Le président Umaro Sissoco Embaló entraîne la Guinée-Bissau dans une crise politique qui menace directement la stabilité régionale. Face à ce danger, Dakar ne peut rester passif : il doit user de son influence pour préserver la démocratie et la paix.

Le Président Umaro Sissoco Embaló entraîne la Guinée-Bissau dans une crise politique qui menace directement la stabilité régionale. Nous, Sénégalais, ne pouvons détourner le regard face à ce qui se passe chez notre voisin du sud, un pays avec lequel nous partageons bien plus qu’une frontière : des liens historiques, culturels et humains profonds. Pourtant, aujourd’hui, la Guinée-Bissau est de nouveau au bord du gouffre. En s’accrochant au pouvoir au mépris des règles démocratiques, le Président Embaló compromet non seulement la stabilité de son pays, mais aussi celle du Sénégal, notamment en Casamance.
L’histoire récente a montré que chaque crise en Guinée-Bissau a eu des répercussions sur le Sénégal, qu’il s’agit de flux de réfugiés, d’une insécurité transfrontalière croissante ou d’un impact sur les échanges commerciaux. Pire encore, l’instabilité bissau-guinéenne a souvent offert un terrain favorable aux trafiquants et aux groupes armés. Il est donc impératif que le Sénégal prenne ses responsabilités et rappelle fermement à Embaló qu’il doit respecter les règles du jeu institutionnel. Si les mots ne suffisent pas, Dakar doit utiliser les leviers à sa disposition pour empêcher une nouvelle descente aux enfers de ce pays voisin.
Le passif démocratique d’Embaló
Depuis son élection contestée en 2020, Umaro Sissoco Embaló a multiplié les atteintes aux principes démocratiques. Il s’est proclamé président avant même la validation des résultats par la Cour suprême, plongeant la Guinée-Bissau dans une crise institutionnelle où deux présidents et deux gouvernements se disputaient le pouvoir. Son mandat a été marqué par des décisions autoritaires, notamment la dissolution unilatérale du Parlement en 2023, officiellement justifiée par une supposée « tentative de coup d’État » alors que l’Assemblée nationale était dominée par l’opposition. Il a renforcé son emprise sur les institutions sécuritaires en nommant des fidèles à des postes clés, en violation des principes constitutionnels. Bien qu’ayant annoncé ne pas briguer un second mandat, il laisse désormais entendre qu’il pourrait revenir sur cette décision. Son mépris des contre-pouvoirs et son recours systématique à la force font peser un risque majeur sur la stabilité de la région.
Une crise qui replonge la Guinée-Bissau dans ses vieux démons
La Guinée-Bissau n’en est pas à sa première crise. Depuis son indépendance en 1974, l’armée a souvent joué un rôle de régulateur politique par la force, avec une succession de coups d’État. Celui d’avril 2012, qui avait interrompu un processus électoral bien engagé, reste un traumatisme majeur. À l’époque, la CEDEAO avait dû intervenir en déployant la force ECOMIB pour rétablir un semblant de normalité.
Aujourd’hui encore, la fragilité institutionnelle du pays le rend vulnérable à la moindre crise politique. La réforme du secteur de la sécurité, plusieurs fois annoncée et soutenue par des partenaires internationaux, n’a jamais été pleinement mise en œuvre. Certaines franges de l’armée restent impliquées dans des activités illicites, et l’absence de garde-fous solides favorise les dérives autoritaires.
Le Sénégal doit réagir : une responsabilité régionale et historique
L’instabilité en Guinée-Bissau constitue une menace directe pour le Sénégal, en particulier en Casamance, où la porosité des frontières a déjà permis par le passé à certaines factions du MFDC de trouver refuge. Une nouvelle crise majeure à Bissau pourrait raviver ces tensions et déstabiliser toute la région.
Dakar doit user de son influence au sein de la CEDEAO et de l’Union africaine pour exiger le respect des engagements démocratiques. L’expulsion d’une mission de la CEDEAO par le Président Embaló constitue un affront à l’intégration régionale et appelle une réponse ferme. Sur le plan économique, le Sénégal, partenaire clé de la Guinée-Bissau, doit encourager un dialogue constructif tout en veillant à une coopération fondée sur la transparence et la bonne gouvernance. Une surveillance accrue des transactions financières, sans affecter la population, inciterait Bissau à renouer avec un fonctionnement institutionnel stable. Enfin, si la crise s’aggrave, une coordination sécuritaire renforcée avec la CEDEAO pourrait prévenir toute dérive prolongée.
Embaló doit entendre raison : respecter la démocratie ou s’isoler
Umaro Sissoco Embaló joue avec le feu. En défiant son peuple et ses partenaires régionaux, en imposant une ligne d’action unilatérale et en ignorant les revendications légitimes de l’opposition, il met son pays en péril. Si le Sénégal et les autres acteurs de la région ne réagissent pas fermement, c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui risque de subir les conséquences d’un nouvel effondrement institutionnel en Guinée-Bissau.
Le message au président Embaló doit être clair : la Guinée-Bissau n’est pas sa propriété personnelle. Il doit respecter les règles démocratiques, organiser des élections transparentes et cesser de jouer la carte de l’autoritarisme. À défaut, il s’exposera à une pression accrue du Sénégal et de la communauté ouest-africaine.
La stabilité de l’Afrique de l’Ouest ne peut être laissée entre les mains d’un dirigeant qui méprise la démocratie et ses institutions. Le Sénégal, en tant que pays frère, a une responsabilité particulière : il doit agir avant qu’il ne soit trop tard.
