Il y a un an, le Sénégal tournait une page sombre de son histoire en portant au pouvoir Bassirou Diomaye Faye, incarnation d’un espoir populaire longtemps étouffé. Un an plus tard, entre ruptures affirmées et résistances persistantes, le pays est engagé dans une mutation profonde, mais fragile.

Il y a un an jour pour jour, le Sénégal entrait dans une nouvelle ère avec la victoire éclatante de Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle du 24 mars 2024. Ce triomphe, bien plus qu’une simple alternance, marquait une rupture historique, refermant d’un coup sec douze années du régime Macky Sall marqué par l’autoritarisme et la prédation économique. Les dernières années de ce pouvoir avaient pris un tour particulièrement brutal : répression féroce des opposants, musèlement de la presse, instrumentalisation de la justice, arrestations arbitraires, exils forcés, et une jeunesse systématiquement ciblée comme une menace. La démocratie sénégalaise, naguère fière de ses acquis, avait été poussée au bord du gouffre. Mais le 24 mars 2024, le peuple a tranché avec détermination, mettant fin à cette dérive dictatoriale et ouvrant une nouvelle trajectoire fondée sur la liberté, la justice et la souveraineté.
Un an après, des changements notables sont à l’œuvre. La gouvernance, autrefois opaque et marquée par l’impunité, s’est engagée dans un processus de refondation. La priorité donnée à la transparence, la reddition des comptes et la lutte contre la corruption illustrent cette rupture nécessaire. Le départ acté des forces françaises, qui incarnaient aux yeux de beaucoup la dépossession de notre souveraineté, s’inscrit dans cette volonté assumée de réappropriation nationale. De même, la ratification d’accords en suspens depuis des années ouvre de nouveaux horizons pour le pays, en diversifiant ses instruments de coopération. Le Sénégal, sous l’impulsion de la Vision Sénégal 2050, se projette désormais dans l’avenir avec une ambition renouvelée, articulée autour de la souveraineté économique, de la justice sociale et du panafricanisme.
Mais toute révolution suscite des résistances. Les forces du passé, celles qui prospéraient sous l’ancien régime, celles qui ont bénéficié de la rente du pouvoir, n’ont pas disparu. Elles s’organisent dans l’ombre, fomentent la discorde et instrumentalisent les institutions pour freiner l’élan du changement. L’histoire regorge d’exemples où des révolutions victorieuses ont été dévoyées faute d’un ancrage institutionnel solide. Le Sénégal ne doit pas être une nouvelle illustration de cette tragédie cyclique.
Les réformes urgentes : un programme législatif de refondation
Face à ces enjeux, il est impératif d’inscrire la révolution citoyenne dans une dynamique institutionnelle pérenne. La consolidation du changement passe par un programme législatif ambitieux qui doit d’abord s’attaquer à l’institution judiciaire. Il est essentiel de rompre avec une magistrature inféodée à l’exécutif et de garantir l’inamovibilité des juges pour mettre fin aux ingérences politiques. Mais cette réforme ne saurait être complète sans une décolonisation de l’appareil judiciaire, encore marqué par des héritages qui perpétuent les inégalités. L’objectif doit être de garantir une justice impartiale, où tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction de statut social ou d’appartenance politique.
Mais la refondation institutionnelle ne saurait être complète sans une refonte des bases économiques du pays. Une loi sur le patriotisme économique s’impose pour protéger le pays des logiques de rente et de la prédation néocoloniale qui freinent son développement. Il est temps de bâtir un modèle économique national fondé sur la production, en soutenant les entrepreneurs locaux et en développant des filières stratégiques adaptées à nos réalités. Face à la puissance des multinationales, l’enjeu n’est pas de les concurrencer frontalement, mais de fixer des règles claires qui encouragent l’initiative locale et veillent à ce que les richesses produites au Sénégal profitent d’abord à ses citoyens. Cela suppose aussi de penser notre insertion dans les chaînes de valeur de l’économie mondiale, en identifiant des segments où notre savoir-faire, nos ressources et notre main-d’œuvre peuvent faire la différence.
Toutefois, cette ambition ne pourra se concrétiser si elle aboutit simplement à la naissance d’une nouvelle caste d’opportunistes, prêts à reproduire les mêmes logiques de prédation sous un vernis de changement. L’un des risques majeurs de tout changement est de voir émerger une élite parasitaire qui ne ferait que remplacer l’ancienne sans modifier les structures de domination. La révolution citoyenne ne doit pas être une simple succession de visages, mais une transformation en profondeur des pratiques et des mentalités. Plutôt que de perpétuer un modèle économique basé sur la rente et le clientélisme, il est impératif de privilégier une véritable élite entrepreneuriale fondée sur l’innovation, la production et la création de valeur ajoutée. C’est à ce prix seulement que le Sénégal pourra durablement s’émanciper et inscrire son développement dans une dynamique souveraine et inclusive.
Un cap à maintenir malgré les embûches
Le bilan d’une année est encourageant, mais l’histoire nous enseigne que les révolutions les plus prometteuses sont souvent celles qui suscitent les plus fortes résistances. Les forces rétrogrades ne désarment pas, et il appartient aux citoyens de rester vigilants pour défendre les acquis durement arrachés. La révolution du 24 mars 2024 n’est pas un aboutissement, mais un commencement.
Le Président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko, le gouvernement, la majorité parlementaire PASTEF ont amorcé une dynamique positive. Il leur revient désormais de la consolider en inscrivant leur action dans le long terme, en structurant les réformes et en engageant les ruptures nécessaires. L’enjeu n’est pas seulement de gouverner, mais de transformer le Sénégal pour les générations futures.
L’histoire ne tolère pas les rendez-vous manqués.
