AES et CEDEAO, le divorce acté : vers un nouvel ordre régional ?

Ce 29 janvier 2025 entérine le divorce entre les trois pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) — Mali, Burkina Faso et Niger — et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Un tournant historique qui intervient en plein cinquantenaire de la création de l’organisation régionale, marquant ainsi une redéfinition des équilibres ouest-africains. Ce jour coïncide également avec une escalade majeure à l’Est de la République Démocratique du Congo, où les rebelles du M23, soutenus, armés et encadrés par l’armée rwandaise, ont pris Goma, intensifiant une crise sécuritaire qui révèle les tensions profondes à l’échelle du continent africain.

Dans ce contexte de reconfiguration régionale, la sortie de l’AES de la CEDEAO ouvre une période d’incertitude économique et politique. Avec des pertes commerciales estimées à plusieurs milliards de dollars, des corridors logistiques perturbés et une perte d’accès aux financements communautaires, les conséquences économiques sont lourdes. Géopolitiquement, cette rupture affaiblit la CEDEAO, renforce paradoxalement l’UEMOA et pourrait accélérer la fragmentation des espaces d’intégration africaine. Entre aspirations souverainistes et contraintes structurelles, cette séparation constitue un test grandeur nature pour l’autonomie politique et économique des États sahéliens dans une Afrique en mutation.

Un choc économique aux conséquences mesurables

Les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) représentaient environ 15 % du commerce intra-CEDEAO, avec des échanges estimés à plus de 3,7 milliards USD en 2022. Leur sortie pourrait engendrer une baisse des exportations vers les autres pays membres de l’organisation, estimée à 1,11 milliard USD par an. Cette perte provient principalement de l’augmentation des droits de douane et de la réduction de la fluidité des échanges, notamment dans le secteur agroalimentaire et les matières premières.

De plus, ces États dépendent fortement des infrastructures logistiques des pays côtiers, comme les ports d’Abidjan, de Lomé ou de Dakar. Avec l’instauration possible de nouvelles barrières tarifaires et réglementaires, les coûts logistiques pourraient augmenter de 15 à 20 %, soit un impact financier de 370 millions USD par an. Ces perturbations pourraient affaiblir la compétitivité des produits sahéliens sur le marché régional.

Par ailleurs, la CEDEAO est une actrice majeure du financement des infrastructures et des projets de développement dans la région. La perte des fonds communautaires et des aides internationales pourrait priver ces pays d’environ 2 milliards USD d’investissements et d’aides annuelles. Sur le plan macroéconomique, la contraction du commerce intrarégional pourrait entraîner une baisse du PIB de 0,5 % au Burkina Faso, 0,6 % au Mali et 0,4 % au Niger, soit une perte annuelle combinée d’environ 600 millions USD.

Un réajustement stratégique et monétaire en suspens

Si la sortie de la CEDEAO s’inscrit dans une dynamique de rupture avec certaines influences extérieures, elle met en lumière un paradoxe économique majeur. En restant membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), ces États conservent le franc CFA comme monnaie officielle, alors même que cette devise est critiquée pour son arrimage à l’euro et son contrôle par le Trésor français. Ce maintien dans l’UEMOA réduit les pertes économiques immédiates, puisque les mécanismes de libre-échange et de financement au sein de cette union sont préservés. Ainsi, au lieu des 4,08 milliards USD de pertes estimées initialement, l’impact pourrait être limité à 1,625 milliard USD annuels.

En quittant la CEDEAO, l’AES porte un coup majeur à l’ECO, le projet de monnaie unique ouest-africaine, dont la viabilité reposait sur une intégration régionale renforcée. Cette décision fragilise encore davantage une initiative déjà entravée par les divisions internes et les réticences des États membres. Paradoxalement, les trois pays sahéliens, bien que revendiquant une rupture avec l’ordre économique dominant, restent membres de l’UEMOA, et donc utilisent le franc CFA, une monnaie dénoncée par les panafricanistes comme un instrument de domination étrangère.

Quel avenir monétaire pour l’AES ? Une monnaie indépendante renforcerait sa souveraineté, mais au prix de risques de dévaluation, de volatilité, etc. Sortir du système actuel exigerait de repenser le financement et la convertibilité, au risque d’une fragilité accrue. Quant à l’option d’une réforme interne de l’UEMOA, elle se heurte à un rapport de force défavorable pour l’AES, rendant incertaine toute évolution significative. Ces États devront donc choisir entre subir les contraintes du franc CFA ou bâtir un cadre monétaire souverain, sans compromettre leur stabilité.

Un bouleversement géopolitique qui redessine la région

Sur le plan géopolitique, la sortie de l’AES fragilise la CEDEAO, qui perd trois États clés et près de 70 millions d’habitants. Cette rupture divise une organisation qui jouait un rôle central dans la stabilité régionale et la coopération sécuritaire. La CEDEAO se retrouve affaiblie dans ses négociations internationales, notamment avec l’Union européenne et les grandes puissances économiques.

En parallèle, l’UEMOA se retrouve paradoxalement renforcée en devenant l’unique cadre sous-régional d’intégration pour les pays de l’AES. Mais cette dépendance pourrait encourager les nouvelles autorités sahéliennes à renforcer d’autres alliances, notamment avec des partenaires tels que la Russie, la Turquie et la Chine. Cette réorientation stratégique, combinée aux tensions croissantes avec les anciennes puissances coloniales, accentue les fractures au sein de l’Afrique de l’Ouest.

Enfin, cette rupture risque d’accélérer la fragmentation régionale et de ralentir la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). L’isolement progressif de l’AES pourrait compliquer les efforts d’intégration économique panafricaine et renforcer les barrières commerciales entre les États africains. De plus, la gestion des corridors logistiques, des infrastructures énergétiques partagées et des accords commerciaux transfrontaliers risque d’être source de tensions accrues.

La sortie de la CEDEAO marque une quête d’autonomie, mais pose le défi d’une stratégie économique et monétaire claire. Sans une vision solide et une diplomatie pragmatique, cette rupture pourrait fragiliser l’AES. Plus qu’un simple retrait, c’est un test décisif pour son autonomie dans une Afrique en mutation.

Bibliographie

1. Centre de recherche sur le développement humain (CREDHU), Policy briefing : Conséquences géopolitiques de la sortie des pays de l’AES de la CEDEAO, 20 janvier 2025, 8 pages. 

2. Centre de recherche sur le développement humain (CREDHU), Document de travail : La sortie des pays AES de la CEDEAO : Aspects économiques, rapport d’analyse économique, janvier 2025, 6 pages. 

3. Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Rapport sur le commerce intrarégional en Afrique de l’Ouest, 2022. 

4. Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), Données économiques et monétaires 2022-2023. 

5. Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Analyse des flux financiers en zone UEMOA, 2023. 

6. Institut pour les études de sécurité (ISS Africa), Sahel 2023 : Analyse des conflits et des stratégies régionales, 2023. 

7. Banque mondiale, Perspectives économiques pour l’Afrique de l’Ouest, 2023. 

8. Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), Rapport annuel sur l’intégration économique en Afrique 2023. 

Qu’est-ce qu’être Sénégalais ?

Dédié à Boubacar Boris Diop et Ibrahima Ama Diémé, en souvenir d’une discussion à Ziguinchor, le 26 novembre 2024, qui a enrichi la réflexion sur l’identité sénégalaise.

Même après avoir quitté le pouvoir, Macky Sall et ses soutiens persistent à utiliser l’ethnicité comme une arme politique. Après avoir tenté, sans succès, de s’en servir pour consolider une base électorale durant son mandat, ils s’en emparent désormais dans l’opposition pour mobiliser certaines populations, non pas en faveur d’un projet politique, mais pour échapper à la justice. Mais ce stratagème est voué à l’échec, comme il l’a été par le passé, car le Sénégal est bien plus qu’un agrégat d’ethnies : c’est une nation politique.

L’échec récurrent de cette instrumentalisation pose une question fondamentale : qu’est-ce qui fait tenir ensemble le tissu national ? Notre identité repose-t-elle sur l’héritage de nos différences ou sur une volonté commune de transcender ces clivages ? À travers une analyse historique, citoyenne et politique, je vais démontrer comment le Sénégal a su, et saura encore, résister aux dangers de l’instrumentalisation ethnique et consolider son unité.

Les racines historiques de l’unité sénégalaise

L’histoire du Sénégal est jalonnée d’étapes qui illustrent la quête d’unité politique. Les royaumes précoloniaux comme le Kaabunké (Ngaabu, Kabou Gabou), Cayor ou le Fouta-Toro, bien que distincts par leurs structures et valeurs, partageaient des interactions sociales, économiques et spirituelles. La traite transatlantique puis la colonisation ont introduit des épreuves collectives, où des figures comme Lat Dior, Cheikh Ahmadou Bamba ou Aline Sitoé Diatta ont incarné la résistance et l’affirmation d’une identité commune face à l’oppression.

Avec l’indépendance en 1960, le Sénégal a vu émerger une vision de nation inclusive sous l’égide d’une élite politique composée de personnalités telles que Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop, Émine Badiane, Lamine Guèye ou les signataires du Manifeste du PAI de 1957 pour qui la diversité n’était pas une faiblesse, mais une richesse. Les luttes sociales acharnées et les idéaux démocratiques portés par le peuple font partie intégrante de l’histoire de la consolidation de la nation, obligeant l’État postcolonial à faire du dialogue un outil central pour maintenir l’unité nationale.

L’identité sénégalaise a été contestée par le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), sous l’impulsion de l’abbé Augustion Diamacoune Senghor et Mamadou Nkrumah Sané, qui invoquaient une trajectoire coloniale distincte pour justifier une rupture. Selon eux, le traité franco-portugais de 1886 aurait imposé une intégration injuste de la Casamance au Sénégal. Marcel Bassène, député et intellectuel dévoué à la quête de la paix, rejetait cet argument, rappelant que bien avant la colonisation, la Casamance était déjà liée aux autres régions par des échanges économiques et des alliances sociales. Il dénonçait, avec ironie, le paradoxe d’un mouvement nationaliste s’appuyant sur des arrangements coloniaux pour légitimer ses revendications. Pour lui, ces liens anciens formaient les véritables fondations de l’unité sénégalaise, confirmant que la Casamance n’a jamais été isolée, mais toujours intégrée à une histoire et des aspirations communes.

Un contrat social en perpétuelle élaboration

La Constitution sénégalaise consacre cette vision en garantissant l’égalité entre tous les citoyens et en interdisant toute discrimination fondée sur l’ethnicité. Être Sénégalais, c’est ainsi appartenir à une communauté de citoyens unis par des droits et des devoirs partagés. Ce socle juridique, renforcé par des engagements internationaux, incarne une citoyenneté fondée sur des valeurs communes de justice, de solidarité et de respect de la diversité.

Notre récit national, quant à lui, enrichit cette vision en affirmant que nous sommes une terre de croyants tolérants, sur laquelle veillent de saints ancêtres. Le pays du dialogue islamo-chrétien, un espace où cohabitent des traditions spirituelles différentes dans un respect mutuel. Cette terre est aussi celle de la liberté, particulièrement celle de croyance, qui constitue un pilier de notre identité nationale. Dans ce cadre, l’ethnicité, bien qu’importante sur le plan culturel, ne constitue pas le fondement de l’identité nationale.

La coexistence des langues, des pratiques religieuses et des traditions artistiques témoigne de cette pluralité harmonieuse. La « Teranga », cette hospitalité emblématique, exprime une philosophie sociale qui transcende les clivages identitaires pour valoriser l’humanité partagée.

Interroger la notion de nation

Qu’est-ce qu’une nation ? La réponse à cette question a longtemps divisé les philosophes. Ernest Renan, dans sa conférence Qu’est-ce qu’une nation ? affirme que la nation est une construction volontaire, un « plébiscite de tous les jours », où les citoyens décident collectivement de partager un destin commun. Cette vision trouve une résonance au Sénégal, où les débats, les luttes sociales et l’engagement citoyen incarnent cette idée d’un projet commun en constante élaboration.

Johann Gottlieb Fichte, dans ses Discours à la nation allemande, offre une perspective différente. Pour lui, la nation repose sur une culture partagée et une langue commune, comme socle d’une identité collective. Si cette vision peut sembler éloignée de la réalité sénégalaise, elle éclaire cependant l’importance de la richesse linguistique et culturelle dans la construction de notre identité nationale. Le Sénégal, avec sa diversité linguistique et ses traditions variées, illustre une synthèse entre l’idée fichtéenne de culture partagée et celle de Renan, axée sur la volonté politique.

Jean-Jacques Rousseau, dans Du Contrat Social, affirme qu’un peuple se définit par une volonté générale de vivre ensemble sous des lois communes, et non par une origine ou une cohabitation. Ce principe s’applique pleinement au Sénégal, une nation politique unifiée où la diversité est une richesse intégrée dans un cadre démocratique. Cette volonté commune s’illustre lors de moments de communion nationale, comme les matchs de la CAN ou les campagnes électorales, où des millions de Sénégalais transcendent leurs différences pour vibrer ou s’engager ensemble. Les lois républicaines et les institutions sénégalaises, en garantissant l’égalité et la justice, façonnent un espace commun propice à l’unité. En écho à la pensée de Rousseau, qui voyait la nation comme le fruit d’une volonté collective, le Sénégal illustre cette quête d’harmonie nationale en transformant sa diversité en une force de cohésion et en un moteur de solidarité. L’État sénégalais, tel que conçu par Senghor et Dia, se prétend le garant de la justice sociale et de la solidarité, en respectant les spécificités culturelles et régionales, tout en unifiant les citoyens autour d’un projet commun.  

Un avenir à construire ensemble

Les identités ethniques, souvent perçues comme figées, sont en réalité des constructions sociales et historiques. Dans le contexte sénégalais, la diversité des cultures, des langues et des traditions n’est pas un obstacle, mais une richesse qui alimente le projet national. C’est précisément en dépassant ces identités particulières que le Sénégal affirme son caractère de nation politique.

Ce dépassement est rendu possible grâce au pluralisme politique, aux institutions sociales et aux initiatives éducatives qui favorisent l’unité dans la diversité. Les politiques d’intégration, les festivals culturels et les échanges avec la diaspora renforcent cet esprit de cohésion nationale.

Être Sénégalais, c’est appartenir à une nation politique, construite sur une volonté collective, un socle de justice et une quête permanente d’unité, transcendante des clivages ethniques ou régionaux. C’est aussi embrasser un récit national enraciné dans le dialogue, la tolérance religieuse et les valeurs de liberté. Toutefois, cette nation a été fragilisée par les dérives néocoloniales de l’État, marqué par des logiques de domination héritées de la colonisation et des inégalités structurelles.

La révolution citoyenne du 24 mars 2024, qui a porté Bassirou Diomaye Faye à la présidence, s’inscrit dans une dynamique de rupture avec cet héritage néocolonial. Elle vise à corriger les travers d’un État captif d’intérêts étrangers et à inscrire le Sénégal dans une trajectoire véritablement souveraine et inclusive. Cette étape marque un palier décisif pour la nation sénégalaise, en réaffirmant son projet collectif et en renouvelant son contrat social, fondé sur l’équité, la justice et l’émancipation nationale.

Engagement ou silence : quel rôle pour les intellectuels en Afrique ?

J’ai été surpris par l’impact qu’a eu un de mes threads sur X (ex-Twitter), où j’espérais quelques dizaines de vues, tout au plus deux ou trois centaines. Contre toute attente, il a suscité plus de 150 000 vues, des débats passionnés, et une vague de réactions contrastées. Entre engueulades, injures, accusations de « volonté de le censurer » et critiques virulentes, une majorité semblait pourtant partager mon point de vue. En réponse à un article qui m’interpellait, j’ai écrit une contribution pour clarifier ma position. Cette expérience a soulevé une question centrale : quelles sont la place et la responsabilité de l’intellectuel dans nos sociétés ?

La justification avancée par certains pour expliquer leur silence lors des répressions ou crises — notamment des fonctions institutionnelles — interroge profondément. Peut-on invoquer une position officielle pour éviter de s’exprimer lorsque les libertés fondamentales sont foulées aux pieds ? Cette posture illustre une tension plus large : le rôle de l’intellectuel dans une Afrique en mutation, face aux crises sociales et politiques.

L’intellectuel : une figure historique et contemporaine en Afrique

L’histoire intellectuelle africaine regorge de figures qui ont su allier pensée et action. Les noms de Léopold Sédar Senghor, Frantz Fanon, Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, Joseph Ki Zerbo, Funmilayo Ransome-Kuti ou encore Chinua Achebe résonnent comme des exemples d’engagement au service de la libération et de l’émancipation des peuples. Ces penseurs ne se sont pas limités à des écrits ou des discours abstraits ; ils ont été des acteurs déterminants dans les luttes pour la dignité et l’autonomie de leurs peuples.

Cependant, un contraste persiste avec une posture plus récente où certains intellectuels, par souci de préserver une neutralité ou une proximité institutionnelle, adoptent une position plus réservée. Bien qu’interprétée comme une prudence stratégique, cette attitude soulève des interrogations sur le rôle de l’intellectuel dans une société en quête de justice et de transformation. Si les figures historiques ont ouvert des brèches dans les structures d’oppression, l’attentisme d’aujourd’hui peut parfois apparaître comme une caution implicite aux injustices en place.

Cette évolution, où la prudence peut être perçue comme une forme de complicité tacite, interpelle d’autant plus lorsqu’elle est mise en regard avec des figures contemporaines qui s’efforcent de réconcilier local et global dans leurs engagements intellectuels. Des figures comme Felwine Sarr, Chimamanda Ngozi Adichie, Mahamadou Lamine Sagna ou Mohamed Mbougar Sarr s’inscrivent dans une dynamique qui cherche à reconsidérer la place de l’Afrique dans les narratifs mondiaux tout en répondant aux réalités nationales.

L’engagement selon Gramsci : l’intellectuel organique

Gramsci, dans ses « Cahiers de prison », distingue l’intellectuel traditionnel, attaché à une posture abstraite, de l’intellectuel organique, qui agit au sein d’une classe sociale pour l’émanciper ou maintenir son hégémonie. L’intellectuel organique joue un rôle crucial dans la stabilisation ou la transformation des structures sociales, selon qu’il sert les intérêts dominants ou ceux des opprimés.

Dans le contexte africain contemporain, cette notion prend une acuité particulière. Par ses discours ou ses silences stratégiques, l’intellectuel organique peut contribuer à la légitimation des systèmes en place, souvent au détriment des mouvements de contestation. Ces silences, bien qu’habillés d’une rationalité institutionnelle, peuvent-ils revendiquer une légitimité dans un environnement où la justice sociale reste une exigence criante ? Loin de remettre en cause les structures en place, cette approche peut cristalliser les inégalités et museler les appels au changement.

À l’inverse, des figures emblématiques comme Frantz Fanon, Ngugi wa Thiong’o, Wole Soyinka, Boubacar Boris Diop ou Mamadou Diouf ont adopté une posture d’engagement actif. Fanon appelait à une révolution totale contre les systèmes de domination. Ngugi, Soyinka et Diop, dans leurs plaidoyers pour la décolonisation culturelle et la responsabilité des élites, ont montré que l’engagement critique n’est pas un simple choix éthique, mais une nécessité pour insuffler un véritable changement.

Engagement ou neutralité : un dilemme éthique et stratégique dans une société en mutation

Les attentes des sociétés sont souvent contradictoires : faut-il être un guide éclairé ou préserver une neutralité afin de rester indépendant ? Le silence devient alors une posture équivoque, oscillant entre prudence et complicité. Lorsque des intellectuels choisissent de se taire face aux injustices, ils participent, même involontairement, à la reproduction des inégalités qu’ils devraient combattre.

Ces dilemmes se trouvent amplifiés par les dynamiques répressives et les pressions économiques auxquelles font face de nombreux intellectuels dans des contextes autoritaires. Souvent pris au piège entre l’exil forcé et la marginalisation, ils peinent à assumer pleinement leur responsabilité d’éclairer et de nourrir les luttes collectives. Alimentées par des régimes centrés sur l’exploitation des ressources naturelles au détriment du développement humain, ces contraintes compromettent durablement les perspectives de progrès sur le continent.

Dans ce cadre marqué par des crises multiples — sociales, politiques et économiques —, le rôle de l’intellectuel africain dépasse la simple observation. Il devient un médiateur, chargé d’éduquer et de mobiliser une pensée critique capable de remettre en question les structures en place. Des écrivains comme Albert Camus rappellent la difficulté de concilier engagement moral individuel et action politique collective. Pourtant, il est impératif pour les intellectuels de prendre position. Les récits qu’ils produisent ne servent pas seulement à décrire la réalité ; ils influencent, légitiment ou contestent l’ordre établi.

Il ne s’agit pas de prendre une posture d’opposition systématique, mais d’éviter la complaisance. L’engagement communautaire et les collaborations avec la société civile apparaissent comme des voies prometteuses pour redonner une voix aux attentes populaires. Une Afrique résiliente et émancipée ne peut émerger sans une pensée critique forte, accessible et orientée vers la transformation des réalités sociales et politiques. L’engagement des intellectuels, loin d’être une simple option, est une nécessité pour façonner une Afrique plus juste, démocratique et fidèle à ses valeurs humanistes.

PASTEF n’est pas un Parti-État : quand les illusions s’évanouissent

Dans les turbulences de l’actualité sénégalaise, une nomination en apparence ordinaire a mis le feu aux poudres : celle de madame Aoua Bocar Ly-Tall au sein du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA). Sur les réseaux sociaux, des voix militantes de PASTEF ont contesté cette décision, suscitant une vague d’interprétations et d’accusations. Ce qui n’était qu’un débat interne à une démocratie vivante s’est vite transformé en prétexte pour les pourfendeurs de PASTEF, qui y ont vu l’ombre d’un prétendu Parti-État se dessiner​.

Certains acteurs politiques et médiatiques ont crié au « monstre », dénonçant une supposée mainmise de PASTEF sur les institutions. L’argument semble frappant, mais il repose sur le vide sidéral, nourri par une méconnaissance des dynamiques politiques actuelles et des leçons de l’histoire. Pour répondre à ces attaques, il convient de rétablir les faits et d’examiner en profondeur ce qu’est réellement un Parti-État, tout en montrant que PASTEF s’inscrit dans une logique opposée, réformiste et pluraliste.

 PASTEF face à l’accusation de Parti-État : une allégation sans fondement

PASTEF ne peut être assimilé à un Parti-État, une accusation qui relève davantage d’une tentative de discrédit que d’une analyse rigoureuse. Historiquement, des exemples comme le Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) ou le Parti communiste de Chine (PCC) montrent ce qu’est un Parti-État : une structure où le parti monopolise totalement l’appareil d’État et la vie publique. PASTEF, en revanche, opère dans un cadre multipartite garantissant le pluralisme, ce qui exclut toute confusion avec ce modèle.

Les réflexions de Lénine, Max Weber et Simone Weil renforcent cette distinction. Lénine voyait le parti comme un guide des masses, non une autorité coercitive. Weber le considérait indispensable en démocratie, tout en mettant en garde contre sa bureaucratisation excessive. Weil, critique des partis en général, dénonçait leur tendance totalitaire, mais PASTEF, par son orientation réformiste et inclusive, échappe à ces dérives. En privilégiant réflexion et formation, il se distingue clairement des Partis-États historiques. Ainsi, les cadres théoriques proposés par ces penseurs soulignent que des partis réformistes et inclusifs comme PASTEF s’opposent fondamentalement aux modèles autoritaires qu’ils décrivent.

Le rejet du Parti-État depuis le commencement

En 1962, le Sénégal traverse une crise politique majeure, opposant Léopold Sédar Senghor, président de la République, à Mamadou Dia, alors président du Conseil. En suggérant que le Conseil national de l’Union progressiste sénégalaise (UPS, parti au pouvoir) puisse avoir prééminence sur le groupe parlementaire du parti à l’Assemblée nationale, Dia fut accusé de vouloir instaurer une domination partisane des institutions étatiques. Cet épisode, interprété par ses détracteurs comme une tentative de subordination de l’État au parti se solda par son arrestation et sa condamnation pour tentative de coup d’État.

Cependant, cet événement révèle aussi l’attachement profond de Mamadou Dia à un projet politique novateur et souverainiste, tout en mettant en lumière le rejet catégorique, dès les premières années de l’indépendance, de l’idée d’un Parti-État au Sénégal. Aujourd’hui, en érigeant Mamadou Dia en figure tutélaire, PASTEF revendique cet héritage de respect du pluralisme et de séparation des sphères étatique et partisane. Contrairement aux critiques qui lui sont adressées, le parti s’inscrit dans cette tradition, refusant toute ambition de fusion entre l’État et son projet politique.

Dans l’histoire politique du Sénégal, l’idée d’un Parti-État n’a jamais effleuré ni ceux qui ont gouverné, ni ceux qui aspirent sérieusement à gouverner, témoignant d’un attachement profond au pluralisme et à la séparation entre l’État et les partis. Même l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), qui devint en 1976 le Parti socialiste (PS) sous la direction de Léopold Sédar Senghor, souvent considérée comme l’une des organisations politiques les mieux structurées de l’histoire du pays, ne peut être qualifiée de Parti-État. De même, ni le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade ni l’Alliance pour la République (APR) de Macky Sall n’ont jamais sérieusement incarné un Parti et encore moins un Parti-État. Ces formations, bien que politiquement dominantes à certains moments, étaient essentiellement des machines électorales, sans pour autant absorber l’appareil d’État de manière hégémonique.

Le PRPB au Bénin : la prétention sans la réalité

Sous le régime de Mathieu Kérékou, le Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB) se présente comme un Parti-État au service de l’idéologie marxiste-léniniste. En théorie, il devait contrôler l’ensemble des institutions et piloter le développement du pays. En pratique, cependant, le PRPB n’a jamais atteint cette centralisation effective. L’État béninois restait un appareil clientéliste, marqué par des tensions régionalistes et des rivalités internes, qui limitaient la capacité du PRPB à imposer une véritable emprise sur toutes les sphères de la société.

Ce contraste entre les prétentions idéologiques et la réalité institutionnelle montre que même des partis se réclamant explicitement du modèle du Parti-État échouent souvent à le concrétiser. PASTEF, avec son approche réformiste et pluraliste, est à des années-lumière de ces dynamiques autoritaires.

Le PDG en Guinée : une personnalisation de l’État

En Guinée, sous Sékou Touré, le Parti démocratique de Guinée (PDG) se définissait officiellement comme un Parti-État, proclamant son rôle central dans toutes les décisions politiques et sociales. Cependant, ce modèle était davantage une personnification du pouvoir par Sékou Touré qu’une réelle fusion institutionnelle. Le PDG, loin d’être une organisation autonome et institutionnalisée, fonctionnait comme un prolongement de l’autorité personnelle de son leader.

Lorsque Touré est mort en 1984, le système qu’il avait construit s’est effondré, révélant l’absence de structuration durable du PDG. Ce cas met en lumière la fragilité des prétendus Partis-États qui reposent sur des dynamiques autoritaires plutôt que sur des bases démocratiques solides. PASTEF, en revanche, se distingue par son effort constant pour renforcer les institutions démocratiques sénégalaises, loin de toute logique de personnalisation du pouvoir.

PASTEF, un parti démocratique engagé pour le pluralisme

PASTEF s’affirme comme un parti démocratique profondément attaché au pluralisme. Tout dans son programme et ses thèmes de campagne renvoie à une volonté de renforcer les institutions républicaines, en plaçant la transparence, l’inclusion et la souveraineté nationale au cœur de son action. Loin des logiques hégémoniques, le parti milite pour une gouvernance respectueuse des principes fondamentaux de la démocratie.

En portant un projet réformateur, PASTEF aspire à promouvoir un État au service de tous, sans jamais subordonner les institutions à une logique partisane. Ce positionnement lui permet de se distinguer comme une force politique qui, même au pouvoir, veille à garantir le respect des règles démocratiques et l’expression de toutes les voix dans la sphère publique. PASTEF incarne ainsi une force crédible, engagée dans la construction d’un Sénégal pluraliste et juste. PASTEF  est une force politique exemplaire qui prépare des cadres compétents pour servir le pays avec justice et responsabilité.

Quant aux accusations de Parti-État, il convient de rappeler à leurs auteurs que les modèles du PCUS ou du PCC n’ont ni les racines historiques ni la vocation nécessaire pour s’épanouir sous le ciel sénégalais.

Emmanuel Macron : dans l’ombre de l’impasse stratégique et de la nostalgie coloniale en Afrique

En ce début d’année 2025, sous les ors du Palais de l’Élysée, Emmanuel Macron s’est adressé aux ambassadrices et ambassadeurs français, dans une allocution qui a dévoilé, avec éclat, les dilemmes d’une France tiraillée entre la nostalgie d’un passé impérial et l’incertitude de son avenir dans un monde multipolaire en pleine recomposition. Dans la section de son discours consacrée à l’Afrique, Emmanuel Macron, plutôt que de répondre avec respect aux aspirations légitimes des nations africaines à une souveraineté renforcée, a opté pour un ton empreint de paternalisme et de critiques acerbes. Cette posture, révélatrice d’une incompréhension tenace de l’histoire et des dynamiques contemporaines, a davantage renforcé le fossé entre la France et ses anciens partenaires du continent.

Une stratégie française à contre-courant de l’histoire

Depuis la décolonisation, les relations franco-africaines sont demeurées enfermées dans une logique néocoloniale souvent qualifiée, pour reprendre un terme largement relayé par les médias, de « Françafrique » ou d’« État franco-africain ». Si François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou même François Hollande ont, chacun à leur manière, proclamé vouloir rompre avec ce système, la réalité est restée inchangée : réseaux d’influence, accords opaques et posture moralisatrice. Le discours de Macron s’inscrit dans cette continuité. En invoquant des interventions militaires passées comme des bienfaits pour l’Afrique, il occulte les responsabilités historiques et les échecs stratégiques qui ont alimenté le rejet actuel de la présence française dans des pays comme le Mali, le Niger ou encore le Burkina Faso.

Or, la montée des mouvements panafricanistes et les revendications de souveraineté exprimées par les peuples africains ne peuvent être balayées d’un revers de main. En dénonçant une prétendue ingratitude africaine, Macron renforce l’image d’une France sourde aux mutations historiques et incapable d’adopter une approche partenariale véritable.

La réponse du Sénégal et l’émergence d’un souverainisme démocratique

En réponse au discours d’Emmanuel Macron, Ousmane Sonko, Premier ministre sénégalais et figure emblématique du souverainisme démocratique, n’a pas tardé à réagir. Il a dénoncé des propos qu’il a qualifiés de « réminiscences néocoloniales indignes du partenariat que nous envisageons pour l’Afrique ». Ce courant souverainiste démocratique, porté par le pouvoir sénégalais et d’autres leaders panafricains, vise à conjuguer émancipation politique et consolidation des institutions démocratiques, tout en rompant avec les modèles de dépendance hérités de la colonisation.

Le souverainisme démocratique sénégalais s’articule autour de plusieurs priorités : la remise en question du franc CFA, la renégociation des contrats pétroliers et gaziers pour garantir une répartition équitable des richesses, et la diversification des partenariats internationaux. En s’inscrivant dans un mouvement dialectique, ce choix d’une stratégie panafricaine, à la fois non alignée et multialignée, montre une dynamique d’équilibre entre indépendance et interdépendance. Ce positionnement a pour ambition de construire des relations bilatérales fondées sur le respect mutuel et l’intérêt réciproque, tout en engageant le Sénégal et l’Afrique dans une quête d’autonomie économique affirmée, accompagnée d’une identité propre au sein des relations internationales.

Une impasse stratégique et des outils inadaptés

Le démantèlement des bases françaises en Afrique n’est pas seulement la conséquence d’une pression politique des peuples africains, mais également le constat d’un échec patent du militarisme franco-africain tel qu’il a été conçu et déployé depuis des décennies. Les opérations comme Barkhane, bien que massives, se sont avérées incapables de répondre aux dynamiques complexes et asymétriques des conflits sahéliens. Les résultats sont sans appel : une escalade de violence avec une augmentation de 44 % des incidents armés en 2020 dans des pays comme le Mali et le Burkina Faso, et des armées locales souvent affaiblies par leur dépendance à des partenaires extérieurs perçus comme des forces d’occupation.

Les limites de l’arsenal militaire français apparaissent d’autant plus évidentes lorsqu’il s’agit d’affronter des groupes comme Boko Haram ou le GSIM. Les doctrines françaises, centrées sur des équipements lourds comme les Mirages ou les Rafales, sont inadaptées à des terrains où la mobilité, la résilience locale et l’adaptation aux particularités géographiques sont importantes. De surcroît, des conflits récents comme la guerre civile au Soudan, qui mobilisent des techniques paramilitaires, de la guerre urbaine et des tactiques irrégulières, mettent en évidence l’incapacité des forces occidentales à s’adapter à ces nouvelles réalités stratégiques. La militarisation française au Sahel, malgré des moyens significatifs, a alimenté une perception d’inefficacité et d’ingérence qui a accéléré son rejet.

Plus largement, l’approche militaire française illustre une vision dépassée des enjeux stratégiques africains. Au Sahel central, de 2013 à 2022, la multiplication des acteurs militaires sur le terrain — entre l’opération Barkhane, la force Takuba, la MINUSMA et les forces spéciales américaines — a créé un véritable « embouteillage sécuritaire », incapable de contrer les racines profondes des crises : faiblesse institutionnelle, pauvreté chronique, et rivalités locales exacerbées par des décennies d’ingérence. Ce militarisme, hérité de logiques néocoloniales, a non seulement échoué à contenir les menaces terroristes, mais il a aussi alimenté une défiance croissante des populations locales, qui réclament des approches centrées sur le développement durable et la souveraineté nationale.

Une souveraineté africaine en marche

Contrairement à ce que semble croire le président français, les aspirations des peuples africains ne se limitent pas à un rejet de la France en tant que puissance néocoloniale. Elles reflètent une volonté de prendre en main leur propre destin, en construisant des partenariats équitables et en participant activement aux forums internationaux. Loin d’être un isolement, ce positionnement correspond à une vision pragmatique des relations internationales. Les États africains veulent tirer parti de la compétition entre puissances pour maximiser leurs intérêts.

Dans ce contexte, l’attitude française ne peut être autre chose qu’un frein au développement de nouvelles relations . Pour que la France puisse réintégrer un dialogue fécond avec l’Afrique, elle devra abandonner son rôle de donneur de leçons et accepter d’être un partenaire parmi d’autres.

Frantz Fanon, une lumière anticoloniale : célébration du centenaire de sa naissance

L’année 2025 marquera le centenaire de la naissance de Frantz Fanon, une des figures les plus emblématiques de la pensée anticoloniale du XXe siècle. Né en 1925 à Fort-de-France en Martinique, Fanon a non seulement marqué les luttes pour la décolonisation, mais a également façonné durablement les discours sur le racisme, la violence coloniale, et la nécessité de reconstruire des sociétés libérées de l’oppression.

Pensée et action ont toujours été indissociables chez Fanon. Médecin, psychiatre et militant, il a livré une analyse incisive des rapports entre colonisateurs et colonisés dans des œuvres majeures comme Peau noire, masques blancs et Les Damnés de la terre. Son héritage résonne encore dans les combats contemporains contre le racisme systémique, les discriminations et toutes les formes de domination.

Fanon face aux défis de notre époque

À l’heure où les idées d’extrême droite gagnent du terrain dans le monde occidental, s’enracinant dans des discours de repli identitaire et de rejet de l’autre, et où un racisme décomplexé s’affiche sans vergogne dans les sphères publiques et politiques, l’œuvre de Frantz Fanon apparaît comme un phare dans l’obscurité. Ses écrits nous rappellent que ces phénomènes ne sont pas de simples accidents historiques, mais les prolongements d’un ordre colonial qui n’a jamais été réellement déconstruit. Fanon dénonçait déjà, en son temps, l’hypocrisie des grandes puissances, prônant une rupture radicale avec les systèmes qui perpétuent la domination et la déshumanisation.

Aujourd’hui, cette actualité trouve une résonance dramatique dans la passivité collective face aux horreurs contemporaines, comme le génocide en cours à Gaza. Alors que les images de souffrance et de destruction circulent sans interruption, une apathie mondiale semble s’installer, nourrie par l’indifférence des élites internationales et le silence complice des institutions globales. Fanon, par son appel vibrant à la solidarité des opprimés, nous pousse à questionner notre humanité et notre capacité d’action. Il ne s’agit pas seulement de dénoncer, mais de lutter, de construire des alliances transnationales capables de défier les logiques de destruction et d’exclusion.

Fanon nous invite aussi à repenser les rapports de force : face aux systèmes d’oppression, il ne prône pas une réconciliation hâtive, mais une confrontation nécessaire pour arracher la dignité et la justice. Il nous enseigne que la véritable solidarité repose sur une reconnaissance mutuelle et une lutte commune contre toutes les formes de déshumanisation. Dans un monde où les murs se multiplient — entre les nations, les communautés et les esprits — sa pensée nous rappelle qu’il est possible de reconstruire un monde fondé sur la justice, la dignité et une humanité partagée, mais que cela exige un effort collectif, lucide et courageux.

Fanon, une boussole pour la révolution citoyenne sénégalaise

Dans un Sénégal en pleine effervescence politique et sociale, la révolution citoyenne en cours gagnerait à s’armer de la pensée de Frantz Fanon. Sa critique des structures de domination, son appel à une rupture radicale avec les héritages coloniaux et son insistance sur la souveraineté des peuples résonnent particulièrement dans ce contexte. Face à des institutions souvent perçues comme le prolongement de systèmes d’oppression néocoloniaux, la réflexion fanonienne propose une reconstruction intégrale : un projet de société qui réhabilite la dignité des citoyens et met au cœur de son action l’émancipation collective. Fanon nous rappelle que la vraie libération ne peut se contenter de changements symboliques ; elle exige une transformation profonde des mentalités, des structures économiques et des modes de gouvernance.

Une commémoration mondiale et engagée

La Fondation Frantz Fanon, en partenariat avec des institutions, des associations et des universités de divers continents, coordonnera tout au long de l’année 2025 une série d’événements pour honorer son immense contribution. Ces activités incluront conférences, lectures, expositions, concerts, et assemblées dans des villes telles que Dakar, Paris, Bordeaux ou encore New York.

Le coup d’envoi officiel sera donné le 15 janvier 2025 à Paris, lors d’une conférence de presse au Centre des Récollets. Ce moment marquera le début d’une mobilisation mondiale visant à faire vivre la mémoire et les idées révolutionnaires de Fanon. Les événements prévus ne seront pas de simples commémorations : ils chercheront à réanimer son esprit de lutte et à inspirer de nouvelles générations d’activistes, d’intellectuels, d’artistes et de citoyens.

Fanon, une pensée vivante pour des luttes actuelles

Alors que s’ouvre cette année 2025, marquée par le centenaire de Frantz Fanon, permettons-nous de rêver et de bâtir un monde plus juste, solidaire et humaniste. À vous, chers lecteurs, je souhaite une année de courage, de lucidité et d’engagement, fidèle à l’héritage de Fanon et aux luttes qu’il a portées. Que cette nouvelle année soit porteuse d’espoir et d’actions décisives pour un avenir meilleur.

Plus qu’un hommage, ce centenaire est une invitation à plonger dans l’héritage de Fanon pour y puiser des armes intellectuelles face aux défis d’aujourd’hui. Dans un monde toujours marqué par les inégalités raciales, les guerres néocoloniales et l’exclusion, sa pensée reste un guide pour imaginer des sociétés plus justes et inclusives.

Pour plus d’informations sur le programme détaillé, consultez le site officiel de la Fondation Fanon : centenaire.fondation-frantzfanon.com.

Rendez-vous tout au long de l’année 2025 pour un hommage vibrant et une réflexion collective sur les leçons intemporelles de Frantz Fanon.