
Monsieur le député Thierno Alassane Sall, dans votre tribune publiée sur SenePlus, vous vous livrez à un exercice de sophistique où la rhétorique alarmiste prend le pas sur l’analyse rigoureuse du texte de loi que vous prétendez critiquer. Votre argumentation repose sur des approximations, des extrapolations fantaisistes, visant à faire croire que la proposition de loi interprétative du député Amadou Ba de PASTEF consacrerait l’impunité des militants politiques tout en instaurant une justice à deux vitesses. Une lecture sérieuse du texte dément pourtant ces accusations.
Non, la proposition de loi ne maintient pas une amnistie générale
Vous prétendez que la proposition de loi interprétative vise à maintenir la loi d’amnistie 2024-09 du 13 mars 2024 dans toute son ampleur, rendant ainsi impunis des actes criminels graves sous prétexte de motivation politique. Pourtant, le texte précise explicitement que l’amnistie ne s’applique qu’aux infractions ayant une motivation exclusivement politique, excluant de fait les crimes de droit commun. Loin d’être un blanc-seing pour les violences, cette précision vient justement combler un flou juridique qui, sans cela, pourrait permettre des interprétations abusives.
Votre exemple du « Bus de Yarakh » est caricatural et dénué de fondement. Un incendie criminel commis sans motivation politique ne peut être couvert par cette loi. Même lorsqu’un lien politique est invoqué, la justice devra établir si la motivation politique était exclusive — ce qui signifie que tout acte mêlant délinquance de droit commun et revendication politique restera passible de poursuites. Vous agitez donc un épouvantail qui ne repose sur aucune base juridique sérieuse.
Non, cette loi ne plonge pas le Sénégal dans l’arbitraire
Vous dénoncez un texte qui, selon vous, introduirait un flou en obligeant la justice à sonder les motivations politiques des accusés. Or, cette démarche n’a rien d’inhabituel en droit. La qualification d’une infraction tient toujours compte du contexte, de l’intention et des motivations de l’auteur. Vous feignez de découvrir un principe juridique pourtant universel : le mobile joue un rôle essentiel dans l’interprétation des actes en justice.
Par ailleurs, pour éviter toute dérive, la proposition de loi prévoit un mécanisme de contrôle judiciaire par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar. C’est précisément pour éviter des décisions arbitraires et politisées que ce filtre a été mis en place. Vous semblez oublier que l’État de droit repose sur des institutions, et non sur des raccourcis polémiques.
Non, cette loi ne favorise pas l’impunité
Vous insinuez que la proposition de loi est une tentative de protéger exclusivement les militants de PASTEF, en excluant les forces de l’ordre de son champ d’application. C’est une manipulation grossière. Le texte ne fait pas de distinction partisane : toute personne ayant commis une infraction dans un cadre strictement politique peut bénéficier de l’amnistie, qu’il s’agisse d’un manifestant ou d’un agent des forces de sécurité. En revanche, l’élément des forces de l’ordre qui aurait usé de violence gratuite en dehors de toute considération politique ne pourra pas bénéficier de cette loi. Est-ce là une injustice ? Ou simplement une application rationnelle du principe de responsabilité ?
En réalité, vous tentez d’inverser la charge du discrédit : c’est bien vous qui défendez une vision à deux vitesses, où les manifestants politiques seraient systématiquement assimilés à des criminels, tandis que les abus des forces de l’ordre bénéficieraient d’une indulgence tacite.
Non, cette loi ne divise pas la République
Vous concluez votre tribune en agitant le spectre d’une République morcelée, livrée à la loi des réseaux sociaux et au règne de l’arbitraire. En réalité, la proposition de loi interprétative s’inscrit dans une logique de réconciliation nationale, en encadrant strictement l’amnistie afin d’éviter toute dérive vers l’impunité généralisée. Elle prend soin de respecter les engagements internationaux du Sénégal, notamment la Convention contre la torture et le Statut de Rome, qui interdisent toute amnistie pour des crimes graves.
Votre posture n’est donc pas celle d’un gardien de l’intérêt général, mais d’un polémiste cherchant à diaboliser un adversaire politique en détournant le sens d’un texte. Vous parlez de « forfaiture » là où il faudrait parler de responsabilité, de clarification et d’apaisement.
Pour une discussion fondée sur les faits
Monsieur le député, vous avez choisi d’intituler votre tribune « L’interprétation de la farce ». Mais la vraie farce, c’est celle que vous tentez d’imposer à l’opinion publique en travestissant la réalité du texte que vous critiquez. Votre analyse, loin d’être une lecture rigoureuse et honnête du projet de loi, s’apparente à une tentative de manipulation destinée à attiser les tensions politiques.
Le Sénégal mérite un débat fondé sur des faits, et non sur des extrapolations partisanes. En vous livrant à cet exercice de désinformation, vous ne rendez service ni à la vérité ni à la République que vous prétendez défendre.
