
Le 2 avril 2025 n’est pas une date anodine.
Un an jour pour jour après la prestation de serment du président Bassirou Diomaye Faye, l’Assemblée nationale a adopté, à une large majorité, la loi interprétative de l’amnistie votée en mars 2024. Ce vote n’est pas qu’un geste juridique : il marque une volonté politique claire. Celle de distinguer enfin la dissidence pacifique des crimes d’État.
L’amnistie de 2024 a libéré des prisonniers, mais laissé dans l’ombre les crimes d’État. La loi interprétative trace une limite claire : on ne confond pas victimes et bourreaux.
Mais aussitôt votée, les critiques ont repris. On dénonce une justice sélective, une rupture instrumentalisée. Pourtant, les opposants à la loi n’ont avancé ni argument juridique solide, ni alternative cohérente. Il faut leur répondre — et rappeler ce que cette loi vient réparer.
Maitre Aïssata Tall Sall : la parole en majesté, les idées aux abonnés absents
Car, à bien lire les critiques, un fait saute aux yeux : aucun argument juridique ou moral solide n’a été opposé à la loi interprétative. Ses détracteurs n’offrent ni alternative crédible, ni critique fondée, préférant les insinuations creuses. Et si l’on interroge : « Qui, de bonne foi, peut soutenir cette loi ? », on peut tout aussi bien répondre : « Qui, de bonne foi, peut tolérer que l’on traite à égalité manifestants pacifiques et criminels d’État ? »
La pauvreté des objections formulées lors du débat parlementaire en est d’ailleurs une preuve éclatante. La présidente du groupe parlementaire Takku Wallu, Madame Aïssata Tall Sall, s’est exprimée avec emphase contre la loi, multipliant les envolées lyriques et les références religieuses, mais sans jamais articuler une critique juridiquement solide. Son principal reproche ? La loi ne serait pas une interprétation, mais une modification déguisée. Pourtant, elle n’en donne ni définition juridique précise, ni démonstration rigoureuse. Son discours glisse de l’indignation morale à la rhétorique patriotique, sans affronter le cœur du texte. Elle invoque Mandela, le Coran, la Bible la mort pour la patrie, mais élude l’essentiel : pourquoi l’amnistie de 2024 devrait-elle continuer de couvrir les crimes d’État ? Cette éloquence, toute vibrante qu’elle soit, révèle une faiblesse structurelle : beaucoup de passion, mais aucune proposition alternative. Ni mécanisme de justice transitionnelle, ni plan de réparation pour les victimes, ni cadre clair de responsabilité. Elle s’insurge, mais ne construit pas.
La loi interprétative ne crée pas l’impunité : elle l’abolit. Elle ne protège pas un camp, mais un principe. Elle affirme que seuls les actes politiques non violents peuvent être amnistiés. Les crimes de sang, les tortures, les disparitions ne sauraient être effacés. Cette distinction n’est pas une entorse à la justice : elle en est le fondement.
Le camp de l’amnésie et l’oubli organisé
Et que ceux qui crient à la « rupture sélective » aient l’honnêteté de regarder en face l’histoire récente. Où étaient-ils lorsque des dizaines de jeunes mouraient dans la rue, sous les balles ? Où étaient leurs appels à la mesure, leurs tribunes sur la justice équitable, lorsque des opposants étaient jetés en prison pour des délits d’opinion ? Le Sénégal ne peut se permettre de traiter à égalité les victimes et les bourreaux. C’est cela, la véritable rupture : non pas un effacement des responsabilités, mais une restauration de la vérité.
Ceux qui, aujourd’hui, brandissent la peur d’un précédent dangereux font preuve d’un cynisme saisissant. Le précédent dangereux, c’était la période 2021-2024. C’était l’État de droit piétiné, les libertés confisquées, le silence organisé autour des morts. Le vote de la loi interprétative n’efface pas cette page sombre — il y met un terme. Il trace une ligne claire entre la justice et l’oubli, entre la mémoire et l’amnésie, entre la paix construite sur la vérité et celle bâtie sur le déni.
Un devoir de justice, un pari pour l’avenir
Le peuple sénégalais, en portant Bassirou Diomaye Faye à la présidence, a exprimé un mandat limpide : justice, réparation, souveraineté populaire. Les députés de la majorité ne font que traduire, dans le langage législatif, cette volonté collective. Et tous ceux qui, au-delà des appartenances politiques, ont le sens de l’histoire, devraient s’en réjouir.
Car, en définitive, il ne s’agit pas d’une loi de circonstance, mais d’un jalon fondamental dans la refondation démocratique du Sénégal. Et si certains persistent à la dénigrer sans proposer autre chose qu’un retour au flou, c’est peut-être qu’ils redoutent la seule chose qu’ils n’ont jamais su affronter : une justice égale pour tous, y compris pour ceux qui pensaient ne jamais devoir rendre de comptes.
