Tragédie à Guédiawaye : une vie perdue, un système en cause

Le décès tragique de Khalifa Idrissa Diène, un jeune homme de 30 ans, à l’hôpital roi Baudouin de Guédiawaye, a provoqué une onde de choc dans la localité. Selon les témoignages, Khalifa Idrissa Diène a fait un malaise sur un terrain de football et a été évacué par les sapeurs-pompiers à l’hôpital roi Baudouin. Faute de place en réanimation, il aurait reçu un simple traitement symptomatique avant que sa famille ne soit priée de chercher un autre établissement. Cet enchaînement de défaillances pourrait avoir contribué à son décès, suscitant une vive émotion et une profonde indignation.

La mort de Khalifa Idrissa Diène a déclenché des émeutes autour de l’hôpital roi Baudouin, où des jeunes, révoltés par une possible « négligence médicale », ont causé d’importants dégâts. La police est intervenue pour rétablir l’ordre. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et seront jugés ce lundi 28 avril pour « association de malfaiteurs, manifestation non déclarée, troubles à l’ordre public et actes de vandalisme ».

Le principe fondamental de la continuité des soins

Cette tragédie doit nous amener à rappeler des principes simples, mais fondamentaux. Le premier est celui de la continuité des soins. Lorsqu’un patient entre dans le système de santé — que ce soit par la porte des urgences, d’un poste de santé ou d’un hôpital —, sa prise en charge devient l’affaire collective des soignants et de l’institution. Il n’est pas admissible que l’accompagnement d’un patient s’arrête à la grille d’un hôpital sous prétexte d’une capacité insuffisante. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif humanitaire, mais d’un devoir professionnel et éthique.

Si une structure n’a pas les moyens techniques ou humains de gérer une situation clinique, elle doit administrer les soins de stabilisation nécessaires. Pendant ce temps, un personnel désigné — un médecin ou un infirmier — doit se charger, par téléphone, de contacter les établissements de santé environnants pour trouver une place disponible, avec l’aide des services de régulation médicale. Une fois la structure d’accueil identifiée, c’est à l’hôpital d’origine d’organiser un transfert médicalisé, dans des conditions sûres et dignes, jusqu’au lieu où la prise en charge pourra être poursuivie. En aucun cas, cette mission ne doit être transférée aux familles, souvent démunies, stressées, parfois illettrées, et surtout incapables de comprendre les critères cliniques qui justifient une orientation vers tel ou tel hôpital.

Un système de régulation à construire d’urgence

Il serait souhaitable que l’État sénégalais, par l’intermédiaire du ministère de la Santé, envisage la mise en place d’un dispositif clair et structuré de régulation des lits et des urgences, avec des cellules actives 24h/24 dans chaque région médicale. Un tel système, idéalement informatisé, permettrait aux établissements de connaître en temps réel les places disponibles selon les pathologies et les niveaux de soins requis. Ce n’est pas un rêve technocratique : de nombreux pays aux ressources comparables y parviennent déjà.

Par ailleurs, il faut former les soignants, particulièrement les jeunes médecins, à la culture du devoir de continuité. La responsabilité d’un patient ne s’arrête pas à l’acte prescrit ou à l’examen réalisé. Elle va jusqu’à s’assurer qu’il soit entre de bonnes mains, jusqu’à ce que la situation soit résolue ou stabilisée. Ne pas le faire, c’est trahir le serment d’Hippocrate.

Ce drame de l’hôpital roi Baudouin est une blessure ouverte, mais il peut marquer un tournant si des leçons structurelles en sont tirées. La santé ne peut plus être pensée comme une addition d’établissements ou d’équipements, mais comme un parcours coordonné, un filet de sécurité fondé sur la cohérence, la solidarité et la responsabilité partagée.

Il ne suffit pas d’enquêter. Il faut corriger, prévenir, réformer. Pour qu’aucune autre famille n’ait à porter, en plus de la douleur, le fardeau de l’abandon.