Notre dette, leur profit : à qui sert vraiment le CFA ?

Depuis quelques semaines, la polémique enfle sur l’état des finances publiques sénégalaises et des relations du pays avec le FMI. Au-delà des errements passés du régime de démission nationale de Macky Sall et la dette abyssale qu’il nous a légué, le Sénégal est prisonnier d’un carcan monétaire qui l’empêche de respirer, de produire, d’investir et d’être souverain. Le franc CFA — arrimé à un euro trop fort pour notre tissu économique — sert d’abord les intérêts de ceux qui importent, transfèrent ou spéculent. Il ne parle ni le wolof du petit producteur, ni le pulaar de la marchande, ni le joola budgétaire de la souveraineté populaire.

Un euro fort, une dette alourdie

Dans ce contexte, le retard de décaissement du FMI devient un symptôme révélateur. Il pertube les équilibres budgétaires, car le Sénégal dépend de financements extérieurs pour certaines dépenses. Mais cette dette est en grande partie libellée en devises. Résultat : plus l’euro est fort, plus nous nous endettons. Et avec une monnaie surévaluée, impossible de relancer les exportations ou de soutenir les industries locales. La dette croît, les recettes stagnent, et la marge d’action budgétaire fond comme beurre au soleil.

Le franc CFA nous empêche de piloter notre propre trajectoire. Il interdit la dévaluation stratégique, bloque toute politique monétaire autonome, et transforme nos démocraties en chambres d’enregistrement des décisions prises à Washington ou à Paris. Ce n’est pas une monnaie, c’est une laisse. Et les chocs exogènes — comme l’arrêt d’un programme FMI ou la hausse des taux de la BCE — nous rappellent brutalement cette dépendance.

Pour une souveraineté monétaire panafricaine

À qui profite donc ce système ? Aux importateurs de produits européens. Aux entreprises étrangères qui rapatrient leurs bénéfices sans risque de change. Aux élites locales qui épargnent en devises et consomment hors-sol. Mais certainement pas aux jeunes qui cherchent un emploi dans l’agro-industrie ni aux artisans étranglés par les coûts des intrants.

Face à cela, la solution ne réside ni dans la nostalgie ni dans l’improvisation. Il est urgent de penser une alternative monétaire panafricaine, adossée à nos réalités productives. Cela passe par la rupture avec l’arrimage fixe à l’euro, la construction d’un mécanisme régional de solidarité monétaire, et le renforcement des banques de développement africaines.

Nous ne plaidons pas pour l’isolement, mais pour la liberté. Car la souveraineté monétaire est une condition sine qua non de la souveraineté politique. Le franc CFA fort, dans un pays aux finances fragiles, c’est l’arrogance d’un système qui méprise les peuples.

Dans cette bataille, PASTEF a une responsabilité historique. Il ne suffit pas de dénoncer les anciennes dépendances : il faut en sortir. Cela exige courage politique, pédagogie populaire et audace stratégique. Le peuple sénégalais a montré en mars 2024 qu’il était prêt pour une rupture. À PASTEF de faire œuvre de clarté, d’entraîner la société dans ce combat décisif pour la reconquête de notre dignité économique. La souveraineté ne se décrète pas : elle se construit, se conquiert, et surtout, elle se mérite.

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Auteur : Félix Atchadé

Je suis médecin, spécialiste de Santé Publique et d’Éthique Médicale. Je travaille sur les questions d’équité et de justice sociale dans les systèmes de santé. Militant politique, je participe à l'oeuvre de refondation de la gauche sénégalaise.

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