
Il y a des communiqués qui valent leur pesant de cacahuètes, d’autres leur poids en plumes de poussin. Celui du Secrétariat exécutif national de l’APR, publié suite à la réaction d’Ousmane Sonko après la confirmation de sa condamnation pour diffamation par la Cour suprême, relève d’un genre littéraire bien particulier : la satire involontaire. Si le ridicule tuait, il aurait fallu déclarer un deuil national.
Passons sur le fait que ce communiqué émane d’un parti que les Sénégalais ont massivement congédié et qui ne s’est jamais remis de cette gifle électorale. Là où l’APR excelle, c’est dans l’art de travestir l’histoire immédiate : elle parle d’une Cour suprême qui « condamne définitivement Ousmane Sonko », comme si cette juridiction, longtemps muette sur les barbouzeries judiciaires, n’avait pas validé une opération cousue de fil blanc pour écarter un adversaire trop populaire. La même Cour qui, dans une parfaite cohérence, a ignoré les irrégularités du procès initial, les violations des droits d’Ousmane Sonko en appel, et a activement participé à son exclusion arbitraire de la présidentielle. Il ne manquait plus qu’elle lui décerne une médaille pour service rendu à la diversion.
Les pyromanes en costume de pompiers
Quant au reste du communiqué, il faut saluer l’exercice de projection psychologique : des gens qui ont géré pendant douze ans à coups de passe-droits, de marchés gré à gré, de détournements savamment organisés, et de gouvernance opaque, osent parler « d’incompétence chronique » et « d’impuissance à impulser une action gouvernementale efficace ». Pour qui nous prend-on ? Serait-ce une nouvelle forme d’humour ? Ou l’ultime symptôme de l’addiction au pouvoir perdu, qui fait prendre des vessies pour des lanternes et les huées populaires pour des standing ovations diplomatiques ?
Et que dire de l’accusation de « clochardisation des institutions » lancée à l’endroit du PASTEF, par un parti dont le legs institutionnel se résume à une Assemblée muselée, un Conseil constitutionnel au service du tri des candidatures. À ce rythme, il ne reste plus à l’APR qu’à organiser un colloque sur la vertu en politique et à confier la présidence d’honneur à… George Santos, ce député américain radié pour avoir menti sur absolument tout, de son CV à sa biographie familiale.
La parole libre, ce cauchemar des anciens princes
La perle du texte reste cependant cette trouvaille sémantique : « l’opposition au pouvoir ». L’APR semble découvrir que la parole libre dérange plus que les arrangements opaques. Que la transparence fait davantage transpirer que la gestion clientéliste ! Que oui, en démocratie, on peut gouverner et rester critique d’un système qu’on réforme, surtout lorsqu’il a été pourri jusqu’à l’os par douze années d’une gouvernance qui, à défaut de briller par la performance, excellait dans l’art du népotisme et du bâillonnent des libertés.
Mais ne soyons pas injustes : il faut reconnaître à l’APR une constance admirable. Même dans l’opposition, elle persiste à croire que la meilleure défense, c’est l’attaque — de préférence en tournant le dos à ses propres turpitudes.
