À Praia, au XVIIIe Congrès du PAICV

Du 27 au 29 juin 2025, Praia accueille le XVIIIe Congrès du Parti africain de l’indépendance du Cap Vert (PAICV). Dans une atmosphère studieuse et fraternelle, les congressistes venus de l’ensemble des îles de l’archipel, mais aussi de la diaspora, redéfinissent ensemble les orientations d’un parti au destin singulier. Car le PAICV n’est pas un parti comme les autres. Héritier d’une lutte de libération sans concessions, il a façonné un pays que l’histoire coloniale n’avait pas doté d’atouts, et qui est devenu, par la seule force de ses institutions et de ses femmes et hommes, un exemple discret, mais solide de démocratie et de progrès social sur le continent.

Une révolution tranquille, patiemment construite

Le Cap-Vert donne à voir ce que pourrait être une révolution paisible en Afrique : une construction lente, têtue, résolue. Là où bien des nations, dotées de ressources immenses, se débattent encore dans les rets du clientélisme ou des instabilités chroniques, l’archipel atlantique a fait le choix de la constance. À l’indépendance, il n’y avait presque rien. Pas de grandes infrastructures, pas de richesse naturelle, pas de rente minière. Juste une volonté, héritée d’Amilcar Cabral, de créer un État qui ne serait pas le miroir inversé du colon, mais l’expression vivante de la souveraineté populaire.

Ce pari, à bien des égards, a été tenu. Le PAICV, qui a mené le pays à l’indépendance en 1975, l’a dirigé pendant trente des cinquante années de souveraineté, posant les fondations d’un État fonctionnel, sobre et résilient. Depuis les années 1980, et en particulier durant la période 2001–2016 où il a piloté les grandes politiques publiques, le Cap-Vert a su investir dans l’essentiel : la santé, l’éducation, l’infrastructure, l’institution. Ces efforts n’ont pas été vains. Aujourd’hui, l’espérance de vie y dépasse 74 ans, la scolarisation est quasiment universelle, et la jeunesse affiche un taux d’alphabétisation supérieur à 98 %.

Une démocratie éprouvée dans l’urne

L’exemplarité cap-verdienne ne relève pas du slogan. Elle se manifeste dans les faits. Ainsi, en 2001, l’élection présidentielle s’est jouée à… 17 voix près. Pas de violences, pas de recours aux armes, pas d’interventions militaires commanditées par le délinquant multirécidiviste Nicolas Sarkozy. Juste un recomptage, un verdict, et l’acceptation du résultat. À mille lieues des scènes de chaos observées cette même année dans la première puissance mondiale, lorsque l’élection Bush–Gore avait transformé la Floride en plateau de film catastrophe.

C’est cette culture de la mesure qui frappe le plus à Praia. La démocratie n’y est pas agitée en bannière. Elle est vécue, intériorisée, rituelle. Elle repose sur des institutions solides, sur une presse active, sur une société civile organisée, et surtout sur une vie partisane animée. Le PAICV vient d’en faire la preuve, en organisant une compétition interne ouverte, avec quatre candidats à sa direction, et une élection transparente qui a vu l’accession du camarade Francisco Carvalho à la présidence du parti. Le débat est vif, mais le sens de l’unité prévaut. Avec ce nouveau leadership, le parti est désormais en ordre de marche pour reprendre, après dix années d’opposition, les rênes du pays. La séquence qui s’ouvre est décisive : elle doit permettre au PAICV de renouer avec son rôle historique de force de transformation, en portant une alternative claire, enracinée, crédible. Le Cap-Vert a besoin d’un projet structurant, et seul le PAICV semble en mesure de le proposer avec sérieux et cohérence.

Un héritage vivant : Cabral, Pereira, Pires

Ces succès ne s’expliquent pas uniquement par la technicité des politiques publiques. Ils sont d’abord le fruit d’un héritage. Celui d’Amílcar Cabral, bien sûr, dont la pensée politique, rigoureuse et poétique, continue d’inspirer les luttes pour la souveraineté et la dignité. Mais aussi celui d’Aristides Pereira, premier président de la République, qui incarna avec sobriété les promesses de l’indépendance. Et celui, décisif, de Pedro Pires.

Ce legs n’est pas figé. Il irrigue encore les choix actuels du PAICV. La résilience climatique, la transition énergétique (déjà 20 % d’énergies renouvelables), les efforts constants pour réduire la pauvreté (passée sous la barre des 15 % en 2024), sont autant de déclinaisons contemporaines d’un projet de société humaniste et cohérent.

Ce que le Cap-Vert murmure à l’Afrique

Depuis Praia, le message est clair. Il est possible, en Afrique, de gouverner autrement. De construire des politiques publiques inclusives. D’articuler la mémoire de la libération et la modernité des défis écologiques. Le Cap-Vert, sans tambour ni fanfare, trace un chemin. Celui d’une révolution discrète, mais déterminée. Une révolution qu’on lit dans les statistiques, dans le comportement des institutions, dans le calme des élections, dans le sérieux des congrès.

À l’heure où tant de nations cherchent leur voie entre le repli et le mimétisme, le XVIIIe Congrès du PAICV rappelle qu’un autre avenir est possible : africain, républicain, sobre, exigeant. Et c’est peut-être dans ce pays de volcans, de pierres sèches et d’océan, que ce possible prend sa forme la plus concrète.