutalement ce robinet équivaut à jeter dans les rues des cohortes de jeunes sans perspectives ni espoir. On risquerait alors de les voir glisser vers des aventures périlleuses, menaçant la sécurité collective et compromettant la stabilité sociale à laquelle nous tenons tant.
Taxer mieux, ne pas couper plus : pour une réforme juste et durable
Plutôt que de s’attaquer frontalement à ces transferts sociaux indispensables, il serait bien plus judicieux d’élargir l’assiette fiscale de manière équitable et juste. Il est urgent d’impliquer davantage ceux qui accumulent d’importantes richesses sans participer proportionnellement au financement des services publics et des politiques sociales. Voilà une véritable voie de réforme : juste, nécessaire, et socialement acceptable.
Face aux défis qui nous attendent, nous ne devons pas nous tromper de cible. Le vrai problème n’est pas dans les dépenses sociales, mais bien dans les défaillances institutionnelles et l’opacité financière qui ont miné notre système économique depuis des années. Rétablir la confiance et la justice économique doit être notre priorité. Ce n’est qu’à ce prix que le Sénégal pourra véritablement affronter les difficultés présentes et se construire un avenir durable et équitable.
